• Aucun résultat trouvé

Implication des mutations dans les mécanismes cellulaires des cellules gliales

CHAPITRE IV : RÉSULTATS ET DISCUSSION

1. MODULATION DE LA NEUROPATHOLOGIE CHEZ LA SOURIS EN LIEN AVEC

1.6 Implication des mutations dans les mécanismes cellulaires des cellules gliales

La signalisation et les mécanismes moléculaires des cellules composant le SNC étant essentiels à l’homéostasie du SNC, il n’est pas surprenant que la présence d’un virus qui interfère dans ces processus puisse induire des désordres neurologiques. D’ailleurs, le degré de neurovirulence associé à certains virus est directement relié au stress subit aux cellules du SNC. Parmi ces stress induits par les virus, notons le stress au réticulum endoplasmique (RE) et l’activation subséquente de la réponse aux protéines mal repliées (unfolded protein response; UPR). Par le passé, le laboratoire du Dr Pierre Talbot a démontré que le virus HCoV-OC43 provoque chez les neurones infectés un stress au RE, ce qui se traduit par une diminution de la synthèse protéique et l’activation partielle de la UPR (Favreau et al., 2009). À l’exception de la protéine N, toutes les protéines structurales des coronavirus sont synthétisées au RE, en plus de subir dans le cas des protéines M, HE et S des modifications post-traductionnelles de glycosylation (Fung et al., 2014b). Or, la grande quantité de protéines virales synthétisées et la complexité des modifications post-traductionnelles sur celles-ci vont provoquer un réarrangement morphologique du RE, une synthèse protéique excédant la capacité du RE et une diminution des composantes lipidiques du RE résultant en l’activation du système UPR (Fung et al., 2014a). D’ailleurs, l’induction de stress au RE ainsi que la réponse du système UPR ont également été observées lors d’infections par les coronavirus SARS-CoV (C. P. Chan

et al., 2006), HCoV-HKU1 (K. L. Siu et al., 2014b), IBV (Liao et al., 2013) et MHV (Versteeg et al., 2007). Dans tous ces cas, l’activation du système UPR a entrainé une diminution de la synthèse protéique cellulaire, la synthèse de cytokines pro-inflammatoires ainsi que la mort cellulaire, contribuant d’autant plus à la virulence du virus. D’ailleurs, l’activation de la UPR est beaucoup plus importante en présence du virus HCoV-OC43 mutant. Hormis la production plus importante de protéines virales au RE, les raisons qui expliquent comment ce virus mutant peut avoir un tel effet sur le système UPR restent obscures. Néanmoins, la littérature recense plusieurs virus dont la neurovirulence est directement reliée au degré d’activation du système UPR, notamment chez certains rétrovirus murins (Peterson et al., 2004), le virus Borna (B. L. Williams et al., 2006), le WNV (van Marle et al., 2007) ainsi que le MHV (Versteeg et al., 2007).

La perturbation de la signalisation cellulaire peut également avoir une portée sur l’homéostasie existante entre les cellules neuronales et gliales. En effet, le virus HCoV-OC43 provoque une diminution de l’expression du glial glutamate transporter (GLT-1) (Brison et al., 2014), une protéine transmembranaire située à la surface des astrocytes et qui recycle le glutamate au niveau de la synapse neurologique (Rimmele et al., 2016). Cela entraine une accumulation excessive de glutamate dans la fente synaptique qui provoque alors l’activation et l’ouverture des canaux ioniques AMPA ou NMDA. Ces deux protéines transmembranaires sont respectivement responsables de l’entrée cellulaire des ions sodium et calcium (Ribeiro et al., 2016). L’entrée massive de ces ions, absorbés en partie par le RE et la mitochondrie, déséquilibre le potentiel électrique de la cellule et contribue à la dégénérescence neuronale en activant une multitude de phospholipases, d’endonucléases et de protéases. Le phénomène de dégénérescence neuronale attribué au dérèglement du glutamate est appelé excitotoxicité glutamatergique (Prentice et al., 2015). Comparativement au virus de référence, le virus mutant rOC/Us241 induit davantage d’excitotoxicité glutamatergique, phénomène qui est possiblement la

cause des dysfonctions motrices et de la paralysie des membres inférieurs observées chez les souris infectées (Brison et al., 2011, Brison et al., 2014). Bien que le neurone soit la cible principale du virus, il n’est pas impossible que l’infection éventuelle des astrocytes participe au dérèglement de l’expression de GLT-1 et à l’établissement de l’excitotoxicité glutamatergique. De plus, une expression importante de cytokines pro-inflammatoires, détectée chez les souris infectées par le virus ATCC et rOC/Us241 (Brison et al., 2014), contribue également à diminuer

l’expression de GLT-1 (Carmen et al., 2009, Okada et al., 2005, Prow et al., 2008). Ainsi, il est plausible que la grande quantité de particules infectieuses produites par le virus rOC/Us183-241

astrocytes, en parallèle à l’expression de plusieurs cytokines pro-inflammatoires. Cette dynamique pourrait alors accentuer l’excitoxicité glutamatergique, les dommages neuronaux et éventuellement la dégénérescence cellulaire, contribuant ainsi à la neurovirulence de ce virus. D’ailleurs, le virus neuroadapté Sindbis provoque la dégénérescence des motoneurones de la moelle épinière chez la souris ou le rat par excitotoxicité glutamatergique (Darman et al., 2004).

Le virus HCoV-OC43 représente donc un pathogène neuroinvasif et neurotrope qui, suivant l’infection des cellules du SNC, perturbe à différents niveaux l’homéostasie cellulaire. Le détournement de la machinerie cellulaire de ces cellules pour la synthèse de nouvelles particules infectieuses rend évidemment le SNC vulnérable à une accumulation de dommages qui se traduit par une neuropathologie, à tout le moins en souris. La virulence accrue du virus portant les mutations 183 et 241 sur la glycoprotéine S est probablement largement attribuée à sa capacité à produire davantage de nouveaux virions, ce qui accélère la propagation virale, de même que les dommages subséquents. Il est fort probable que l’instauration d’un état inflammatoire, l’activation de divers systèmes en réponse au stress intracellulaire et la réplication du virus en elle-même affectent la cellule-hôte et conduisent cette dernière à une mort certaine. Or, face à la menace virale, la réponse neuronale peut se manifester de diverses façons afin de contenir le parasite viral. D’ailleurs, la mort cellulaire est un moyen extrême et final, initiée par une cellule infectée pour tenter de mettre fin à la dissémination virale. De plus, la dégénérescence neuronale est l’une des caractéristiques communes des maladies neurodégénératives et peut faire intervenir un vaste éventail de facteurs cellulaires et de voies de mort différents qui contribue à l’émergence ou la sévérité des maladies neurologiques (Bredesen, 2008, Martin, 2001). Cependant, cette manifestation peut aussi s’avérer délétère pour l’hôte, surtout considérant le site d’infection, le SNC, qui représente un système complexe et méconnu. L’étude de ces mécanismes représente donc un point de départ intéressant pour mieux comprendre la virulence de HCoV-OC43 au cerveau et le possible lien existant entre ce virus et les maladies neurodégénératives.

2. LA DÉGÉNÉRESCENCE NEURONALE INDUITE PAR LE