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Lemaire et al. (2002) présentaient l’estuaire de la Gironde sur l’intégralité du gradient salin comme un estuaire possédant une très faible biomasse phytoplanctonique, notamment au sein du bouchon vaseux, et avec de faibles amplitudes de variation en comparaison avec d’autres estuaires nord-Européens. La très forte turbidité de l’estuaire a pour effet immédiat d’inhiber toute, ou en très grande partie, la production primaire car elle limite fortement la pénétration de la lumière (Irigoien & Castel, 1997). De plus, Irigoien & Castel (1997) ont mis en avant le fait que la production primaire était nulle au sein du bouchon vaseux et que la faible quantité de chlorophylle mesurée serait principalement issue de la remise en suspension d’une partie du microphytobenthos des vasières intertidales. Nzigou (2012) a montré que le

13 microphytobenthos joue un rôle majeur dans la dynamique de la chlorophylle a dans l’estuaire de la Gironde, car les zones intertidales sont les sources autotrophes les plus productives de l’estuaire. Le microphytobenthos peut être remis en suspension au cours de chaque marée et donc participer activement aux teneurs de chlorophylle a dans la colonne d’eau. Lemaire et al. (2002) et Fuentes Cid et al. (2012) privilégient le fait que le matériel phytoplanctonique provient principalement de transport allochtone de matériel dégradé. Cette hypothèse tend à être confirmée par les travaux de Savoye et al. (2012) montrant la très faible contribution du phytoplancton autochtone à la composition de la MOP en comparaison aux autres sources de matière organique.

2.2.2 Faune planctonique

La communauté zooplanctonique de l’estuaire de la Gironde est caractérisée comme étant paucispécifique (biodiversité faible) dans sa partie haline (estuaire amont et aval). A la différence des systèmes côtiers, la composition faunistique planctonique estuarienne est majoritairement dominée par l’holoplancton (« plancton vrai », les organismes qui restent à l'état de plancton tout au long de leur cycle de vie) qui se compose principalement de copépodes. La production primaire étant très limitée au sein de l’estuaire, contrairement à la biomasse bactérienne hétérotrophe qui est supérieure à celle du phytoplancton (Goosen et al., 1999), le compartiment zooplanctonique devient dès lors un compartiment clé au sein du réseau trophique. En effet, il permet le transfert de carbone organique d’origine bactérienne vers les maillons trophiques supérieurs comme les consommateurs secondaires et tertiaires (David et al., 2005 ; Rombouts et al., 2009) et est caractérisé par une très forte production en lien avec la quantité et la qualité nutritive des matières en suspension (Gasparini, 1997 ; Gasparini & Castel, 1997 ; David et al., 2006). Dans les zones oligo- et mésohalines, le zooplancton de l’estuaire de la Gironde est caractérisé par 4 espèces majeures (hors méroplancton et plancton gélatineux1) : deux espèces de copépodes, Eurytemora affinis et Acartia bifilosa, et deux espèces de mysidacés, Neomysis integer et Mesopodopsis slabberi (Sorbe, 1981). La distribution des espèces présente une variabilité spatiale interspécifique très marquée. Ceci est dû à leur preferendum halin et thermique et à la combinaison d’autres facteurs tels que la concentration en MES ou la disponibilité des proies. Par exemple, E. affinis est préférentiellement observé en amont du bouchon vaseux (5-15 P.S.U.) alors que A. bifilosa est présent davantage en aval dans les régions méso- et polyhalines de l’estuaire

1 Les méthodes d’échantillonnages utilisées dans les études ne permettent pas d’avoir une vision robuste de ces compartiments.

14 (Sautour & Castel, 1995 ; David et al., 2005). Ces deux espèces de copépodes ont une période de production entre avril et mai avec également une autre période de production en automne mais qui est de plus faible ampleur, vers septembre pour E. affinis et plutôt estivale pour A. bifilosa (Castel & Feurtet, 1989 ; Feurtet, 1989 ; David et al., 2005 ; David, 2006 ; David et al., 2007a ; Selleslagh et al., 2012). Chaque espèce possède sa propre niche écologique, c'est-à-dire que l’espèce se développe dans un environnement de façon optimale selon certaines conditions environnementales. La distribution de chaque espèce présente donc une variabilité spatiale très marquée. Ceci est dû à la disponibilité des proies, mais également à leur preferendum halin et thermique, à leurs propres niches écologiques et également à l’évolution de leurs niches et leur adaptabilité en réponse à ces modifications (Sautour & Castel, 1995 ; Chaalali et al., 2013b).

L’évolution et les modifications des écosystèmes en lien avec les forçages climatiques et anthropiques ne sont pas sans conséquence. Depuis 1983, une nouvelle espèce de copépode, Acartia tonsa, est arrivée dans l’estuaire de la Gironde via des eaux de ballast, et y est bien établie depuis 2003-2004 (David et al., 2007b ; Chaalali et al., 2013b). Cette espèce atteint des abondances comparables à celles d’Eurytemora affinis. Depuis le début des années 2010, l’espèce Pseudodiaptomus marinus a également fait son apparition dans la zone poly-haline de l’estuaire (Brylinski et al., 2012 ; Sautour & Dessier, soumis) probablement en lien avec des eaux de ballast et une pérennisation de l’espèce (beaucoup de femelles ovigères) en lien avec le réchauffement des eaux. Le succès de la colonisation de l’estuaire de la Gironde par Acartia tonsa est dû à la marinisation et au réchauffement du système (David et al., 2007b ; Chaalali et al., 2013c). Cette implantation a eu pour conséquence des changements phénologiques chez l’une des espèces natives occupant la même zone haline (Acartia bifilosa) qui présente désormais une période de production plus précoce (David et al., 2007b).

