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Les stratégies de passation de tests sont des stratégies que les apprenants déploient pour résoudre des tâches langagières durant différentes formes d‟évaluation de leurs connaissances. Selon COHEN (1994a: 119), il s‟agit de: “learner strategy applied to the area of assessment”. COHEN (1998 :215) souligne que les stratégies utilisées par les apprenants de la langue seconde sont dignes d‟analyse puisqu‟elles peuvent à la fois aider à améliorer les instruments d‟évaluation et les taux de réussite des apprenants. L‟intérêt de la recherche sur les stratégies de passation des tests serait aussi d‟examiner les processus cognitifs impliqués durant les tests afin de déterminer l‟effet des inputs sur les apprenants (COHEN, 1992 :216). Autrement, elle permet d‟étudier les procédés utilisés par les apprenants pour produire des réponses acceptables lors des tâches d‟apprentissage ainsi que les perceptions qu‟ils alimentent sur les tâches avant, durant et après la passation des tests. Depuis la fin des années 1970, plusieurs auteurs (COHEN et APHEK, 1979; HOMBURG et SPAAN, 1981; COHEN, 1984; MacLEAN et d'ANGLEJAN, 1986; GORDON, 1987; ANDERSON, 1989; NEVO, 1989; BROWN, 1993; HILL, 1994; ABRAHAM et VANN, 1996; WARREN, 1996) se sont de plus en plus intéressés aux stratégies qui permettent aux apprenants de la L2 de répondre aux tests. Dès les années 1990, plusieurs méthodes d‟évaluation de la L2 reconnaissent enfin l‟utilité des recherches sur les stratégies impliquées durant les tests comme sources de renseignements concernant la fiabilité et la validité des tests (BACHMAN, 1990; BACHMAN et PALMER, 1996; COHEN, 1994a).

D‟après COHEN (1998: 219):

“while a part of language test performance is dependent on the knowledge that learners have about the given language and on their ability to use that language knowledge, another

part is dependent on their test wiseness, independent of their language knowledge and language use skills. Test-taking strategies consist of both language use strategies and test-wiseness strategies”.

Bien que la performance durant les tests dépende en partie des connaissances linguistiques des apprenants dans la langue cible et aussi de leur capacité à employer cette connaissance langagière, elle dépend aussi d‟une autre part, de leurs aptitudes durant ces tests, indépendamment de leurs compétences linguistiques et communicatives. Ainsi, selon COHEN, les stratégies de passation de tests consistent à la fois en des stratégies d‟utilisation de la langue et des savoir-faire ou aptitudes spéciaux nommés „test-wiseness strategies‟. C‟est-à-dire que les apprenants mettent en œuvre un ensemble de stratégies pour résoudre des problèmes durant des tests dans la langue cible. Celles impliquées sont des stratégies de récupération pour retirer les mots de leur base lexicale, des stratégies de répétition pour mettre à l‟essai les mots récupérés avant de les utiliser, des stratégies de compensation pour essayer d‟impressionner par leur style d‟écriture et enfin des stratégies de communication pour véhiculer les réponses suscitées par les questions ou tâches. En d‟autres mots, les stratégies déployées lors des tests ne sont pas si différentes des stratégies d‟apprentissage et d‟utilisation de la langue, mais elles appartiennent plus spécifiquement à la grande famille des stratégies activées durant l‟exécution des tâches (BACHMAN et COHEN, 1998; COHEN, 1998b). Des tâches de navigation sur l‟Internet peuvent susciter les mêmes types de stratégies chez les apprenants en FLE. En essayant de localiser les cibles, ils devraient mettre en œuvre des stratégies de rappel qui les aident à comprendre les informations, la répétition en mémoire des réponses à saisir dans les cases du site, des stratégies d‟écriture en ce qui concerne le remplissage des informations dans des cases (c‟est-à-dire choisir un format adapté pour la réponse à fournir), et même des stratégies de compensation quand ils s‟aperçoivent de leur erreur de navigation et retournent sur des pages précédentes pour changer de trajet. A ces quatre types de stratégies que nous venons d‟identifier comme des stratégies d‟utilisation de la langue, l‟apprenant a, en plus, besoin d‟une certaine expérience concernant comment passer des tests. Autrement dit, l‟apprenant aurait appris durant des tests antécédents, des manières de faire efficaces qui accroissent ses chances de réussite durant les tests auxquels il est confronté. Nous pensons que les apprenants de FLE qui naviguent pour la première fois, sur des sites Internet authentiques en français, appliqueraient des stratégies de navigation efficaces qu‟ils ont déjà testées lors de la navigation sur des sites Internet en anglais. Sinon, sans aucune expérience de navigation sur l‟Internet, ils n‟auraient pas de réflexes adéquats,

