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Structure interne du Delta du Rhône et systèmes aquifères

Chapitre I . LA PLAINE DE LA CAMARGUE : CONTEXTE GENERAL

3. Structure interne du Delta du Rhône et systèmes aquifères

Depuis une trentaine d’années la riziculture est une culture camarguaise importante qui couvre

40% des surfaces cultivées. Les sols rizicoles sont ainsi soumis à des forts prélèvements d’eau

mais aussi à des apports d’eau d’irrigation et d’eau atmosphérique.

3. Structure interne du Delta du Rhône et systèmes aquifères

Du rebord de la Crau à l’Est, à la plaine du Vidourle à l’Ouest, le delta correspond au champ

d’inondation du Rhône. L’affaiblissement de la pente de la plaine (< 0,001%) explique le

fonctionnement particulier de cet espace, caractérisé selon Bravard et al., (2008) par (1)

l’accumulation et l’affinement sédimentaireen relation avec la chute d’énergie hydrodynamique,

(2) une très importante mobilité latérale du fleuve et, (3) l’influence du changement du niveau de base, qui a modifié les profils en long des bras au fur et à mesure de la remontée marine holocène et contrarie actuellement la sortie des eaux et les possibilités de ressuyage des sols.

L’analyse sédimentaire réalisé par Boyer et al., (2005) dans l’ensemble du delta a permis de

reconnaître, de la base au sommet, un patron retrogradational, matérialisé par quatre unités transgressives, et un patron progradational, représenté, en position distal, par cinq lobes deltaïques

et, en position proximale, par une alternance de périodes d’incision et d’aggradation de dépôts

palustres et continentaux (Fig. I.10Erreur ! Source du renvoi introuvable.).

Fig. I.10 Stratigraphie de dépôts holocènes dans le delta du Rhône (Oomkens, 1970)

Le delta du Rhône, selon De Montety, (2008) qui se réfère aux travaux de plusieurs auteurs, présente une structure en trois couches avec de la base au sommet :

1. un niveau de cailloutis pléistocènes déposé par la Durance en Crau et en Camargue. Les cailloutis affleurent en Crau et plongent vers le Sud-Ouest jusqu’à -50 m au niveau du rivage.

2. un niveau de 2 à 30 m d’argiles et de limons entrecoupés de couches sableuses déposés

pendant la transgression Flandrienne (18000 à 6000 BP). De nombreux niveaux de tourbes témoignent d’arrêts ou de ralentissements de la transgression.

3. un niveau superficiel (jusqu’à 10m d’épaisseur) constitué d’argiles holocènes à actuelles

entrecoupées de lits de sables, et, à son sommet, de dépôts continentaux modernes. Cette

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Cette distribution stratigraphique est le résultat de l’interaction entre les variations eustatiques

globales et l’apport de sédiments, tous deux étant sous le contrôle des changements climatiques

(Boyer et al., 2005).

Les systèmes aquifères ont été décrits dans des plusieurs publications scientifiques (Griolet, Étude hydrogéologique de la Costière du Gard et de la partie nord du delta du Rhône, 1972, P.N.R.C., 2008, Godin, 1990, Jean et Toni, 197x, De Montety, 2008). Ainsi, trois systèmes hydrogéologiques ont été identifiés grâce à la géologie (Fig. I.11) : l’aquifère profond des

cailloutis, l’aquitard et l’aquifère superficiel.

Fig. I.11 Représentation schématique des différents systèmes hydrogéologiques (De Montety, 2008)

3.1. L’aquifère profond

L’aquifère profond correspond aux cailloutis apportés par la Durance et le Rhône lors de

l’édification du socle deltaïque. La nappe captive est artésienne temporairement au Nord de la

Camargue et de manière permanente au Nord du Vaccarès, et renferme d’eau douce se

superposant à de l’eau salée. Cette nappe captive se situe environ entre 30 et 50 mètres de

profondeur selon un axe NE-SW (Arles-le Grau du Roi). L’organisation générale des écoulements

de l’aquifère captif présente une continuité avec les écoulements de l’aquifère de Crau. Les études

hydrochimiques ont confirmé que l’aquifère de Crau constitue une partie importante de la recharge de l’aquifère captif.La minéralisation de l’aquifère captif s’explique par un mélange eau

douce/eau de mer. Cet aquifère est affectée par une intrusion marine d’origine « ancienne », mais

relève d’un processus actuel.

