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Structure profonde dans la région d’Alboran

Chapitre 2: Contexte géologique et géodynamique

1. Les Cordillères Bétiques dans le contexte de l’ouverture de la Méditerranée occidentale

1.4. Structure profonde dans la région d’Alboran

1.4.1. Structure lithosphérique

La structure profonde sous l’arc de Gibraltar est contrainte grâce aux nombreuses études sismologiques réalisées dans cette région (Spakman and Wortel, 2004 ; Bezada et al., 2013 ; Villaseñor et al., 2015 ; Monna et al., 2015 ; Palomeras et al., 2017). Ces études ont permis d’imager par tomographie des ondes sismiques une anomalie positive de vitesse sous l’arc de Gibraltar. Cette anomalie positive de vitesse suit la courbure de l’arc et plonge presque à la verticale jusqu’à près de 700 km de profondeur (Fig. 9). On interprète généralement cette anomalie comme la trace de la subduction et du retrait associé de la lithosphère océanique téthysienne sous la plaque européenne (Lonergan and White, 1997 ; Faccenna et al., 2004 ; Spakman and Wortel, 2004 ; Jolivet et al., 2009). Bien que la géométrie observée soit compatible avec celle d’un slab, d’autres modèles considèrent cette anomalie comme représentant la lithosphère délaminée, postérieurement à son épaississement pendant l’orogénèse alpine (Platt and Vissers, 1989). Dans la partie Est des Bétiques

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et du Rif, l’épaisseur de la croûte diminue fortement. Cette diminution d’épaisseur est due à la délamination et/ou à la déchirure de la lithosphère continentale sous les marges ibériques et africaines, entrainant aussi la perte d’une partie de la croûte inférieure (Thurner et al., 2014 ; Mancilla et al., 2015 ; Palomeras et al., 2014, 2017).

Figure 9: Différentes représentations 3D de l’anomalie positive de vitesse sous la terminaison occidentale de la Méditerranée. A: Schéma tiré de Mancilla et al. (2015) mettant en avant la

déchirure de la lithosphère continentale sous la marge Ibérique. B: Représentation simplifiée tirée de Palomeras et al. (2014) montrant le slab toujours attaché à la croûte sous le Rif et sous les Bétiques au niveau de Grenade et la présence d’une fenêtre asthénosphérique. C: Imagerie 3D du slab reconstituée d’après les données de vitesse des ondes P (Bezada et al., 2013).

1.4.2. Magmatisme et volcanisme

Le magmatisme à l’échelle du bassin d’Alboran permet de mieux comprendre les événements géodynamiques profonds qui ont eu lieu dans la zone. Les différents événements magmatiques et volcaniques depuis l’Oligocène à l’actuel sont décrits dans les études de Duggen et al. (2004, 2005) et Lustrino et al., (2011). Brièvement, l’âge du volcanisme calco-alcalin lié à la subduction téthysienne montre un rajeunissement depuis des âges oligocènes (~30Ma) dans le Sud de la France jusqu’à des âges miocènes supérieur (11.5-5.5Ma) dans la région d’Alboran (Fig. 10) voire même Quaternaire en

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Calabre. Ces âges sont liés au retrait de la zone de subduction et à la migration d’un arc volcanique (Rosenbaum et al., 2002). Le magmatisme le plus ancien retrouvé est daté de l’Eocène supérieur (~38-30 Ma) (Turner et al., 1999) et se manifeste par l’intrusion de dykes dans la région de Malaga. Ces dykes marqueraient, selon ces auteurs, les premiers stades de l’extension arrière arc dans la région.

Figure 10: Répartition géographique et âges des différents affleurements de roches volcaniques dans la Méditerranée occidentale (modifié d’après Rosenbaum et al., 2002).

Bien que le magmatisme nous renseigne sur les phénomènes en profondeur, le rôle joué par les processus de délamination ou de déchirure du slab est difficile à évaluer. Ces processus sont tous les deux compatibles avec les phénomènes observés en surface. Duggen et al. (2004, 2005) proposent, d’après l’étude de l’âge et de l’évolution de la géochimie du magmatisme, que l’ouverture du bassin d’Alboran soit le résultat du retrait du slab depuis le Miocène moyen et de la délamination d’une partie du manteau sous-continental sous la partie sud de l’Ibérie et le NO du Maroc.

1.4.3. Structure crustale

1.4.4. Épaisseurs de la croûte

Les épaisseurs crustales dans l’arc de Gibraltar, reconstruites par le biais d’études tomographiques, permettent de distinguer un domaine de croûte épaissie (au niveau de la partie occidentale des Bétiques et du Rif où la croûte atteint des épaisseurs supérieures à 50km), d’un domaine de croûte amincie sous le bassin d’Alboran où la croûte résiduelle ne mesure que 15 à 20 km d’épaisseur (Fig. 11) (Thurner et al., 2014 ; Mancilla et al., 2105; Palomeras et al., 2017)). Cet épaississement crustal est lié aux déformations compressives et au sous-charriage au Miocène inférieur des marges ibérique et africaine, sous les unités internes qui constituent le socle du bassin d’Alboran. Pendant que cet

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épaississement avait lieu à la périphérie des unités d’Alboran, les parties les plus internes, quant à elles, ont été soumises à partir de la fin de l’Oligocène à un régime extensif, permettant l’exhumation des zones internes métamorphiques et la formation du bassin d’Alboran.

Figure 11: Carte de la profondeur du Moho pour la plaque ibérique et le Nord du Maroc, (Palomeras et al., 2017). La zone marquée par le pointillé rouge représente la trace de l’anomalie de vitesse à 60 km de profondeur. Le triangle blanc marque la position de la Sierra Nevada.

1.4.5. Soulèvement et topographie

La délamination et le déchirement du slab sous les marges ibérique et marocaine permettent aussi d’expliquer le soulèvement récent qui a affecté les Bétiques depuis le Miocène supérieur. Le soulèvement général des Bétiques est marqué par l’enregistrement sédimentaire des bassins intra- montagneux (Iribarren et al., 2009). Ces bassins enregistrent simultanément d’est en ouest la transition d’une sédimentation marine à continentale autour de 5Ma qui pourrait être reliée à la déchirure du slab au Miocène supérieur (Duggen et al., 2009 ; Mancilla et al., 2015) (Fig. 11 et 12)

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En effet, la topographie actuelle des Bétiques et du Rif est hors équilibre isostatique. Les zones où l’épaisseur crustale est la plus importante, c’est-à-dire la partie ouest (Fig. 11), sont associées à des altitudes plus faibles que dans l’est des Bétiques.

Actuellement, le slab est encore attaché à la croûte dans une zone entre Grenade et Malaga (Garcia- Castellanos and Villaseñor, 2011 ; Palomeras et al., 2014 ; Mancilla et al., 2015). A l’ouest de Grenade, la force de traction exercée par le panneau lithosphérique entraine un relief anormalement bas comparé aux reliefs attendus pour de telles épaisseurs crustales. Dans l’Ouest des Bétiques, à contrario, les forts reliefs observés sont le résultat des processus de topographie dynamique engendrés par une remontée asthénosphérique ou un rebond lithosphérique suite à la déchirure lithosphérique.

Figure 12: Age du passage d’une sédimentation marine à continentale dans les bassins à terre des Bétiques et du Rif (Iribarren et al., 2009).

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2. Structure de l’arc de Gibraltar