voire des compétences navigationnelles pour surmonter les nombreuses difficultés (détours, parcours transversaux, information multimodale, etc.) qu‟impose la navigation sur un site Internet.

COHEN (1998) donne des exemples d‟aptitudes qui influencent la performance durant un test. L‟une des stratégies serait d‟opter hors de la tâche en question (relier certaines informations du texte en question à des informations identiques dans les réponses pourvues) ; pour la navigation sur l‟Internet, une stratégie efficace serait de comparer la situation actuelle de navigation à une situation antécédente où l‟on a réalisé la même opération. Une autre technique de „test-wiseness‟ serait d‟utiliser des éléments de la question précédente lorsque celle-ci laisse percevoir la réponse à la question suivante ; adopter des raccourcis pour aboutir immédiatement aux réponses (par exemple, ne pas lire le texte de compréhension comme l‟instruction l‟indique, mais aller directement à la recherche des réponses dans le texte) (voir aussi FRANSSON, 1984) – par exemple, certains sites Internet offrent aux utilisateurs un moteur de recherche intégré pour trouver les objets recherchés sans prendre le parcours linéaire recommandé ; d‟autres sites établissent des liens entre les différentes pages de telle sorte que l‟accès aux cibles est possible à partir de n‟importe quel point du site. Une autre approche est de fournir des réponses-multiples aux questions en cas d‟incertitudes sur les réponses à proposer. Une stratégie pour gérer ses incertitudes durant la navigation serait d‟adopter la technique de l‟essai-erreur. C‟est-à-dire que les apprenants peuvent cliquer au hasard sur des liens dont ils ne sont pas vraiment sûrs pour voir sur quelle page ils aboutissent. Ils peuvent aussi saisir leurs réponses telles quelles dans les champs d‟information pour susciter des feedback correctifs s‟il y en a.

Selon COHEN, certains apprenants accroissent leurs moyennes de classe, non pas grâce à des compétences linguistiques exceptionnelles dans la langue étrangère mais plutôt grâce à des aptitudes de „test-wiseness‟ qu‟ils ont su appliquer. Les tâches de compréhension écrite sur l‟Internet appelleront alors les apprenants du FLE à appliquer des stratégies efficaces de navigation pour surmonter les difficultés posées par la compréhension des informations en français. Par ailleurs, les apprenants peuvent aussi adopter des stratégies qui ne sont pas du tout favorables à la réussite de la tâche proposée. Par exemple, COHEN et APHEK (1979) évoquent le cas d‟un étudiant israélien qui a préféré traduire en hébreu tout le texte d‟une épreuve en anglais avant de répondre aux questions. Cette stratégie lui a été nuisible puisqu‟il ne lui restait plus assez de temps pour finir le test. Une stratégie de

compréhension qui serait contre-productive durant la navigation serait celle où l‟apprenant a constamment recours à un dictionnaire ou à des traducteurs en ligne pour comprendre les informations affichées sur le site. A part le fait qu‟il consacre plus de temps à l‟activité de navigation (au dépend de l‟apprentissage qu‟il doit réaliser à travers celle-ci), cette technique de compréhension empêcherait le développement de ses capacités de compréhension autonome du FLE. Car, il ne s‟est pas entraîné à déterminer le sens des informations à partir des indices contextuels et d‟autres outils d‟aide à la compréhension.

