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CHAPITRE 5. DISCUSSION

5.2 Stratégies d’accès et de gestion alimentaire

Nous avons aussi exploré avec les participants leurs différentes stratégies pour acquérir de la nourriture. Tout d’abord, nous avons constaté qu’ils employaient plusieurs stratégies pour économiser de l’argent lors de l’acquisition de nourriture. L’une de ces stratégies est l’utilisation de magasins à rabais comme le Dollarama. Cette stratégie a également été relevée par d’autres études ne portant pas spécifiquement sur les personnes âgées (Dachner, Ricciuto, Kirkpatrick et Tarasuk, 2010 ; Kempson, Keenan, Sadani et Adler, 2003). Cela semble donc démontrer que cette stratégie est utilisée peu importe l’âge.

De plus, nous avons relevé une stratégie de gestion alimentaire pouvant porter préjudice à la santé des personnes l’utilisant. En effet, nous avons constaté que certaines personnes compromettaient la quantité de nourriture consommée en raison de leur faible revenu et du prix élevé de certains aliments, ce qui, comme nous l’avons vu, est considéré comme un niveau modéré d’insécurité alimentaire. Bien que notre étude ne s’intéresse pas à la nutrition chez les personnes âgées, nous trouvons que cette stratégie s’avère inquiétante car elle peut entraîner des graves conséquences sur la santé des aînés. En effet, selon l’Ordre professionnel des diététistes du Québec, une personne âgée sautant un ou plusieurs repas perdra très rapidement une partie de sa masse musculaire, ayant un impact important sur l’autonomie fonctionnelle de celle-ci. De plus, la dénutrition peut entraîner des infections, des plaies de pression et même le délirium, lesquels augmentent les coûts d’hospitalisation de 70% en raison du prolongement des séjours hospitaliers ainsi qu’une augmentation du risque de complications médicales et de ré-hospitalisations (Ordre professionnel des diététistes du Québec, 2013).

En plus de stratégies de gestion alimentaire, notre étude a relevé que les personnes rencontrées utilisaient certaines stratégies créatives pour se déplacer à moindre coût et transporter leurs paquets d’épicerie. Deux études recensées ont trouvé comme nous que certaines personnes empruntaient un panier d’épicerie pour faciliter les déplacements des paquets vers le domicile (Clifton, 2004 ; Gottlieb, Fisher, Dohan, O’Connor et Parks, 1996). Selon cette étude, il s’agirait d’une stratégie relativement commune. L’utilisation d’un service de navette est également ressortie comme un moyen utilisé par plusieurs personnes pour se déplacer vers les épiceries. (Huang, Rosenberg, Simonovich et Belza, 2012). Par la suite, nous avons relevé l’utilisation du service de livraison comme stratégie permettant d’éviter de devoir transporter les paquets vers le domicile. Seulement, nous n’avons trouvé aucune étude

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faisant mention de cette stratégie. Ce service s’avère primordial pour les personnes âgées car, comme nous l’avons expliqué plus tôt, celui-ci permet de pallier aux problèmes de transport de paquet dans le transport en commun et d’ainsi faciliter leur accès aux aliments sans trop d’efforts. Nous avons également constaté que le recours au réseau social s’avérait une stratégie importante utilisée par les personnes vivant de l’insécurité alimentaire afin de réduire celle-ci, par la facilitation des déplacements vers les ressources alimentaires et l’acquisition de nourriture via les dons des proches. D’autres études confirment l’importance du réseau social pour l’acquisition de nourriture (Clifton, 2004; Kempson, Keenan, Sadani et Adler, 2003; Lambie-Mumford, Crossley, Jensen, Verbeke et Dowler, 2014; Green-LaPierre et al., 2012; Quandt, Arcury, McDonald, Bell et Vitolins, 2001). Le recours au réseau social ressort donc comme un élément primordial permettant de faciliter l’accès à de la nourriture, que ce soit via le transport vers les ressources d’approvisionnement alimentaire ou via le don d’aliments. Toutefois, nous avons également vu que certaines personnes âgées à faible revenu ne disposaient pas d’un tel réseau, ce qui les rend particulièrement vulnérables à vivre de l’insécurité alimentaire car leur accès aux aliments est plus limité.

