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1.2 Stratégies d'apprentissage et d‟utilisation de la langue étrangère

1.2.1 Stratégies d‟apprentissage de la langue étrangère

Depuis les travaux de RUBIN (1975) et STERN (1975) considérés comme les pionniers dans le domaine de la recherche sur les stratégies, des dissensions continuent toujours d‟exister concernant la définition des stratégies d‟apprentissage d‟une langue étrangère. En effet, bien des chercheurs dans le domaine de l‟apprentissage de la langue seconde ou L2 (TARONE, 1983 ; WEINSTEIN, et MAYER, 1986 ; WENDEN et RUBIN, 1987 ; RUBIN, 1987 ; OXFORD, 1990 ; O'MALLEY et CHAMOT, 1990) ont proposé différentes définitions au terme „stratégie d‟apprentissage de la langue‟.

Pour définir „les stratégies d‟apprentissage‟ d‟une langue, nous voudrons tout d‟abord nous positionner dans le sens de TARONE (1981) qui les conçoit comme : “attempts to develop linguistic and sociolinguistic competence in the target language”, c‟est-à-dire des efforts pour développer des compétences linguistiques et sociolinguistiques dans la langue cible (c‟est-à-dire la langue apprise) de l‟apprenant. D‟emblée, TARONE nous place au cœur de la problématique de l‟acquisition d‟une langue étrangère où les enjeux majeurs d‟acquisition concernent l‟analyse des processus qui permettent (ou du moins facilitent) l‟acquisition chez les apprenants. La quête des objectifs d‟apprentissage conduit l‟apprenant à mettre en œuvre différents processus selon une logique séquentielle qui aboutissent à des connaissances linguistiques et sociales de la langue visée. Cette conception de la stratégie d‟apprentissage suppose, tout comme COHEN (1998 : 5) le pense, que ces procédés d‟apprentissage sont « consciemment choisis par l‟apprenant». Selon COHEN, les apprenants

sont partiellement conscients des choix stratégiques qu‟ils font même s‟ils n‟accordent pas une pleine attention à ceux-ci. En effet, WEINSTEIN et MAYER (1986 : 315) soulignent que les stratégies d‟apprentissage “have learning facilitation as a goal and are intentional on the part of the learner”. C‟est-à-dire que l‟apprenant de la langue étrangère met consciemment en jeu certains procédés qui doivent faciliter son apprentissage de la langue étrangère. Cette conception des stratégies d‟apprentissage exposée ci-dessus nous permet alors de placer dans le contexte d‟acquisition « consciente » les définitions que les différents auteurs ont proposées à ce concept.

SCARCELLA et OXFORD (1992:63) définissent alors les stratégies d‟apprentissage comme “specific actions, behaviors, steps, or techniques such as seeking out conversation partners, or giving oneself encouragement to tackle a difficult language task used by students to enhance their own learning”.

Pour WEINSTEIN et MAYER (1986 : 315), il s‟agit de « comportements ou pensées qui sont enclenchés par l‟apprenant et qui influencent ses procédés d‟encodage », c‟est-à-dire ses procédés de traitement de l‟information. OXFORD (1992) ajoute que les actions ou comportements de l‟apprenant lui permettent d‟améliorer ses compétences dans la langue seconde. « Ces stratégies peuvent faciliter l‟internalisation, la rétention, la récupération, ou bien l‟utilisation de la nouvelle langue. Ce sont des outils pour l‟auto-direction nécessaire au développement de l‟habilité communicative. » (OXFORD, 1992: 18).

Quant à WENDEN et RUBIN (1987 : 19), les stratégies sont, « …un ensemble d‟opérations, démarches, plans, routines utilisés par l‟apprenant pour faciliter l‟obtention, la mémorisation, la récupération, et l‟utilisation de la langue». De plus, RUBIN (1987: 22) souligne que, « les stratégies d‟apprentissage sont celles qui contribuent au développement du système langagier que l‟apprenant se construit et qui influence directement son apprentissage».

O‟MALLEY et CHAMOT (1990:1), par contre, définissent les stratégies d‟apprentissage comme des « pensées ou comportements spéciaux que les individus utilisent pour comprendre, apprendre, ou retenir l‟information nouvelle ». RICHARDS et PLATT (1992) notent aussi que les stratégies d‟apprentissage sont des comportements intentionnels que les apprenants utilisent pour améliorer leur compréhension, leur apprentissage et le rappel de nouvelles informations mémorisées. COHEN (2003 : 280) propose, quant à lui, une

définition qui explique le concept d‟une manière plus cohésive: “Language learning strategies are the conscious or semi-conscious thoughts and behaviors used by learners with the explicit goal of improving their knowledge and understanding of a target language”.

Nous trouvons que toutes les définitions proposées se recoupent dans la mesure où il est question dans chacune d‟elles de „comportements‟ ou „de pensées‟ qui sont engendrés consciemment par l‟apprenant pour l‟aider à réaliser un but d‟apprentissage. Ce but concerne soit la compréhension des composantes de l‟information nouvelle, des efforts de rétention de nouveaux éléments linguistiques, ou tout simplement la récupération d‟éléments déjà enregistrés vers une production langagière.

Selon nous, c‟est la répétition et la récurrence de ces procédés mentaux chez l‟apprenant qui contribuent à son apprentissage. Autrement dit, cette récurrence entraîne une automatisation des procédés efficaces chez le sujet qui n‟a plus besoin de faire appel d‟une manière consciente, à ces stratégies pour accomplir une action langagière. Selon RABINOWITZ et CHI (1987:83), les stratégies “…must be conscious in order to be “strategic”; consequently, they should no longer be considered as strategic behavior once they are performed automatically”.