Enfin, COHEN (1998) cite une mauvaise stratégie qui consiste à traîner vainement sur la question qui pose la difficulté au lieu de la délaisser pour répondre à celles qui sont plus faciles, pour ensuite revenir aux questions difficiles, si le temps restant le permet. Car, selon COHEN, les questions faciles pourraient cacher des éléments de réponse ou des indices qui permettent d‟aborder les questions difficiles. Une approche efficace de navigation sur les sites Internet en français (par exemple, pour la recherche des services ou de certains articles mis en vente) consisterait à finaliser le choix des articles ou services qui sont plus faciles à trouver afin de consacrer le reste du temps à ceux qui ne sont pas assez visibles.

Comme toutes autres catégories de stratégies, la réussite ou non des stratégies de passation de tests dépend de la nature des tâches auxquelles elles sont appliquées mais aussi de comment les apprenants les appliquent (NIKOLOV, 2006). Le degré de réussite est meilleur si les stratégies sont appliquées au moment adéquat sur la tâche adéquate (COHEN, 1998). De plus, leurs efficacités dépendent aussi du style cognitif de l‟apprenant et de son degré de flexibilité cognitive, de sa connaissance linguistique, et autant de son répertoire de stratégies de passation des tests (COHEN, idem). Certains apprenants disposent d‟un répertoire assez restreint de ces stratégies qu‟ils peuvent utiliser à bon escient. D‟autres, par contre, disposent d‟un répertoire assez large mais choisissent souvent d‟appliquer avec efficacité seulement une infime partie de celles-ci à la tâche en question. Enfin, il faut préciser qu‟une stratégie peut s‟avérer efficace lorsqu‟elle est appliquée par l‟apprenant au bon texte ou à une partie du texte. Par contre, la même stratégie appliquée à une autre partie du texte ou à un autre texte par le même apprenant peut s‟avérer inefficace (COHEN, idem : 220).

En conclusion, COHEN affirme que le choix d‟une stratégie d‟utilisation de la langue est conditionné par la modalité du test (écouter, parler, lire ou écrire) et également par la nature du test (types de questions). Outre ces types de conditionnements, les choix stratégiques concernant les tests sont influencés par des contraintes particulières telles que

celles du format élicité des réponses (voire les types de réactions sollicitées par l‟outil Internet de la part de l‟apprenant – une invitation à cliquer, lire et écrire des informations dans un champ donné) et aussi par des exigences relatives à la production (par exemple, la quantité requise, le niveau requis de précision, et aussi le temps octroyé à la tâche). Pour COHEN, la facilité ou la complexité d‟une tâche durant des situations de test dépend beaucoup plus des facteurs correspondants au niveau de formalité requis pour la tâche que sur la modalité de langue qui est évaluée. Dans le cas qui nous concerne, c‟est-à-dire les tâches de compréhension écrite sur l‟Internet, la complexité se situerait au niveau des buts (ou cibles) à atteindre au cours de la navigation. Elle se situerait aussi au niveau de la structure (ou maquette) du site servant de support à la tâche. Une variété de cibles préalablement identifiées par l‟enseignant ainsi que la complexité du chemin d‟accès (le nombre de liens à cliquer, la présence ou non des outils d‟aide à la navigation, etc.) à celles-ci impliquerait alors l‟application des stratégies de navigation et de compréhension plus efficaces par l‟apprenant. C‟est pour cette raison que l‟enseignant-concepteur de la tâche, en vue de faciliter la tâche pourrait indiquer dans les consignes quelques étapes (pages essentiels du site) que les apprenants doivent franchir pour accéder à la cible. Dans le cas contraire, il peut rendre la tâche plus complexe en laissant aux apprenants (plutôt avancés) le choix de tester des stratégies personnelles qui permettent de localiser les cibles.

Les stratégies déployées durant les tests de connaissances, comme nous l‟avons déjà dit, ne sont pas isolables par rapport aux autres stratégies répertoriées dans les différentes classifications des stratégies d‟apprentissage de la langue seconde ou étrangère. La section suivante nous permettra alors de discuter les taxonomies existantes dans le domaine. Dans ce cadre, nous allons décrire et expliquer les stratégies diverses qui composent les différentes classes et sous-classes.