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La période du Mésozoïque au Cénozoïque

Chapitre 2: Contexte géologique et géodynamique

4. Evolution paléogéographique et géodynamique de l’Ibérie et de l’Afrique

4.2. La période du Mésozoïque au Cénozoïque

4.2.1. Evénements géodynamiques Méso-Cénozoïques

Faisant suite à l’orogénèse hercynienne, le cycle Alpin débute au Permo-trias par une période d’amincissement que l’on retrouve à l’échelle de l’Europe, lié à l’effondrement de la chaîne Hercynienne. La subduction de la Paléotéthys vers le Nord sous la marge européenne et le rifting au niveau de la marge nord-gondwanienne entraine la migration des unités Cimmériennes (Fig. 41) vers le Nord et l’ouverture de la Néotéthys (Stampfli and Kozur, 2006). Les zones de rifting majeures vont se localiser au niveau du futur océan Atlantique et de la Néotethys à l’Est.

Figure 41: Reconstitution paléogéographique au Permien et au Jurassique inférieur. Montrant la transition entre la fermeture de la Paléo-téthys et l’ouverture de la Néo-téthys suite à l’orogénèse Hercynienne. Points rouges marqués NF et Ab indique la position supposée des unités d’Alboran et des Névado Filabrides (modifié d’après Jabaloy-sánchez et al., 2018 et Stampfli and Kozur, 2006).

Au niveau de l’actuelle Méditerranée occidentale, le rifting a lieu essentiellement au Jurassique inférieur. Il se solde par une période d’accrétion océanique et par l’ouverture de la Téthys Alpine et de la Téthys Maghrébine, reliant le domaine Alpin téthysien à l’Atlantique central (Frizon de Lamotte et al., 2011 ; Schettino et Turco et al., 2011 ; Leprêtre et al., 2018). Cette phase de rifting se traduit à la limite entre les plaques Afrique et Ibérie par un important mouvement décrochant jusqu’au

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Jurassique supérieur Crétacé inférieur. Ce mouvement décrochant senestre, le long de la zone de faille d’Azores-Gibraltar a entrainé la segmentation de ce domaine par plusieurs failles transformantes orientées NW-SE (Fig. 43). Bien qu’il soit généralement admis que cet espace ait été océanisé lors du rifting Jurassique, la nature de la croûte au niveau de la limite de plaque entre l’Ibérie et l’Afrique à la jonction entre la Téthys Alpine et l’océan Atlantique reste mal connue et seul de rares reliques de magmatisme basique pourrait attester de la présence de croûte océanique au niveau de la Téthys maghrébine et de la terminaison occidentale de la Téthys alpine (Guerrera et al., 1993 ; Durand Delga et al., 2000 ; Puga et al., 2017 ).

Une deuxième phase de rifting liée à l’ouverture de l’Atlantique centrale au Jurassique terminal et au Crétacé inférieur affecte ensuite les marges de la plaque Ibérique et la marge Nord de l’Afrique. Ce second épisode de rifting s’est exprimé de façon variable selon les endroits. Dans les Pyrénées, l’amincissement extrême est marqué par un événement thermique Albien, associé à l’exhumation du manteau sous continental (Clerc et al., 2012, 2015 ; Vacherat et al., 2014 ; Tugend et al., 2014, 2015). Au niveau de la marge sud-Ibérique cet épisode d’amincissement est moins marqué et se traduit par une augmentation de l’apport détritique et le dépôt de puissantes formations turbiditiques dans le domaine intermédiaire (formation Cerrajón) (Ruiz-Ortiz, 1980; Ruiz-Ortiz et al., 2006) mais aussi par une reprise de l’extension dans le bassin d’Algarve (Ramos et al., 2016) et dans le bassin de Valence (Etheve et al., 2016). Enfin dans le Rif, ce dernier épisode de rifting est responsable de l’extension et de l’exhumation du manteau sous continental dans le bassin de Ketama (Vázquez et al., 2013). Faisant suite à cette période de rifting, la fermeture de la Néotéthys va entrainer la formation des chaines alpines, que l’on retrouve aujourd’hui dans tous le Sud de la plaque Europe, depuis l’Himalaya à l’Est jusqu’au Rif et aux cordillères Bétiques à l’Ouest, à la jonction avec l’océan Atlantique. L’histoire géodynamique cénozoïque est décrite dans la partie I-C de ce chapitre.