3.2. L’aquitard

L’aquitard est composé par les argiles et limons qui séparent l’aquifère profond de l’aquifère

superficiel. La partie inférieure de cette unité, qui recouvre les cailloutis pléistocènes, contient une

faune d’eau saumâtre, passant progressivement à des argiles marines pour les termes supérieurs

(Boyer et al., 2005). L’étude de salinité en profondeur et les pompages réalisés dans le rapport Camargue (D.D.A., 1970), confirment la nature discontinue et lenticulaire de l’aquitard, ainsi que

Chapitre I. La Plaine de la Camargue : contexte général Torres-Rondon 2013

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3.3. L’aquifère superficiel

L’aquifère superficiel est composé pour l’essentiel de sédiments fins d’origine marine ou

lagunaire, parfois très riches en sels dès leur dépôt. Ils sont surmontés par une couverture peu épaisse d’origine fluviatile. L’ensemble de ces dépôts modernes est caractérisé par une très grande hétérogénéité, due aux divers phénomènes ayant accompagné leur sédimentation.

La nappe est libre, captive et semi-captive en fonction de la perméabilité des terrains. La perméabilité de ces dépôts est généralement faible ou très faible ; ils constituent d’ailleurs un toit

« imperméable » pour la nappe des cailloutis. Seul les alluvions fluviatiles sablo-limoneuses, constituant les bourrelets alluviaux, présentent une perméabilité plus importante. Les sables ont une « bonne » perméabilité, mais ceux-ci, qu’ils soient marins ou éoliens, sont toujours très

discontinus. Les marais sont des basins quasi imperméables où l’eau n’est retenue que sous la

forme d’eau d’imbibition (Fig. I.12).

Fig. I.12 Distribution de la perméabilité des sols en fonction de la géomorphologie (De Montety, 2008)

L’aquifère superficiel n’est pas homogène, ce qui affecte la qualité et le fonctionnement de la

nappe phréatique. Cela est dû à la complexité des phénomènes et des caractéristiques

pédo-géomorphologiques du delta et de la gestion globale de l’eau. La nappe superficielle est

caractérisée par sa faible profondeur, sa localisation dans des terrains récents et limoneux, et une eau de salinités très variable. La relation entre les textures et les perméabilités est complexe, et fait aussi intervenir la structure des sols.

La recharge de la nappe superficielle est régie par l’irrigation de cultures, riz particulièrement.

Les volumes d’eau ainsi introduits sont très importants pour la morphologie de la nappe.. C’est

elle qui règle en définitive le régime des hautes et des basses eaux indépendamment du régime du fleuve et de la climatologie. Le Rhône ne participe pas directement à l’alimentation de la nappe à

cause de la mauvaise perméabilité des terrains et son influence se limite aux zones qui le bordent (De Montety, 2008).

La piézométrie de la nappe superficielle suit de manière générale, la morphologie du terrain.

Les isopièzes, espacées dans les zones hautes des bourrelets où le gradient est de l’ordre de

0,05%, se resserrent vers les zones basses des marais où le gradient hydraulique est de l’ordre de

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Dans la zone de marais la nappe est très proche de la surface. Les écoulements horizontaux sont très lents à cause de la faible pente des terrains, de leur mauvaise perméabilité et du fait que la mer se trouve à une cote très proche du niveau des terres du Sud du pays. Les flux verticaux, liés à

l’évaporation ou l’irrigation sont, par contre, importants. En conclusion, les faibles dénivelés et les faibles perméabilités confèrent à cette nappe un comportement original avec une nette prédominance des mouvements verticaux sur les mouvements latéraux.

L’évolution de la piézométrie est saisonnière. Le niveau général de la nappe phréatique oscille

entre une valeur proche de la surface du sol pendant l’hiver et une valeur plus profonde l’été.

Toutefois, la gestion des eaux de surface vient modifier ce rythme général.

En saison sèche, d’Avril à Septembre, les apports d’eau d’irrigation dans les zones cultivées

élèvent fortement le niveau piézométrique pendant toute cette période. Une partie de l’eau d’irrigation est interceptée par les fossés de drainage et remise dans le circuit des eaux

superficielles ce qui fait qu’il n’arrive pratiquement pas d’eau dans les zones basses. L’irrigation

règle en définitive le régime des hautes et des basses eaux de cette nappe, indépendamment du régime du fleuve et de la climatologie (Griolet, Étude hydrogéologique de la Costière du Gard et de la partie nord du delta du Rhône, 1972). A l’arrêt des irrigations, et avec la vidange de clos de rizières, les lentilles d’eau douce se vident peu à peu sous l’action de l’évaporation et par

écoulement.

Le marais, en outre, est soumis à un apport artificiel correspondant aux eaux de colature et il

alimente la nappe en été lorsqu’elle est très basse.

Dans les zones non irriguées le niveau de la nappe baisse sensiblement en été à cause de

l’intensité de l’évaporation et la salinité augmente, aussi bien dans les bourrelets alluviaux que

dans les zones de marais ou d’étang. Le bilan des pluies et de l’évaporation est globalement

déficitaire alors que les introductions d’eau du Rhône représentent quelque 95% du total annuel

(Heurteaux, 1994).

