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Chapitre 3 : caractérisation de la colonne d’eau

4.2 La MOP de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde

4.2.1 Signatures des différentes sources de matière organique

La partie 3.3.2 a permis de mettre en avant plusieurs sources de matière organique à la MOP de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde. Notre étude se situe en aval des travaux de Veyssy et al. (1999) et en amont de ceux de Savoye et al. (2012). Dans la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde, la présence de phytoplancton marin et/ou estuarien est peu probable car les salinités sont nulles sauf en cas d’étiage important (Etcheber et al., 2011). Le phytoplancton marin et/ou estuarien devrait également traverser le bouchon vaseux avant de pénétrer dans les deux estuaires fluviaux ; or, le temps de résidence d’une particule au sein du bouchon vaseux est compris entre un et deux ans (Jouanneau & Latouche, 1981),

131 suffisamment donc pour être dégradée et ne pas être prise en compte comme source potentielle dans notre étude.

L’une des sources principales de matière organique au sein de la plupart des estuaires macrotidaux est le bouchon vaseux. En Gironde, celui-ci se situe aux alentours du pK 65 et remonte en amont à proximité de Bordeaux durant la période estivale (en étiage < 200m-3.s-1) lorsque les débits sont minimaux. Une des caractéristiques du bouchon vaseux est son aire de répartition lorsque les débits sont minimaux. En effet, en période de crues lorsque les débits sont maximaux, il équivaut à 25 km de long au niveau du pK 65, mais passe à 70 km de long près de Bordeaux, lorsque les débits sont minimaux (Sottolichio & Castaing, 1999). Lors d’études précédentes, la MOP issue du bouchon vaseux a été décrite comme composée de COP très réfractaire possédant un rapport COP/MES d’environ 1,5%. Le temps de résidence des particules au sein de cette zone de maximum de turbidité favorise la dégradation de la fraction organique (labile) de ce matériel (Abril et al., 1999 ; Veyssy et al., 1999 ; Etcheber et al., 2007 ; Middelburg & Herman, 2007).

Savoye et al. (2012) ont décrit de façon précise les caractéristiques élémentaires et isotopiques du bouchon vaseux qui est omniprésent au sein de l’estuaire, rendant cette source de MOP comme source potentielle de MOP au sein de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde.

La composition de la MOP de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde est dépendante des apports provenant de l’amont. Le matériel terrestre issu de l’érosion du bassin versant ainsi que de l’apport des litières lors des crues est dès lors une source potentielle qui a été considérée dans notre étude.

Notre zone d’échantillonnage se situant à proximité de la Communauté Urbaine de Bordeaux, il est indispensable de prendre cette information comme source potentielle de MOP dans cette partie de l’estuaire, et ce, à travers les rejets des stations d’épuration.

Les sources potentielles (signatures isotopiques et élémentaires) qui ont été gardées afin de caractériser la MOP dans la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde ont été la MOP réfractaire d’origine terrestre, la MOP labile d’origine terrestre, le phytoplancton continental et la MOP d’origine anthropique (Tableau 3.1). De la même façon, les signatures du microphytobenthos (Diatomées et Euglenophycées) ont été prises en compte comme sources potentielles contribuant à la MOP en suspension (cf. chapitre 1).

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Tableau 3.1 : Signatures isotopiques et élémentaires des différentes sources potentielles de la

composition de la matière organique particulaire dans la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde.

Sources δ13C‰ ± δ15N‰ ± C/N

mol.mol-1 ±

MOP terr. réfractaire -25,21 0,22 5,59 0,54 8,72 0,57

MOP terr. labile -28,38 0,43 4,43 2,01 14,1 1,0

Phytoplancton -34,50 0,84 6,51 0,96 6,6 1,0 MOP anthropique -25,20 0,45 -0,16 0,96 5,76 0,39 Microphytobenthos (Diatomées) -26,55 0,23 3,35 0,17 14,05 1,09 Microphytobenthos (Euglenophyceae) -19,52 0,34 3,87 0,62 13,03 0,33

Notre étude a permis pour la première fois d’introduire le microphytobenthos comme source potentielle de MO à la MOP de l’estuaire, alors qu’il avait été considéré comme négligeable jusqu’à présent, l’estuaire étant extrêmement turbide et les platiers intertidaux ne représentant qu’une surface équivalente à 8% de la surface totale de l’estuaire de la Gironde (Savoye et al., 2012). De la même façon que Veyssy et al. (1999), Etcheber et al. (2007) ont estimé comme négligeable la part de la MOP d’origine anthropique. Ces études ont porté sur la composition du bouchon vaseux. Mais le fait est, que durant les périodes d’étiage, le bouchon vaseux remontant vers l’amont est directement en contact avec les rejets urbains. La non prise en compte de cette source de matière organique a permis de décrire l’estuaire de la Gironde comme un estuaire « pur » (Abril et al., 2002).

La présence de ces différentes sources potentielles de matière organique contribuant à la MO de la partie fluviale de l’estuaire de la Gironde a été confirmée par les analyses en acides gras. Pourtant, il est très difficile d’analyser les acides gras d’un environnement très turbide et très pauvre en MO (en témoignent les seuls 3 mois de données exploitables sur les 11 mois échantillonnés). Outre le fait que le COP ne représente qu’environ 1,5% des MES, les acides gras se dégradent très rapidement.

Le compartiment bactérien n’a pas été pris en compte dans le présent travail. Ce compartiment peut également être une source très importante de matière organique. Bourgouin & Tremblay (2010) ont estimé à environ 20% la contribution des bactéries à la

133 quantité de COP dans l’estuaire du St-Laurent. Il aurait été intéressant de les prendre en compte, d’autant plus que les analyses des acides gras effectuées sur la MOP ont révélé la présence de bactéries avec les iso et ante iso 15:0 et 17:0 et certains AGMI. La formation de lipides particulaires polaires contenant des acides gras mono-insaturés en (n-7) et des acides gras ramifiés traduit le développement des bactéries hétérotrophes. La formation de lipides polaires contenant des acides gras polyinsaturés traduit le développement de protozoaires bactériophages (Quemeneur, 1992). L’influence des bactéries est bien documentée à l’heure actuelle pour impacter la MO, notamment le rapport C/N (Middelburg & Herman, 2007). Par exemple, pendant la dégradation des plantes supérieures (qui possèdent un C/N élevé (> 12)), le rapport C/N diminue du fait de la colonisation par les communautés bactériennes qui possèdent un rapport C/N faible (≈ 4).

4.2.2 Variations des rapports isotopiques et élémentaires de la