4.2.2. Paléogéographie Afrique-Ibérie du Mésozoïque au Cénozoïque

L’extension post-hercynienne a entrainé une segmentation complexe de la croûte continentale au niveau de la terminaison occidentale du domaine téthysien, à la transition avec le futur océan Atlantique. Dans ce contexte, la position pendant le Mésozoïque des unités constitutives des zones internes des Bétiques et du Rif est sujette à débat. Les modèles existants placent souvent les unités d’Alboran (Malaguide, Alpujarride) et d’AlKaPeCa dans une position très orientale comparée à leur position actuelle. Ces unités sont, soit considérées comme appartenant au continent Européen (Dercourt et al.,1986 ; De Jong, 1993 ; Lonergan et al., 1997 ; Crespo-Blanc et al., 2001 ; Jolivet and Faccenna, 2000 ; Gelabert et al., 2002 ; Rosenbaum et al., 2002 ; Dèzes et al., 2004 ; Serrano et al., 2007 ; Platt et al., 2013 ; Schettino and Turco, 2011 ; van Hinsbergen et al., 2014 ; Faccenna et al., 2014) ou à une microplaque continentale séparée de l’Afrique et de l’Europe par deux domaines

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marins qui formeront les terminaisons occidentales de la Téthys. Ces deux domaines formeront au Jurassique, lors de la période de rifting majeure, des domaines océaniques étroits, l’océan Névado- Filabrides ou océan ouest-ligure pour l’un et la Téthys Maghrébine pour l’autre (Fig. 44) (Martín- Algarra, 1987 ; Michard et al., 2002 ; Guerrera et al., 1993, 2005, 2012, 2014a ; Martín-Algarra et al., 2009 ; Martín-Algarra y Vera, 2004 ; Frizon de Lamotte et al., 2011 ; Leprêtre et al., 2018). Le modèle de Vergés and Fernàndez (2012) et Casciello et al., (2015) rattache les Alpujarrides et les Névado- Filabrides à la marge Ibérique et l’unité des Malaguides plutôt à la marge sud de la Téthys Alpine et donc à l’Afrique. Dans ces différents modèles, la longitude à laquelle sont placées les unités d’Alboran est aussi variable, ce qui implique des quantités de déplacement différentes depuis le Crétacé. Ces déplacements peuvent être assez faibles, de l’ordre de 200km (Vergés and Fernàndez, 2012 ; Platt, 2013) mais peuvent atteindre plus de 1000 km (Martín-Algarra et al., 2009) d’où l’importance de mieux contraindre ces reconstructions.

4.2.3. Mésozoïque

Les reconstitutions paléogéographiques sont fondées en grande partie sur la stratigraphie régionale. Dans cette optique, une synthèse de la stratigraphie à l’échelle du bassin des flyschs, des zones internes et de la marge Ibérique a été réalisée dans le cadre de cette étude. Les données utilisées proviennent des synthèses de Michard et al. (2008), Martin Algarra et al. (2009), Guerrera et al. (2014a) en plus des études plus locales de Serrano et al. (1995, 2006, 2007), Serra-Kiel et al. (1998), Martin-Martin et al. (1997) et Maaté et al. (2000) essentiellement. La synthèse qui a été produite (Fig. 42), présentée en plus en détails dans les résultats du chapitre 4 intègre certaines interprétations sur la géologie régionale.

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Figure 42: Synthèse de la stratigraphie régionale englobant les unités des Malaguides et de la Dorsale Calcaire pour les zones internes, des Unités de Flyschs, et des subbétiques internes pour ce qui est des zones externes. A droite, calendrier des grands événements tectoniques dans la région.

