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Contour de F0 et types de frontières prosodiques

Cette analyse consiste à répondre aux deux premières questions:

1. Y-a-t-il un contour intonatif propre aux deux types de frontières analysées (continuations et fins d’énoncés) ?

2. Le contour sur l’avant-dernière syllabe peut-il permettre l’identification de la frontière prosodique ?

J’ai commencé par faire une comparaison des courbes intonatives des deux types de frontières, pour en dégager leur tendance générale.

Quand on s’intéresse à la structure syntaxique de ces énoncés, on remarque que l’emploie de certains morphèmes suggère que le discours n’est pas fini. C’est le cas de « sã : » en début d’énoncé qui suggère que l’énoncé continue. En effet « sã : » introduirait une proposition subordonnée, ce qui fait qu’on attend une suite qui serait la proposition principale.

Exemple (Voir Annexe 6 : corpus 6) :

« m sã : jik ji : beo : ɣo… » (Quand je me lève le matin…)

On note aussi que l’utilisation du ponctuant « ja » en fin d’énoncé qui indiquant également que l’énoncé continue. Même s’il y a certains énoncés continus introduits par des morphèmes et d’autres pas, j’ai cependant observé qu’un contour montant ou contour plat accompagne souvent les continuations.

150 Figure 50 : Courbe deF0 d’une continuation en mooré

Enoncé : « m pʋ:sda radjo wã kelegd b fã: gɩll kɛpi » (Je salue tous les auditeurs de la radio) B !h h h h h h b b h b h b

Je n’ai pas noté une structure syntaxique particulière qui indique que les énoncés sont finis. Mais on remarque que les courbes des fins d’énoncé ont tendance à se terminer par un contour descendant ou plat.

Figure 51 : Courbe de F0 d’une fin d’énoncé en mooré

Enoncé : « n tõ:ɣ n bãŋg (hésitation) rɔ̃ŋg sẽn ja (a) sɔba » (pour découvrir ce qu’est Raongo) B !h b b h h h b h

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1. Les fins d’énoncé sont marquées par un contour descendant ou plat.

2. Les continuations sont marquées par un contour montant.

3. Il y a une chute de F0 sur l’avant-dernière syllabe de l’unité qui semble indiquer qu’il y aura une frontière prosodique.

La segmentation du corpus m’a permis de déterminer 106 énoncés. Parmi ces énoncés j’ai identifié 75 frontières de continuations et 31 frontières de fins d’énoncés. Le nombre inégal des types de frontières s’explique en partie par la nature du corpus. En effet, les enregistrements que j’ai réalisés comportaient plus de continuation parce que les informateurs énuméraient les tâches de leur journée. Comme je voulais avoir un échantillon assez représentatif de la parole produite de manière naturelle, j’ai choisi de ne pas équilibrer le nombre de frontières en allant chercher dans d’autres extraits.

Dans les enregistrements recueillis, les énoncés ne sont pas toujours parfaitement organisés, puisqu’il s’agit de parole spontanée. Il y a parfois des hésitations, des restructurations etc. Je n’ai pas tenue compte des hésitations, des reprises…dans mon analyse, car je considère que ce type d’énoncés n’est pas pertinent pour cette étude.

Résultats

Contour final de l’unité prosodique

La première partie des résultats concerne le rapport entre le contour de la fréquence fondamentale (F0) à la fin des unités prosodiques et le type de frontière. Pour examiner ce rapport, j’ai d’abord déterminé à l’aide de WinPitch les contours de F0 produits sur les dernières syllabes des unités analysées.

J’ai identifié 6 types de contours :

Un contour descendant que j’ai appelé « chute ». Ce contour se présente comme une déclinaison de F0 sur la syllabe observée. (Voir figure 51).

J’ai identifié aussi un contour montant, désigné par « montée ». J’ai considéré qu’il y avait un contour montant lorsque la courbe de F0 arrêtait sa déclinaison pour repartir vers le haut. (Voir figure 50).

152 J’ai considéré que le contour final était plat quand la courbe de F0 arrêtait son mouvement et restait constante sur la syllabe.

A ces contours s’ajoutent trois autres contours complexes. J’ai appelé ces contours complexes parce qu’il y a un mouvement mélodique sur la syllabe. J’ai déterminé un contour montant-descendant que j’ai désigné par « complexe chute », un contour montant-descendant-montant, désigné par « complexe monté », et un contour « complexe plat » qui est marqué par soit une montée ou une chute qui se termine par un contour plat.

L’examen du contour de F0 sur la dernière syllabe des unités prosodiques a pour objet de vérifier s’il y a une relation entre le contour final de l’unité prosodique et le type de frontière. En d’autres termes, ce sont les hypothèses 1 et 2 que je cherche à tester.

On observe que les fins d’énoncés sont pour la plupart terminées par une chute de F0 ou un contour plat. En effet, 45,16% des frontières finies ont un contour descendant et 41,94% autres frontières de fins d’énoncés ont un contour plat. J’ai remarqué aussi que 9,68% des énoncés finis ont un contour complexe (chute). Si l’on considère que le contour complexe (chute) exprime une tendance de la courbe de F0 à la chute, on remarque alors que plus de la moitié des fins d’énoncés, soit 54,84% ont une tendance à se terminer par une chute de F0 sur la dernière syllabe. En outre, il faut noter qu’aucune frontière de fins d’énoncé n’est marquée par une montée, même si on constate que 3,23% (soit 1/31) des énoncés finis ont un contour complexe (montée).