En période humide d’Octobre à Mars, les pluies d’automne et d’hiver alimentent directement les

nappes d’eau superficielles et du proche sous-sol. Le niveau des eaux souterraines s’élève partout

et la surface de la nappe s’aplatit et se régularise. Les infiltrations dues aux pluies dessalent une

certaine tranche de terrain dans les zones non irriguées.

La salinité et la chimie des eaux de la nappe superficielle sont très variables. Dans la partie Nord du Vaccarès, la salinisation est faible à moyenne et liée à l’évaporation mais aussi à la teneur en

sel de l’encaissant. Au Sud, la salinisation de la nappe de surface ne semble résulter que de

l’évaporation des eaux de pluie qui crée des eaux sur-salées, jusqu’à 100 mS/cm (eau de mer à

56 mS/cm. Cette gradation Nord-Sud est perturbée localement par la géomorphologie. En effet, la

salinité de l’eau est faible au niveau des paleo-chenaux tandis qu’elle est très forte au niveau des

marais. Les parties latérales du paleo-chenaux présentent des valeurs moyennes de salinité, c‘est

qui met en évidence le rôle très important des paleo-chenaux sur les transferts d’eau

(ORE/RESYST, 2002).

Dans les zones basses (marais) les eaux sont extrêmement chargées. Les eaux douces se disposent en zones lenticulaires allongées, essentiellement alimentées par les irrigations, centrées sur les bourrelets alluviaux. Les eaux salées sous-jacentes constituent un ensemble continu où

s’observent tous les intermédiaires avec l’eau de mer. Elles occupent toutes les dépressions et les

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chlorurées-sodiques, saumâtres pour la plupart. Des lentilles d’eaux sur-salées, correspondant à

des héritages sédimentaires, existent d’ailleurs au sein des eaux salées et viennent compliquer le

phénomène d’interface.

La répartition spatiale de la salinité dépend de la période de l’année. En période estivale, sur les

parties hautes irriguées, l’eau douce surmonte les eaux saumâtres. Dans les zones basses, l’eau

gagne la surface par capillarité puis l’atmosphère, par évaporation ; les concentrations augmentent alors considérablement et l’eau salée surmonte l’eau saumâtre. En automne, les concentrations en sel des eaux à forte salure des zones basses diminuent à cause des précipitations, alors que les eaux deviennent saumâtres dans les zones hautes à cause de l’arrêt de l’irrigation.

L’aquifère superficiel du delta est donc en grande partie salé. L’apport d’eau douce par

l’irrigation dessale les terrains, ce qui conditionne l’utilisation des sols à des fins agricoles. Des

analyses chimiques (Ambrosy, 2003 ; Paul, 2004) confirment la répartition de la salinité en fonction de la géomorphologie, avec des eaux de type bicarbonaté calcique rhodanien dans les zones hautes (partie centrale des bourrelets) évoluant vers des eaux chlorurées-sodiques marines dans les zones basses (marais), en passant par des faciès plus sulfatés.

Par ailleurs, les remontées de sels peuvent se produire, même à partir d’une eau très peu salée

(1 g/L sels totaux), à condition que la frange capillaire de la nappe atteigne la surface du sol. Dans tous les cas, la relative proximité de la nappe aquifère salée peut entraîner une salinisation et une

hydromorphie de surface selon la sensibilité des sols à l’évaporation, qui dépend de la texture et

de la différence de salinité des eaux qu’ils renferment (Chauvelon et Mathevet, 2002). L’épaisseur

de cette frange dépend de la structure et de la texture du sol. Malgré la complexité apparente, la salinité, sauf exception, croit avec la profondeur.

L’aquifère superficiel est en relation avec les eaux de la surface qui présentent différences de

salinité. Globalement, un gradient de salinité croissant s’observe entre le Nord et le Sud du delta. Pour les eaux de surface, il est toutefois mesuré une variation saisonnière de la salinité dans certains étangs, marais et lagunes. Ces variations sont la résultante du volume des pluies et des

entrées artificielles d’eau d’origine fluviale ou marine selon le cas. La salinité moyenne du

Vaccarès est de 7 à 12 g/L de NaCl.

3.4. Relation entre l’aquifère profond et l’aquifère superficiel

Griolet, (1976) signale que la structure en lentilles des dépôts alluviaux récents et la discontinuité

des niveaux de tourbe ne s’opposent pas à l’idée d’une possible communication entre les

différents aquifères. De même, le fait de trouver parfois, au toit de la nappe captive des eaux à densité plus faible que celle des eaux de la nappe phréatique, mais plus forte que celle des eaux plus profondes pourrait être un indice de possibles communications. Cependant, les mesures de teneur en tritium ont montré qu’il est possible que des communications entre les deux systèmes

existent, sans que ces phénomènes affectent l’individualité de chaque aquifère.

Toutefois, contrairement à l’aquifère superficiel, la salinité de l’aquifère des cailloutis présente

une grande stabilité saisonnière. Il semble donc peu probable que l’aquifère superficiel soit la

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