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Implication des mutations dans la réponse immunitaire du SNC

CHAPITRE IV : RÉSULTATS ET DISCUSSION

1. MODULATION DE LA NEUROPATHOLOGIE CHEZ LA SOURIS EN LIEN AVEC

1.5 Implication des mutations dans la réponse immunitaire du SNC

l’hôte tente de mettre en place une réponse immunitaire pour éliminer le virus. La balance du pouvoir s’établit alors entre les deux protagonistes alors que le virus cherche à restreindre son hôte dans la réaction immunitaire alors que l’hôte cherche à éviter la réplication et la propagation virale à tout l’organisme. L’infection du SNC par le virus HCoV-OC43 n’échappe pas à cette règle puisqu’elle provoque chez la souris, l’infiltration de lymphocytes T CD4+, CD8+ ainsi que la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL-1, IL-6, IFNγ) et de chimiokines (CCL2, CCL5, CXCL10) dans le cerveau et la moelle épinière (Jacomy et al., 2010). D’ailleurs, il a été observé que le coronavirus neuroinvasif MHV-A59 induit la production de différentes cytokines pro-inflammatoires, notamment l’IL-6, l’IL-1β et le TNFα, par les astrocytes qui sont également infectés par le virus (Y. Li et al., 2004b). Les auteurs de cette dernière publication ont démontré que, contrairement à la souche A59, l’infection d’astrocytes par le coronavirus avirulent MHV-2, n’engendre pas d’augmentation significative des cytokines pro-inflammatoires, suggérant que l’activation des astrocytes et l’établissement d’un environnement inflammatoire sont associés avec la neurovirulence observée en souris. La corrélation entre la neurovirulence et la réaction inflammatoire médiée par les astrocytes dans le SNC a également été démontrée pour d’autres infections virales, notamment le coronavirus MHV-JHM (N. Sun et al., 1995), le virus de Theiler (A. Inoue et al., 1998) et le WNV (M. Kumar et al., 2010). En 2010, Jacomy et al. ont utilisé le virus mutant rOC/Us24-241, un variant possédant les mutations D24Y, S83T, H183R et Y241H (rOC/Us24-241). À l’aide de ce variant, ils ont démontré que l’infection du SNC

par rOC/Us24-241 induit l’augmentation significative de l’infiltration des lymphocytes T et

l’expression de certaines cytokines (IL-6) ou chimiokines (CCL2) pro-inflammatoires au SNC comparé au virus de référence. Même si le virus rOC/Us183-241 ne possède que deux des quatre

mutations du variant précédent, on peut supposer que le virus rOC/Us183-241 provoque également

une réponse immunitaire plus importante que le virus de référence, d’autant plus que l’activation des astrocytes, un marqueur d’inflammation dans le SNC, s’est avérée légèrement plus importante et davantage maintenue dans le temps au niveau de l’hippocampe (Figure 13B). Cette activation des astrocytes a été observée par la détection de la protéine acide fibrillaire gliale (glial fibrillary acidic protein, GFAP), un filament intermédiaire exprimé par les astrocytes dont l’expression augmente lorsque ceux-ci sont activés (Pekny et al., 2014). Même si on considère que le degré de détection du GFAP est proportionnel à l’activation des astrocytes, cette méthode ne peut pas identifier comment ces cellules participent à l’inflammation. La

différence d’activation des astrocytes entre l’infection par le virus de référence et le virus mutant apparait somme toute relativement modérée mais cela n’indique pas que le virus mutant ne peut pas déclencher une réponse immunitaire plus importante. Or, l’infection des cultures primaires murines mixtes du SNC, qui incluent entre autres des neurones et des astrocytes, a permis de constater que ces derniers peuvent également être infectés par le virus rOC/Us183-241. Bien qu’il

est difficile de mesurer la différence d’infectivité des astrocytes entre le virus de référence et le virus mutant, nous pouvons tout de même émettre l’hypothèse que la présence des deux mutations dans la glycoprotéine S peut influencer l’infection des astrocytes et engendrer leur activation de façon plus importante, contribuant ainsi à maintenir un environnement inflammatoire et induire une neurovirulence accrue. Cela illustre bien l’importance d’avoir, pour le SNC, un contrôle sur les mécanismes immunitaires afin d’éviter les effets délétères pour l’hôte d’une réaction immunitaire trop importante. Idéalement, la quantification des cytokines et des chimiokines présentes dans le SNC suivant l’infection par le virus rOC/Us183-241 nous permettrait

d’établir un portrait plus complet de la réaction immunitaire et de comparer les effets du virus sur cette réaction. De plus, l’utilisation de souris knockout pour certains composants de l’immunité innée (IFNAR, TLR, etc.) pourrait nous permettre d’identifier les facteurs impliqués dans la réponse du système immunitaire et également évaluer les effets possiblement délétères de cette réponse dans la neuropathologie.

Finalement, la glycoprotéine S est la protéine structurale la plus reconnue par le système immunitaire, entrainant la production d’anticorps neutralisants et l’activation des lymphocytes T CD8+. La présence d’anticorps neutralisants peut à la fois neutraliser les particules virales en se fixant sur les protéines structurales externes à la capside ou se fixer aux cellules infectées et entrainer l’élimination de celles-ci par opsonisation (Wentworth et al., 2007). La présence de mutations dans la protéine S pourrait permettre au virus d’éviter la reconnaissance du système immunitaire via les anticorps neutralisants et ainsi échapper à tout contrôle par ce dernier. Or, la mutation de séquences dans les régions virales reconnues par le système immunitaire peut mener à un autre phénomène appelé mimétisme moléculaire. Ce phénomène se traduit par la présence de séquences similaires entre une protéine virale et une protéine de l’hôte et qui résulte par l’activation croisée de cellules T ou B autoréactives. En d’autres termes, la proximité séquentielle et structurale entre la protéine virale avec des protéines du soi engendre une maladie auto-immunitaire issue d’une infection virale (Guven-Maiorov et al., 2016). Quelques infections virales sont connues pour induire la prolifération et l’activation de cellules T ou B autoréactives conduisant à des pathologies auto-immunitaires. Par exemple, l’infection du SNC

par le virus EBV peut entrainer l’apparition de lymphocytes B autoréactifs qui produiront des anticorps dirigés contre l’une des protéines de la myéline la MBP, ce qui suggère que le virus EBV pourrait être l’un des agents causals de la sclérose en plaques, une maladie où la myéline est attaquée par le système immunitaire (Lang et al., 2002, Pender et al., 2014). Le TMEV est également connu pour induire une pathologie démyélinisante où la présence de lymphocytes T CD4+ autoréactifs cible et détruit l’une des protéines composant la myéline, la PLP (S. D. Miller et al., 1997). Chez les coronavirus humains, la présence de cellules autoréactives, capables de reconnaitre autant les antigènes viraux que ceux de la myéline, a été détectée de façon significative dans le sang de patients atteints de sclérose en plaques (Boucher et al., 2007, Talbot et al., 1996). Ainsi, la présence de mutations dans la glycoprotéine S pourrait accentuer sa détection par le système immunitaire et accélérer l’activation de la réponse immunitaire et de lymphocytes autoréactifs, contribuant ainsi à induire ou exacerber les pathologies neurologiques.

1.6 Implication des mutations dans les mécanismes cellulaires des