Pour ces auteurs, les processus impliqués au début de l‟apprentissage d‟une langue étrangère sont consciemment choisis et gérés par l‟apprenant. Cependant, au fur et à mesure qu‟il intériorise un certain nombre de compétences linguistiques et pragmatiques de la langue cible, l‟apprenant recourt à des procédés automatiques ou „non-conscients‟ pour communiquer dans la langue. OXFORD (2003: 2) confirme ce point de vue quand elle affirme que: “When the learner consciously chooses strategies that fit his or her learning style and the L2 task at hand, these strategies become a useful toolkit for active, conscious, and purposeful self-regulation of learning”.

En d‟autres termes, les stratégies que choisit consciemment l‟apprenant sont celles qui correspondent à son style d‟apprentissage et à la tâche à effectuer. Celles-ci lui servent de trousse à outils nécessaire à l‟autorégulation active, consciente et déterminée de l‟apprentissage. Celles-ci « rendent l‟apprentissage plus aisé, rapide, plus agréable, plus autodirigé, plus effectif, et plus transférable à de nouvelles situations » (OXFORD, 1990 : 8). Nous pensons que les apprenants du FLE concernés par cette étude connaissent déjà leurs propres stratégies d‟autorégulation de leur apprentissage. Chacun d‟eux sait lesquels de ces

procédés sont efficaces quand ils sont face à des situations d‟apprentissage dites problématiques, comme peut l‟être une première conversation avec un locuteur natif. Ainsi, ils appliqueraient souvent ces stratégies efficaces pour réaliser leurs buts langagiers.

Néanmoins, si toutes les définitions proposées aux stratégies d‟apprentissage impliquent le mouvement conscient de l‟apprenant vers un but langagier (BIALYSTOK, 1990 ; OXFORD, 1990), elles ne confirment que l‟affirmation de PRESSLEY et McCORMICK (1995) pour qui les stratégies d‟apprentissage sont intentionnellement employées et contrôlées par l‟apprenant. D‟ailleurs, selon STERN (1992: 261): “the concept of learning strategy is dependent on the assumption that learners consciously engage in activities to achieve certain goals and learning strategies can be regarded as broadly conceived intentional directions and learning techniques”.

Ces observations nous permettent de concevoir les stratégies d‟apprentissage comme étant de l‟ordre des procédés mentaux complexes et conscients chez l‟apprenant. Leur description consiste :

« à sélectionner des aspects de l‟information nouvelle, à l‟analyser et à la contrôler durant le processus d‟encodage, à évaluer l‟apprentissage accompli, ou à se rassurer que l‟apprentissage va réussir afin d‟apaiser son anxiété. Ainsi, les stratégies auraient un fondement affectif ou conceptuel qui influencerait l‟apprentissage de tâches simples comme l‟apprentissage du vocabulaire ou des items d‟une liste, ou des tâches complexes comme la compréhension ou production langagière » (COHEN, 1998:43).

WEINSTEIN et MAYER (1986) conçoivent aussi le but d‟utilisation de la stratégie comme devant influencer l‟état motivationnel et affectif de l‟apprenant ou la manière dont il choisit, acquiert, organise, ou intègre de nouvelles connaissances.

Les stratégies d'apprentissage incluent des stratégies pour identifier l'objet d'apprentissage, le distinguer des autres objets d'apprentissage si nécessaire, le catégoriser pour faciliter son apprentissage, multiplier les contacts avec l'objet d'apprentissage (ex: à travers des tâches ou des devoirs de classe), et la mémorisation consciente de l'objet d'apprentissage si celui-ci ne se prête pas à une acquisition naturelle (COHEN, 1998 : 5-6). En effet, l‟apprenant désireux d‟acquérir les éléments de la langue étrangère s‟intéresserait tout d‟abord au discours d‟un locuteur compétent (par exemple, celui de l‟enseignant) ou bien à un

élément linguistique trouvé pendant la lecture d‟un texte. Ensuite, il essayerait de comprendre les mots nouveaux en se basant sur la situation de discours. S‟il arrive à comprendre les mots en contexte, cela lui permet alors de les catégoriser et de les distinguer par rapport aux autres mots qu‟il connaît déjà dans la langue étrangère. Cependant, il doit essayer de réemployer ces mots dans des situations de discours avec d‟autres locuteurs de la langue pour mémoriser à long terme les mots qu‟il a appris. Si cette opération aboutit à la compréhension de son message, alors l‟apprenant confirme l‟usage de ces mots, ce qui faciliterait son automatisation pour des usages futurs. Nous pensons que les étudiants du FLE dans les universités ghanéennes doivent chercher des occasions de pratiquer la langue française ; c‟est-à-dire l‟écouter, la parler, la lire et l‟écrire en tant que stratégies pour apprendre du nouveau vocabulaire et aussi pour mettre à l‟épreuve leurs connaissances déjà acquises en FLE. La navigation sur des sites Internet en français serait par ailleurs un autre moyen de tester ses connaissances langagières tout en faisant de nouvelles acquisitions langagières. Adopter cette approche active d‟apprendre la langue française nécessiterait alors que l‟apprenant élabore des stratégies personnelles de réemploi des mots et expressions en situations d‟échanges langagiers avec des locuteurs de la langue.

C‟est pourquoi, contrairement aux autres chercheurs (dont STERN, 1975 ; RUBIN, 1989 ; OXFORD, 1990 ; O‟MALLEY et CHAMOT, 1990), COHEN (1998) évoque une deuxième catégorie de stratégies qu‟il nomme „stratégies d‟utilisation de la langue seconde‟. Nous allons expliquer en quoi elles consistent dans la section suivante.