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Implication des mutations dans la neuroinvasion et la neuropropagation

CHAPITRE IV : RÉSULTATS ET DISCUSSION

1. MODULATION DE LA NEUROPATHOLOGIE CHEZ LA SOURIS EN LIEN AVEC

1.3 Implication des mutations dans la neuroinvasion et la neuropropagation

Même si la neuroinvasion, définie ici comme la capacité du virus à infecter le SNC à partir de la périphérie, n’a pas été réellement étudiée dans cette thèse, il est important de rappeler que HCoV-OC43 est capable d’envahir le SNC suite à une infection des voies respiratoires supérieures (Jacomy et al., 2010, Le Coupanec et al., 2015). On conclut ainsi que le virus rOC/Us183-241 est en mesure d’atteindre le SNC à partir de la périphérie. Cependant, on ignore

toujours comment le virus atteint le SNC et s’il doit, dans un premier temps, constituer un réservoir viral au niveau des voies respiratoires (supérieures ou inférieures) ou parmi les cellules épithéliales de la cavité nasale (qui font partie des voies supérieures) afin d’alimenter éventuellement une dissémination efficace vers le bulbe olfactif et le SNC. Étant donné le caractère respiratoire de HCoV-OC43, les voies respiratoires supérieures pourraient s’avérer un endroit logique où le virus constitue un réservoir. L’utilisation d’un modèle cellulaire in vitro (Human airway epithelium, HAE), qui possède une morphologie et des fonctionnalités similaires aux voies respiratoires in vivo a permis de mettre en lumière la possibilité que HCoV-OC43, ainsi que les trois autres souches de HCoV, puissent créer un réservoir aux voies respiratoires supérieures (Dijkman et al., 2013). De plus, ce modèle a permis d’établir que HCoV-OC43 infecte les cellules du côté apical et relâche les nouveaux virions autant du côté apical que basolatéral. Étant donné le manque de données nous permettant de statuer sur le rôle de ces mutations lors de la neuroinvasion, il s’avère difficile de déterminer si la présence des mutations 183 et 241 influence l’entrée virale au SNC. Toutefois, il est possible que ces mutations influencent la polarisation de sortie des particules infectieuses. D’ailleurs, la présence d’une seule mutation dans la protéine Hémagglutinine (HA) du virus de l’influenza (IAV) est suffisante pour affecter la polarisation apicale du virus en relocalisant la protéine du côté basolatéral et en modifiant ainsi le côté cellulaire utilisé pour la relâche des nouveaux virions (Brewer et al., 1991, Mora et al., 2002). Il est également possible que les mutations chez le virus rOC/Us183-241

entravent ou augmentent l’affinité potentielle entre la protéine S et les autres protéines virales, provoquant des changements lors de la propagation virale. En effet, chez le virus de la rougeole,

l’interaction entre la protéine M et les glycoprotéines structurales du virus sont essentielles pour assurer la sortie virale du coté basolatéral et, en absence d’interaction, les virions sont redirigés vers le côté apical (Naim et al., 2000). De plus, une relâche plus importante des virions du côté basolatéral (vers la voie sanguine) pourrait accélérer la diffusion du virus des voies respiratoires au SNC. Certains coronavirus, dont le HCoV-229E et le SARS-CoV peuvent infecter les monocytes circulants, ce qui alimente l’hypothèse que ces virus entrent au SNC via la circulation sanguine (Collins, 2002, Law et al., 2005). Cette dernière hypothèse s’avère très peu probable dans le cas de HCoV-OC43 puisque ce dernier n’infecte pas les monocytes/macrophages de façon efficace (Desforges et al., 2007). Le nerf olfactif est aussi fortement suspecté d’être utilisé par le virus pour atteindre le cerveau puisque l’une des premières régions du SNC où l’on détecte le virus chez les souris infectées par la voie intranasale est le bulbe olfactif. Bien que l’utilisation d’autres nerfs crâniens ne soit pas exclue, le nerf olfactif se rend directement au bulbe olfactif, situé dans le SNC, suggérant qu’il est fort probablement utilisé par le virus HCoV- OC43 pour entrer au SNC. D’ailleurs, une grande variété de virus neuroinvasifs utilisent le nerf olfactif pour entrer au SNC, notamment le virus de l’influenza A, les herpèsvirus, le virus de la stomatite vésiculaire, le virus de la rage, le coronavirus murin MHV et le virus du Nil Occidental (van Riel et al., 2015). Dans le cas du virus MHV-JHM, l’ablation chirurgicale du bulbe olfactif (bulbectomie) ou la destruction chimique des épithéliums olfactifs, sont suffisants pour empêcher le virus d’atteindre le SNC, confirmant ainsi l’utilisation de ce nerf par le virus pour se rendre au cerveau (E. M. Barnett et al., 1993). Certains variants du HCoV-OC43, notamment le rOC/SG758R qui diffère du virus de référence par la présence d’une seule mutation située entre la

partie S1 et S2 de la protéine S, atteint également le SNC à partir de la périphérie avec sensiblement la même rapidité suite à une infection intranasale (Le Coupanec et al., 2015). Ce variant diffère de rOC/ATCC, tout comme du variant rOC/Us183-241, par une mutation entre la

partie S1 et S2 qui facilite le clivage de la protéine S par des proprotéines convertases cellulaires fort probablement durant les étapes d’assemblage de la particule ou lors de la sortie des virions de la cellule hôte ou encore lors de la biogenèse de nouvelles protéines S (Le Coupanec et al., 2015). Ainsi, la présence de mutations à cette position dans la protéine S ne semble pas influencer la neuroinvasion de façon importante. Bien que l’impact des mutations du variant rOC/US183-241 dans la neuroinvasion n’a pas été étudié en détail, on peut supposer que

ces mutations n’influenceront pas de façon significative la capacité de ce virus à atteindre le SNC. La virulence accrue du virus mutant ne serait donc pas influencée par sa capacité à atteindre le SNC plus ou moins rapidement comparativement au virus de référence.