En ce qui concerne les frontières de continuation, elles sont majoritairement marquées par une montée et un contour complexe (montée). On peut observer que 38,67% des continuations analysées sont terminées par un contour montant de et 37,33% ont un contour complexe (montée). Si l’on considère que le contour complexe (montée) et la montée expriment tous les deux une tendance de la courbe à la montée, on peut noter que 76% des courbes intonatives des continuations se terminent par une montée de F0.

On remarque aussi que 5,33% des continuations se terminent par un contour plat et 4% par un contour complexe plat.

Par ailleurs, aucune frontière continue n’est terminée par un contour complexe (chute) même s’il y a une importante proportion, 14,67% de ces énoncés qui se terminent par une chute de F0 sur la dernière syllabe.

153 Figure 52 : Contour de F0 sur les dernières syllabes selon le type de frontière

Cet examen du contour de la fréquence fondamentale sur la dernière syllabe des unités prosodiques montre que selon le type de frontière il y a une préférence pour certains contours. Les frontières finies ont tendance à avoir un contour descendant ou plat. Tandis que les frontières continues sont pour la plupart accompagnées de contour montant ou descendant-montant (montée ou complexe montée). On peut dire que nos hypothèses 1 et 2 semblent se confirmer avec néanmoins une réserve pour l’hypothèse 2. J’ai pu constater qu’il y a quand même un certain nombre de continuation 1/7 qui se termine par une Chute de F0, ce qui est un contour plutôt inattendu pour ce type d’énoncé. On peut remarquer avec Martin (1981) et Hansson (2003) qu’il y a rarement une structure prosodique type pour une structure syntaxique ou un énoncé donné. En d’autres termes, un type d’énoncé ou structure syntaxique a souvent plusieurs réalisations prosodiques possibles. Ainsi, peut-on penser que le contour descendant de F0, est une autre stratégie de production des frontières continues.

Contour de F0 sur l’avant-dernière syllabe de l’unité prosodique

La deuxième étape de cette étude a consisté à analyser le contour de F0 sur l’avant-dernière syllabe des unités prosodiques. Dans cette étude, je fais l’hypothèse qu’une chute de F0 sur la pénultième syllabe indique qu’on aura une frontière prosodique. Ce sont les mêmes énoncés qui ont été examinés. Il y a donc 106 énoncés au total.

15% 0% 4% 5% 39% 37% 45% 10% 0% 42% 0% 3% 0% 10% 20% 30% 40% 50% chute compl (chute) compl (plat)

plat montée compl (montée) Contour de F0 sur la dernière syllabe des unités

prosodiques selon le type de frontière

continue finie

154 L’examen des contours de F0 sur l’avant-dernière syllabe des unités prosodiques m’a permis d'identifier 5 types de contours : Une chute de F0, une montée de F0, un contour plat, un contour complexe terminé par une chute et un contour complexe qui se termine par une montée.

Exemples des contours mélodiques identifiés sur l’avant-dernière syllabe

Figure 53: Contour de F0 sur l’avant-dernière syllabe (chute)

155 Figure 55: Contour de F0 sur l’avant-dernière syllabe (plat)

Figure 56: Contour de F0 sur l’avant-dernière syllabe (complexe montée)

156 Après examen du contour de la fréquence fondamentale sur l’avant-dernière syllabe des unités prosodiques analysées, j’ai pu observer que plus de la moitié de ces unités, 51,89% est marquée par une chute de F0 sur cette syllabe. On note également que 16,04% des énoncés présentent un contour « complexe chute » (montant-descendant) sur la pénultième syllabe de l’unité prosodique. Si l’on considère encore que le contour « complexe chute » qui implique un mouvement mélodique sur la syllabe se terminant par une chute, peut être analysé comme chute de F0, on observe alors que 67,93% des unités ont une chute de F0 sur l’avant-dernière syllabe de l’énoncé. Même si plus de la moitié des unités prosodiques est marquée par une chute de F0 sur la pénultième syllabe, il est quand même difficile de valider l’hypothèse de départ sans émettre des réserves. En effet, on remarque qu’il y a également une importante proportion des unités, 29,25% qui reçoivent un contour plat sur l’avant-dernière syllabe. Par conséquent, on ne peut pas soutenir après un simple examen du contour de F0 sur la pénultième syllabe qu’une chute de F0 serait la marque d’une frontière prosodique à venir, mais on peut affirmer qu’une chute de F0 sur l’avant-dernière syllabe est le contour le plus attendu.

Toutefois, il est intéressant de noter qu’il y a seulement 1,89% des unités prosodiques qui sont marquées par une montée de F0 sur la pénultième syllabe et 0,94% reçoivent un contour « complexe montée ». Il semble alors établi que le contour montant de F0 n’est pas le contour le plus attendu sur l’avant-dernière syllabe des unités.

