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Structuration de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde à partir des paramètres

Chapitre 3 : caractérisation de la colonne d’eau

4.1 Structuration de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde à partir des paramètres

Au sein d’une zone de transition telle que les estuaires, certains paramètres sont moteurs (tels que débits, température,…) dans les modifications, dans l’évolution de certains paramètres biotiques et/ou abiotiques (Teneurs en chlorophylles, MES, …). Dans cette partie de l’estuaire soumise à l’influence de la marée dynamique, notre étude a permis de mettre en avant tout d’abord une hétérogénéité spatiale dominée davantage par une variabilité inter-fleuves que par une variabilité intra fleuve (Figure 3.6).

L’ACP (Figure 3.6) a permis de mettre en avant certains paramètres descripteurs (température, δ15N, rapport C/N, teneur en phéopigments) comme responsables de l’hétérogénéité entre les deux estuaires fluviaux de la Gironde. De façon significative, les teneurs plus faibles en phéopigments au sein de la Garonne ont été responsables de l’hétérogénéité entre les deux estuaires fluviaux. Comme décrit précédemment, les débits ont un rôle majeur dans la structuration et la variabilité d’un environnement, pour le temps de résidence des particules et, surtout, par la quantité d’apport transportée dans la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde. La quantité d’apport a donc potentiellement été plus importante dans la Garonne et pourtant les teneurs en phéopigments ont été significativement plus faibles dans la Garonne estuarienne. Plusieurs explications peuvent être à l’origine de cela. La première est que des débits plus importants ne signifient pas forcément des apports plus grands si les eaux provenant de la Garonne sont moins riches. Une seconde hypothèse serait que, étant donné que les débits de la Dordogne sont plus faibles, la sédimentation y est plus importante, engendrant un piégeage, des lieux de stockage à moyen et long termes des débris végétaux plus importants dans la Dordogne estuarienne (Fuentes et al., 2012). En période de

128 crue, le matériel piégé est remis en suspension avec une dégradation plus ou moins marquée selon son temps de résidence dans le sédiment. Ce matériel piégé, puis libéré, s’ajoute à la MOP en suspension (Fuentes et al., 2012). L’état de dégradation et la quantité des débris végétaux dépendent du temps de résidence de ceux-ci au sein du sédiment car la cinétique de dégradation des végétaux n’est pas la même dans le sédiment que dans la colonne d’eau (Figure 3.17). La disponibilité en oxygène est essentielle dans la cinétique de dégradation de la matière organique ; c’est pourquoi la cinétique est réduite au sein du sédiment et notamment dans la crème de vase qui est anoxique. De la même façon, Etcheber et al. (2007, 2011) ont mis en évidence les problèmes d’oxygénation au sein de la Garonne estuarienne ; ce phénomène a pu inhiber partiellement la dégradation de la matière organique dans cette partie de l’estuaire.

Figure 3.17 : Différences de cinétique de dégradabilité des débris de végétaux dans le sédiment et

129 Fuentes et al. (2012) ont également mis en avant un critère qualitatif lors de leurs expérimentations qui pourrait expliquer cette hétérogénéité entre les deux estuaires fluviaux induite par les teneurs plus élevées en phéopigments, δ15N et C/N en Dordogne estuarienne. Les ripisylves de la Garonne et de la Dordogne estuariennes sont différentes, impliquant donc des débris végétaux de nature différente. La cinétique de dégradation n’est pas la même selon les espèces considérées (caractère réfractaire/labile). Par exemple, Fuentes et al. (2012) ont mis en évidence parmi d’autres, l’espèce Acer negundo comme étant propre à la ripisylve d’une partie de la Dordogne. Or, cette espèce est connue pour accélérer la minéralisation de la litière du fait de son caractère très labile favorisant la décomposition de ses feuilles (« priming effect » ; Medrzycki, 2006) et donc la formation de phéopigments. Il aurait été intéressant de suivre plus précisément les communautés bactériennes dans la Garonne et la Dordogne estuariennes, car la biomasse des bactéries hétérotrophes intervient de façon significative dans le processus de dégradation de la matière organique (Goosen et al., 1999).

Du fait de leur position à l’interface continent-océan, les paramètres physico-chimiques des estuaires évoluent selon différentes échelles de temps. Les débits sont en partie responsables des variations des paramètres physico-chimiques et ce, sur une échelle de temps plus courte (tidale, saisonnière) (Knox, 1986). Ce paramètre a permis de différencier la période hiver-printemps du reste de l’année (Figure 3.8). Comme décrit précédemment, les débits sont significativement plus élevés en Garonne estuarienne durant la majeure partie de l’année. Les apports provenant du bassin versant sont nettement plus élevés pour la Garonne estuarienne. Veyssy (1998) a estimé à 2 120 000 t/an les apports solides de la Garonne et à 146 000 t/an ceux de la Dordogne. Castaing (1981) a établi de très bonnes corrélations entre les débits liquides et solides dans les deux fleuves ; il n’est donc pas illogique de retrouver cette hétérogénéité entre les deux estuaires fluviaux.

Dans cette étude, la stratégie d’échantillonnage a permis d’observer une variabilité saisonnière commune à la Garonne et à la Dordogne estuariennes (Figure 3.8). Cette variabilité est classiquement observée dans les estuaires : une période hiver-printemps caractérisée par des débits élevés (période des crues). A l’inverse de la période été-automne, les teneurs en MES sont faibles pendant les crues, car les débits élevés repoussent le bouchon vaseux en dehors de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde (Allen, 1972 ; Sottolichio, 1999). Le rapport COP/MES caractérise la période hiver-printemps, alors que les phéopigments caractérisent la période été-automne. Les crues engendrent un lessivage

130 important des sols du bassin versant de l’estuaire de la Gironde : le rapport COP/MES est donc plus fort durant cette période car il y a davantage de matériel frais provenant de l’amont au sein de la partie fluviale de l’estuaire. De la même façon, les stations les plus en amont dans les deux estuaires fluviaux se distinguent des autres stations à partir de ces mêmes paramètres (Figure 3.6), alors qu’une homogénéité intra-fleuve est notable en Garonne et en Dordogne estuariennes à partir des paramètres environnementaux. Il n’est pas étonnant non plus de retrouver cette homogénéité intra-fleuve ; en effet, les différents pigments chlorophylliens et phéopigments ont été corrélés entre eux. Ils sont pourtant, comme dans beaucoup d’études, facteurs d’hétérogénéité d’un environnement à un autre. La production primaire autochtone étant quasi inexistante dans l’estuaire de la Gironde, la diversité ainsi que la quantité du phytoplancton sont dépendantes des apports amont. C’est cette absence de diversité et de quantité qui engendre la co-corrélation entre les chlorophylles et les phéopigments.