Trias

Les reconstructions paléogéographiques au Trias utilisent généralement l’appellation de

plaque Méso-Méditerranéenne et placent les unités Alpujarrides en continuité des unités

Malaguides, faisant face à la marge Ibérique mais localisée assez loin à l’est de celle-ci. Au

même titre que pour la plaque Méso-Méditerranéenne, les reconstructions individualisent

d’autres unités crustales moins amincies, comme le bloc de l’Ebre, le bloc Corso-Sarde ou le

haut du Golfe du Lion. (Fig. 43). Ces reconstructions sont fondées sur la répartition des

différents faciès du Trias. Les zones internes Bétiques présentent des faciès de type alpin, ou

épicontinentaux (Ortí et al., 2017). Les faciès alpins, marqués par des épaisses séries

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carbonatées ne sont retrouvés que dans les Alpujarrides (partie II de ce chapitre) et sont

caractéristiques des milieux les plus profonds, connectés à la Néotéthys et ou l’influence

marine est donc plus importante. Les faciès épicontinentaux sont les plus répandus et

correspondent à la série, plus ou moins complète, du Trias germanique. Par exemple, l’unité

Malaguide se caractérise comme la bordure des massifs Ibériques par une absence quasi

systématique des niveaux carbonatés de faciès Muschelkalk (Fig. 43) (Pérez-López and Pérez-

Valera, 2007 ).

Figure 43: Exemples de reconstructions paléogéographiques au Trias pour le Trias moyen ou supérieur. (Ortí et al., 2017 ; Pérez-López and Pérez-Valera, 2007 ; Martin-Rojas et al., 2009).

Jurassique-Crétacé

Suite au mouvement senestre entre l’Ibérie et l’Afrique et la période de rifting du Jurassique

à Crétacé inférieur associée, les marges Ibériques et Marocaines se font face, plus ou moins

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dans leurs positions actuelles. Les reconstructions existantes qui s’intéressent à l’histoire

pré-Cénozoïque ne sont pas nombreuses et considèrent un domaine océanique entre ces

deux plaques (Wildi, 1983 ; Hoyez, 1989; Martin Algarra et al., 2009 ; Schettino et Turco,

2011 ; Leprêtre et al., 2018). Comme mentionné plus haut, la largeur de ce domaine et sa

nature ne sont pas réellement contraints par les données existantes. Le Jurassique, au

niveau de la marge Ibérique, est représenté par une transgression généralisée pendant

laquelle se déposent essentiellement des calcaires de plateforme peu profonde et des faciès

plus profonds (marnes, radiolarites, turbidites calcaires) dans le Subbétique médian plus

subsidant (Crespo-Blanc and Frizon de Lamotte, 2006) (Fig. 42). Le Jurassique, dans les

Subbétiques internes, varie en moyenne entre 600 et 1000m d’épaisseur.

Figure 44: Reconstruction paléogéographique du domaine Bétique-Rif au Jurassique supérieur- Crétacé inférieur (Leprêtre et al., 2018).

Au Crétacé inférieur, la sédimentation sur la marge ibérique est peu importante, représenté

par de faibles épaisseurs de marno-calcaires à ammonites déposés dans un environnement

pélagique (Fig. 42). Dans les Subbétiques internes, le Crétacé inférieur est souvent absent et

marqué par des surfaces de karstification (Fig. 42). Les dépôts majeurs du Crétacé inférieur

sont retrouvés dans les unités de flysch crétacé, déposées au niveau de la Téthys

maghrébine, localisée très à l’est de l’actuel arc de Gibraltar (Fig. 44). La position initiale de

ces flyschs, leur source et leur histoire de déformation, sont mal contraintes mais

représentent pourtant des éléments clefs pour reconstruire l’histoire géodynamique de

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cette région au Mésozoïque. Au Crétacé supérieur et pendant le Paléogène se déposent des

marno-calcaires pélagiques. Malgré quelques variations locales dans les apports détritiques,

pendant cette période correspondant au post-rift, la sédimentation devient homogène entre

les zones internes, le domaine des flyschs et dans les différents domaines des subbétiques

(Fig. 42).