157 Pour déterminer s’il y a une préférence à la chute de F0 sur la pénultième syllabe des unités prosodiques, il serait intéressant, d’analyser le contour de F0 en rapport avec le ton lexical des syllabes qui reçoivent ce contour.

Contour de F0 sur la pénultième syllabe et tons lexicaux

On a pu observer qu’une grande partie des unités prosodiques de cette étude sont marquée par une chute de la fréquence fondamentale sur l’avant dernière syllabe de l’unité. J’ai posé l’hypothèse que cette chute de F0 annonce une frontière prosodique à venir. Cependant, la simple observation du nombre de réalisations, n’a pas permis de confirmer cette hypothèse. En effet, il y a une proportion assez importante, 29,25% d’unités qui ont un contour plat sur l’avant dernière de syllabe. Je pense donc que l’examen des tons en rapport avec le contour de F0 permettrait d’approfondir l’analyse.

En premier lieu, je cherche à montrer qu’on a les deux types de tons lexicaux (hauts et bas) sur les syllabes (avant dernière) qui reçoivent une chute de F0. Je pense que l’on pourrait s’attendre à avoir des tons bas au niveau de la chute de F0 car de par sa nature, ce serait le mouvement mélodique naturel. Mais si les deux types de tons sont présents, on peut en déduire que le mouvement mélodique de F0 n’est pas lié à la nature des tons.

Dans ce corpus, j’ai remarqué que les deux types de tons sont présents au niveau des pénultièmes syllabes marquées par une chute de F0. Il y a une légère surreprésentation des tons bas 54,17% (26/48) et les autres tons sont hauts 45, 83% (22/48).

Lorsque je m’intéresse à la nature des tons des pénultièmes syllabes ayant un contour montant-descendant (complexe chute) on note une inversion de la tendance. Cette fois les tons hauts sont les plus représentés 73, 33% (11/15) contre 26,67% (4/15) pour les tons bas. Je pense aussi que le mouvement mélodique qui s’associe naturellement au ton haut est un mouvement montant. Ici, la première partie du contour mélodique peux être interprété, pour les tons hauts, comme le mouvement montant lié à la nature du ton, et la deuxième partie du contour donne des indices sur la structuration de l’énoncé.

Dans tous les cas, je me suis intéressée à la deuxième partie de ce contour complexe, traduisant un mouvement descendant. Et la nature des tons ne permet pas de rendre compte du mouvement descendant de la mélodie puisque tons hauts et bas sont présents. De ce fait, je pense que la chute de F0 sur l’avant-dernière syllabe des unités est due à l’organisation

158 prosodique des énoncés. Et cette chute de la fréquence fondamentale permet de signaler qu’il aura une frontière prosodique.

Par ailleurs, j’ai remarqué qu’il n’y a que deux occurrences dans le corpus, de contour montant sur la pénultième syllabe des unités prosodiques. Et en ce qui concerne le contour descendant montant, il n’y a qu’une seule occurrence et il s’agit d’un mot emprunté « village ».

S’agissant du contour plat observé sur l’avant dernière syllabe de certaines unités prosodiques, je fais l’hypothèse que ce contour résulte d’une neutralisation causée par la présence d’un ton haut. Si le ton haut se traduit naturellement par un mouvement mélodique montant, alors que l’organisation prosodique impose un mouvement descendant sur une syllabe portant le ton haut, les deux contours opposés pourraient se neutraliser et donner un contour plat. Dans ce corpus, j’ai noté que 79% (22/28) des syllabes pénultièmes d’unité marquée par un contour plat, ont un ton lexical haut. Même si cela représente une proportion importante, je remarque qu’il y a quand même 21% (6/28) des avant derrières syllabes marquées par un contour plat qui porte un ton lexical bas. Pour ces syllabes, la neutralisation due à la présence du ton haut sur l’avant dernière syllabe de l’énoncé ne peut pas rendre compte du contour plat.

Figure 59 : Contour mélodique plat et types de tons sur l'avant-dernière syllabe

D’où vient alors le contour plat observé. Nous avons vu plus haut (chapitre 5) que le contour de F0 peut être affecté par la réalisation du ton qui le suit. En effet, la formation du contour mélodique dans les langues à ton ponctuel est souvent à l’association de deux tons. Et, l’association tons BH entraine souvent une montée de la courbe de F0. Dans le chapitre 5, j’ai

159 montré que le mouvement montant peut être anticipé sur le ton précédent (le ton bas). Ainsi, si contour montant est anticipé sur l’avant-dernière syllabe, alors que la prosodie de l’énoncé impose un contour descendant, il résulte de ce conflit une neutralisation du contour sur la pénultième syllabe. Tous les 7 mots du corpus qui portent un ton bas sur la pénultième syllabe, mais qui ont pourtant été réalisés avec un contour plat, sont tous suivis d’un ton haut. En définitive, le contour plat sur l’avant dernière syllabe est due la présence d’un ton haut soit sur l’avant dernière syllabe soit sur la dernière syllabe.

Durée des syllabes et des pauses en rapport avec le type de frontière