• Aucun résultat trouvé

Stratégies virales d’entrée au SNC

CHAPITRE I : ÉTAT DES CONNAISSANCES

1. LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL (SNC)

1.4 Infection virale du SNC

1.4.1 Stratégies virales d’entrée au SNC

Considérant que le SNC est un endroit du corps où l’activation du système immunitaire en lien avec la présence d’antigènes étrangers est limitée, il n’est pas surprenant de constater que plusieurs virus se sont adaptés pour atteindre et envahir ce site, afin d’échapper à une réponse immunitaire rapide (McGavern et al., 2011, Shrestha et al., 2013). En effet, la proximité du système immunitaire à travers les différents tissus accélère la réponse à la présence de pathogènes, ce qui peut prendre davantage de temps lorsqu’un virus se retrouve au SNC où les différents leucocytes doivent passer à travers la BHE. Différentes stratégies virales se sont développées pour atteindre le SNC malgré la présence de la BHE dont le rôle est justement de rendre plus difficile l’entrée des virus au SNC. Ainsi, certains virus peuvent passer à travers la BHE soit par un transit direct impliquant la voie sanguine, soit en évitant la BHE par une route non-hématogène, c’est-à-dire via le système nerveux. Cela dit, certains virus ne sont pas confinés à une seule voie et peuvent avoir plus d’une façon d’entrer au SNC. La première voie d’entrée des virus au SNC impliquant la voie sanguine peut être sous-divisée en trois stratégies. Fragilisation des jonctions serrées des BMEC. Avant de pénétrer dans le SNC, certains virus vont proliférer à leur site d’infection respectif et prendre la circulation sanguine avant d’atteindre et d’altérer indirectement la BHE. Le coronavirus murin (Mouse hepatitis virus, MHV) est capable d’inhiber la production d’IFN-β par les BMEC infectés, ce qui entraine une diminution de l’expression des protéines de jonctions serrées ZO-1, VE-cadherine et occludine affectant ainsi la perméabilité de la BHE (Bleau et al., 2015). De plus, le Virus T-lymphotrope humain (HTLV-1) (Afonso et al., 2008), l’adénovirus murin de type 1 (MAV-1) (Gralinski et al., 2009) ainsi que le virus du Nil occidental (WNV) (Verma et al., 2010) ont également la capacité d’altérer l’intégrité des jonctions serrées pour passer dans le SNC. La production de cytokines et de molécules pro- inflammatoires suivant la virémie peut également altérer l’intégrité des protéines claudines et occludines, protéines transmembranaires qui assurent aussi l’étanchéité entre les cellules de la BHE, ce qui va faciliter le passage des virus au SNC (Sandoval et al., 2008).

Infection des BMEC et transport des virions à la membrane basolatérale. L’utilisation de BMEC en culture a permis de constater que plusieurs virus ont la capacité de les infecter et les nouveaux virions sont transportés et relâchés à la membrane basolatérale située du côté du SNC. Parmi ces virus, notons le polyomavirus JC (Chapagain et al., 2007), le virus de la poliomyélite (Coyne et al., 2007), le virus Epstein-Barr (EBV) (Casiraghi et al., 2011), le virus MAV-1 (Gralinski et al., 2009), le virus HTLV-1 (Afonso et al., 2008) ainsi que le virus WNV (Verma et al., 2010).

Cheval de Troie ou l’infection de leucocytes. La méthode du cheval de Troie consiste à infecter les leucocytes présents dans le sang qui, éventuellement, traverseront la BHE pour atteindre le SNC en présence de cytokines ou chimiokines pro-inflammatoires. L’un des virus les mieux caractérisés utilisant cette méthode est le VIH. En effet, ce virus, présent dans le sang, commence par infecter les lymphocytes T et les monocytes/macrophages circulants et devient latent (Alexaki et al., 2008). Ensuite, on suppose que l’entrée initiale de ces leucocytes infectés dans le SNC serait due à une repopulation de cellules immunitaires en périphérie du SNC, en parallèle d’une altération de la perméabilisation de la BHE par la présence de cytokines ou chimiokines pro-inflammatoires. En effet, suivant l’infection des leucocytes par le VIH, l’expression de chimiokines (CCL2 et CXCL12), de cytokines (IL-6) et de MMP (MMP-9) augmente, ce qui contribue à fragiliser l’intégrité de la BHE et à faciliter l’entrée des cellules immunitaires infectées au SNC (Ancuta et al., 2006, Strazza et al., 2011). Le virus JC possède également la capacité d’infecter le SNC par cette voie suite à sa réactivation à partir de réservoirs périphériques, notamment les cellules T CD4+ (Weber et al., 2001). En effet, l’interaction entre les lymphocytes T CD4+ et les lymphocytes B permet probablement alors au virus de se propager aux lymphocytes B. Par la suite, le virus JC utilise les lymphocytes B pour migrer vers le SNC et traverse la BHE pour infecter les oligodendrocytes (Chapagain et al., 2010, Houff et al., 1988). Enfin, notons que le virus de la polio, le coxsackievirus (CVB) et l’entérovirus EV71 ont également la capacité d’infecter des leucocytes mais le lien entre la neuroinvasion reste à être confirmé (Freistadt et al., 1996, Y. W. Lin et al., 2009, Tabor-Godwin et al., 2010).

La deuxième voie d’entrée virale au SNC consiste à utiliser le réseau du système nerveux et peut être subdivisée en deux stratégies.

Infection virale par le nerf olfactif. La connexion la plus courte entre le SNC et le milieu extérieur est le nerf olfactif, ce qui en fait un raccourci de choix pour les virus qui atteignent le SNC à partir de la cavité nasale. Le nerf olfactif est composé, entre autres, de neurones

récepteurs olfactifs (NRO) dont les dendrites sont dirigées vers la cavité nasale (côté apical) et le prolongement axonal (côté basal) se prolonge jusqu’au bulbe olfactif. Le virus de l’Influenza, le virus HSV-1, le virus de la poliomyélite, le virus Hendra, le virus Nipah, le virus de la stomatite vésiculaire (VSV), le virus MHV (van Riel et al., 2015) et fort probablement le coronavirus humain HCoV-OC43 (St-Jean et al., 2004) sont capables d’atteindre le SNC en empruntant cette voie d’entrée.

Infection virale à partir des nerfs périphériques autre que le nerf olfactif. La capacité de certains virus à utiliser le SNP pour entrer au SNC procure l’avantage d’éviter la BHE. L’accès au SNC à partir des nerfs est donc plus facile, plus direct et ne provoque pas nécessairement l’activation d’une réponse immunitaire importante (van Riel et al., 2015). Ainsi, le virus de la poliomyélite, l’adénovirus, le virus de la rage, le CVB ainsi que le virus herpes simplex (HSV-1) se lient à leur récepteur respectif, situé sur les neurones moteurs ou sensoriels et utilisent le transport neuronal rétrograde pour atteindre le corps cellulaire neuronal et entrer rapidement au SNC (H. I. Huang et al., 2015a, McGavern et al., 2011). Le HSV-1 est particulier alors qu’il commence par infecter les kératinocytes, afin de générer de nouveaux virions, pour ensuite se propager aux neurones sensoriels et atteindre le SNC (Mori et al., 2005).