4.2.4. Paléogéographie Cénozoïque

La paléogéographie pendant le Cénozoïque a déjà été abordée dans la partie qui traite des

différents modèles géodynamiques existants et je n’y reviendrais donc pas ici dans le détail.

Néanmoins, la combinaison de modèles géodynamiques, et de modèles paléogéographiques

basés sur les données sédimentaires est assez rare. Les incertitudes dans ces deux types de

reconstructions concernent essentiellement la période pré-miocène. Les points qui sont

encore débattus sont par exemple l’âge des déformations enregistrées dans les différentes

unités et leur localisation, associées à l’activité de zones de subduction.

Paléogène

Comme explicité dans le paragraphe précédent, la sédimentation au Paléogène est surtout

représentée par des marnes, des calcaires marneux et quelques niveaux détritiques

carbonatés et silicoclastiques remobilisant les formations carbonatées peu profondes de la

transition Crétacé supérieur-Paléocène. Les discordances sédimentaires observées au

Paléogène et l’augmentation des instabilités gravitaires, sont attribuées à la formation d’un

bassin d’avant pays sous l’effet des premières déformations compressives dans la région et

en particulier dans les zones internes (Lonergan et al., 1993 ; Guerrera et al., 2014a,b ; Fig.

45 ; Daudet et al., soumis voir Chapitre 4).

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Figure 45: A: Reconstruction paléogéographique et géodynamique de la terminaison occidentale de la Néotethys. B: Colonnes stratigraphiques synthétiques du Tell, et de différents domaines des Bétiques, représentant la sédimentation Crétacé supérieur à Miocène inférieur. (Guerrera et al., 2014b)

Ces indices de déformation sont essentiellement localisés dans la partie Est des Bétiques et

donc associées à des déformations pyrénéennes qui n’auraient pas affecté la partie ouest

des Bétiques.

Miocène

En ce qui concerne l’histoire Miocène, les sédiments préservés dans les Bétiques et le Rif

correspondent essentiellement aux sédiments des formations Vinuela et Ciudad Granada

dans les zones internes et à des dépôts turbiditiques dans les zones externes. Au Miocène

inférieur se dépose aussi dans le bassin des Flyschs, la deuxième séquence turbiditique

majeure, caractéristique des unités de l’unité des Flyschs de Campo de Gibraltar et pouvant

atteindre plus de 1000m d’épaisseur. Ces formations turbiditiques sont considérées comme

étant déposées en milieux marin profond au niveau de la téthys maghrébine (Fig. 44). Des

variations de faciès importantes existent tout de même au sein de ces formations

turbiditiques, indiquant probablement une large répartition géographique de ces dépôts et

une proximité entre les plaques Afrique et Ibérie à cette époque (Guerrera et al., 2012 ;

Alcalá et al., 2013). Pour autant, la mauvaise préservation et l’intense déformation de ces

séries rend difficile les reconstructions paléogéographiques au Miocène inférieur.

La paléogéographie du domaine Bétique est mieux contrainte à partir du Tortonien (Fig. 46).

Les reconstructions sont facilitées par la bonne préservation des sédiments Tortonien à

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récent dans les bassins intra montagneux des zones internes des Bétiques et du Rif. Ces

bassins enregistrent une transition progressive d’une sédimentation marine à une

sédimentation continentale entre le Tortonien terminal et le Messinien (Iribarren et al.,

2009 ; Garcia-Castellanos et al., 2011 ; Capella et al., 2018 ; van der Schee et al., 2018). Ces

bassins sont aujourd’hui surélevés à des altitudes allant d’environ 500 à plus de 1000m,

indiquant un uplift régional important postérieurement au Tortonien terminal, lié à un

épisode transpressif important (Do Couto et al., 2016).

Figure 46: Reconstitution paléogéographique et des environnements sédimentaires au niveau du corridor Rifain entre le Tortonien et le Messininien (Capella et al., 2018).

De la même façon que pour les flyschs Crétacé, la position initiale de ces flyschs, leur source

et leur histoire de déformation restent mal contraintes.