Suite à des épisodes de plus en plus récurrents de fortes concentrations d’organismes gélatineux, notamment durant l’été 2012, un suivi mensuel des ces organismes a été mis en place depuis 2013 dans les parties amont et aval de l’estuaire de la Gironde. Aucune étude ciblée n’avait été réalisée jusqu’alors sur ce compartiment biologique dans cet estuaire ; seul Tiffon (1956) a fait référence à une espèce introduite de méduse, Nemopsis bachei. Les premiers résultats du suivi indiquent principalement la présence entre mai et novembre de 4 espèces majeures, à savoir Nemopsis bachei, Blackfordia virginica, Rhizostoma octopus et Maeotias marginata dans l’estuaire amont et aval de l’estuaire de la Gironde (Nowaczyk et al., en prép.). Ces méduses étant planctonophages et en fortes concentrations, elles induisent

15 une forte compétition trophique au sein du compartiment zooplanctonique, notamment avec les larves de poissons.

2.2.3 Faune benthique

Bachelet (1979) et Bachelet et al. (1980) pour le macrobenthos, Sorbe (1981) pour le suprabenthos et Santos (1995) sont les premiers auteurs à s’être intéressés à l’écologie des communautés benthiques de l’estuaire de la Gironde. Les principales études récentes portant sur la faune benthique rentrent dans le cadre de l’application de la Directive européenne Cadre sur l’Eau (Dauvin et al., 2009 ; Blanchet et al., 2014) et de la surveillance écologique de la centrale nucléaire du Blayais (CNPE) (Bachelet & Leconte, 2014).

De manière générale, la faune benthique est relativement paucispécifique dans l’estuaire halin, la richesse spécifique tendant par ailleurs à décroître de l’aval vers l’amont. Les abondances et biomasses macrobenthiques sont fortes dans le domaine intertidal, dues à la dominance d’un petit nombre d’espèces, et remarquablement faibles dans le domaine subtidal, en raison de la forte turbidité des eaux (Bachelet et al., 1980 ; Bachelet, 1986).

Au sein du domaine intertidal de la Gironde, les abondances peuvent dépasser 25000 ind.m-2. Trois points sont suivis dans le cadre de la surveillance écologique du Blayais (Bachelet & Leconte, 2014) :

- au PK 66, peuplement dominé en biomasse par le Bivalve Scrobicularia plana, et en abondance par le Polychète Streblospio shrubsolii et l’Amphipode Corophium volutator ;

- au PK 55, dominance de C. volutator, de l’Isopode Cyathura carinata et de l’Oligochète Tubificoides heterochaetus ;

- au PK 35, dominance quasi-exclusive de l’Oligochète Limnodrilus hofmeisteri. Dans le domaine subtidal, les densités sont beaucoup moins importantes, très souvent inférieures à 1000 ind.m-2. Trois points sont également suivis (Bachelet & Leconte, 2014) :

- au PK 67, peuplement à base de Polychètes déposivores (notamment S. shrubsolii et Heteromastus filiformis) et présence de Mysidacés (Mesopodopsis slabberi, Neomysis integer) ;

- au PK 52, dominance des Mysidacés et Oligochètes ;

- au PK 30, dominance de Crustacés nageurs (Amphipodes, Mysidacés) et de larves d’Insectes.

16 A travers leur suivi régulier, Bachelet & Leconte (2014) ont mis en évidence depuis 10 ans une dégradation importante des communautés benthiques, tant au niveau de la richesse spécifique que des abondances. Les causes de ce déclin ne sont pas encore clairement établies.

La méiofaune a été très peu étudiée dans l’estuaire de la Gironde. Elle présente des abondances relativement élevées dans la partie centrale (PK 55) de l’estuaire, variant entre 200 et 7500 ind.10cm-2 (Santos et al., 1996), plus que dans les chenaux où les abondances varient entre 10 et 100 ind.10cm-2 (Castel et al., 1994). Les principaux groupes présents sont les nématodes et les copépodes harpacticoïdes (Nannopus palustris, Microarthridion littorale, Stenhelia palustris). Plusieurs autres groupes zoologiques ont été répertoriés malgré leurs très faibles abondances : il s’agit des rotifères, ostracodes et tardigrades (Santos, 1995).

2.2.4 Ichtyofaune

Girardin et al. (2008) ont identifié 90 espèces peuplant l’estuaire depuis ces 30 dernières années. Les espèces les plus courantes sont les espèces dites « estuarine resident » des eaux continentales, diadromes, catadromes, les espèces juvéniles d’origine marine, les espèces migrantes et les espèces marines accidentelles (Lobry et al., 2003). L’esturgeon d’Europe Acipencer sturio constitue une espèce emblématique de l’estuaire de la Gironde (Rochard et al., 2001). En comparaison avec d’autres estuaires, l’estuaire de la Gironde possède une richesse spécifique de l’ichtyofaune plutôt élevée avec la présence de 11 espèces de migrateurs amphihalins (Boët et al., 2009).