Une fois au SNC, le virus HCoV-OC43 peut se propager d’une région à une autre et se disséminer à travers l’encéphale, notion appelée ici neuropropagation. Les premières régions infectées sont le bulbe olfactif et l’hippocampe, suivi de l’ensemble du cortex, du tronc cérébral et de la moelle épinière, autant suite à une inoculation intranasale qu’intracérébrale, suggérant une préférence pour ces sites lors de la primo-infection (Desforges et al., 2013b). Or, en plus du ventricule latéral, le bulbe olfactif et l’hippocampe sont les régions du SNC qui ont la particularité d’être le site de la neurogenèse, soit la production de nouvelles cellules neuronales ou gliales (Gage, 2000, Kuhn et al., 2005). On sait aujourd’hui que la neurogenèse est un phénomène qui fait intervenir la différenciation de cellules souches progénitrices neurales (CSPN) principalement en neurones. Ce phénomène est activé suite à l’expression de facteurs neurotropes (Bath et al., 2010, Hurtado-Chong et al., 2009), d’hormones de croissance (Aberg et al., 2009), de neurotransmetteurs (Ryu et al., 2016) et de neuropeptides Y (Decressac et al., 2009, Stanic et al., 2008). L’efficacité avec laquelle le virus HCoV-OC43 infecte le SNC pourrait donc être partiellement associée à l’infection des CSPN, créant ainsi un foyer d’infection qui permet une réplication virale efficace et une implantation facilitant la dissémination à travers l’encéphale et la moelle épinière. En effet, ces cellules peuvent migrer à travers le SNC afin de remplacer les neurones et cellules gliales endommagées ou mortes (Goncalves et al., 2016, Magavi et al., 2000). Ainsi, les dommages et la dégénérescence neurale provoqués par HCoV- OC43 pourraient engendrer un apport constant et stable de CSPN aux lésions et permettre au virus de faciliter sa dissémination à travers le SNC. D’ailleurs, le virus Varicelle-zona (VZV) est reconnu pour infecter les CSPN et s’assurer ainsi d’une première phase de réplication qui lui permet ensuite de se disséminer à travers le SNC (Dukhovny et al., 2012, Pugazhenthi et al., 2011). Plus récemment, on a observé que le virus Zika, un flavivirus qui a provoqué une pandémie à travers plusieurs pays d’Amérique du Sud en 2015-16, peut également infecter les cellules souches neurales et arrêter la neurogenèse chez les embryons infectés, contribuant ainsi au développement de microcéphalie et d’éventuels problèmes de développement (Garcez et al., 2016, C. Li et al., 2016a). Sachant que le virus rOC/Us183-241 accumule davantage de

protéines S (Favreau et al., 2009) et que la production de nouvelles particules infectieuses est plus importante en cultures neuronales murines et humaines (Figure 15C-D), les CSPN représentent peut-être simplement un réservoir qui accélère la dissémination des nombreux virions synthétisés par le virus mutant au SNC.

Une autre hypothèse pouvant expliquer la différence de neuropropagation au SNC entre le virus de référence et mutant réside dans l’interaction entre la glycoprotéine S et d’autres

facteurs cellulaires qui sont détournés par le virus. Le virus de la rage possède aussi une glycoprotéine responsable de la reconnaissance du récepteur cellulaire, permettant ainsi au virus d’entrer dans la cellule hôte par endocytose (Lafon, 2005). Une fois dans l’endosome, cette glycoprotéine se lie au p75 Nerve growth factor receptor (p75NTR) et utilise ce dernier pour transporter le virus via les axones au corps cellulaire du neurone afin de réaliser le cycle infectieux (Beier et al., 2013, Gluska et al., 2014). La présence de quelques mutations de la glycoprotéine virale suffit au virus pour obtenir une liaison plus ou moins efficace à p75NTR, ce qui pourrait influencer la vitesse de propagation du virus à l’intérieur du neurone infecté et aux autres neurones (Langevin et al., 2002, Morimoto et al., 2000). Bien que le virus HCoV-OC43 semble se propager par différents moyens, le transport axonal pourrait être l’une des façons que ce dernier utilise pour se disséminer d’un neurone à un autre (communication personnelle, Dr Mathieu Dubé, stagiaire postdoctoral dans le laboratoire du Dr Pierre Talbot). Ainsi, la présence des deux mutations 183 et 241 pourrait permettre au virus mutant de naviguer plus rapidement à travers le cytosquelette du neurone et entamer la synthèse des nouveaux virions plus rapidement. De plus, ces mutations pourraient également accélérer le transport axonal des nouveaux virions aux synapses et accentuer sa propagation.

1.4 Implication des mutations dans le neurotropisme et l’entrée/sortie