Nous avons constaté que seules les femmes recouraient à leur réseau social et que les hommes semblaient avoir un réseau social faible et ne demandaient pas d’aide pour accéder aux ressources alimentaires. Il se peut que les normes traditionnelles masculines liées à l’indépendance, l’autonomie et la performance (Dupéré, 2011), ainsi qu’à la répression de l’expression des émotions aient influencé leur demande d’aide à des proches car celle-ci représente, selon ces normes, un signe de faiblesse ou d’échec (Lajeunesse et al., 2013). Seulement, ces études ne portent pas spécifiquement sur les personnes âgées. Selon Balard et Somme (2011), le refus de l’aide de la part de proches peut représenter un moyen pour les personnes âgées de couper les liens affectifs avec elles car étant conscientes de leur état de santé et des souffrances psychiques et physiques que celle-ci peut entraîner chez leurs proches. Celles-ci, voulant éviter cette souffrance à leurs proches, refusent leur aide (Balardet Somme, 2011). Cela pourrait également expliquer le refus de recourir à des proches de certaines personnes âgées vivant de l’insécurité alimentaire, qui voudraient éviter d’exposer ces derniers à leur situation. Au contraire des hommes, le recours au réseau social est ressorti comme un élément saillant de l’expérience des femmes rencontrées, qui semblaient y recourir de manière occasionnelle.

Tout comme Wolfe et ses collaborateurs (1996), nous avons fait ressortir les stratégies de gestion alimentaire que sont la réalisation de réserves alimentaires et la congélation des

aliments. Cependant, notre exploration des différentes stratégies d’accès alimentaire contribue à élargir ce cadre car nous avons également fait ressortir des stratégies permettant de réaliser des économies ainsi que faciliter les déplacements vers les ressources alimentaires.

5.3 Motifs de recours aux services d’aide alimentaire

Également, notre étude a fait ressortir plusieurs motifs de recours aux services d’aide alimentaire.

Nous avons vu que certaines personnes recouraient aux services d’aide alimentaire en période de crise ou lors de périodes difficiles, ce qui est confirmé par plusieurs études selon lesquelles certaines personnes ont recours aux services d’aide alimentaire d’urgence vers la fin du mois car se retrouvant à court de ressources financières et alimentaires durant cette période (Johnson, 2008 ; Kempson, Keenan, Sadani et Adler, 2003 ; Wolfe, Frongillo et Valois, 2003). Selon Johnson (2008) et Quandt et ses collaborateurs (2001), la sévérité de l’insécurité alimentaire varierait avec le temps, selon un cycle mensuel de disponibilité de l’argent et de la nourriture. Selon ce cycle, les personnes âgées vivraient une certaine sécurité alimentaire en début de mois et vivraient de l’insécurité alimentaire vers la fin du mois. La réserve de nourriture disponible, ainsi que les ressources financières, auraient une certaine périodicité, certains jours étant plus « maigres » vers la fin du mois. Selon l’étude de Berner et O’Brien (2004), l’achalandage dans les services d’aide alimentaire serait plus élevé vers la fin du mois, confirmant donc cette tendance (Berner et O’Brien, 2004). Comme décrit précédemment, ce recours dans les périodes difficiles semble provenir d’une crainte de ne pas abuser des services offerts et donc d’y recourir seulement en temps de grand besoin. Il est également ressorti de notre discussion avec les membres du projet VAATAVEC que l’éducation judéo- chrétienne des personnes âgées, notamment les femmes, peut entraîner une abnégation de soi et de ses propres besoins. Certaines personnes ont tendance à se négliger et prendre soin de leurs enfants avant de prendre soin d’elles-mêmes, sacrifiant leurs propres besoins pour s’assurer de répondre à ceux de leurs enfants. Cette situation a été rapportée à la fois dans une étude portant sur les jeunes mères et une autre portant sur les mères monoparentales, ce qui semble démontrer que cette situation touche les femmes vivant de l’insécurité alimentaire peu importe leur âge et leur statut civil (McIntyre et al., 2003 ; Stevens, 2010).

Ensuite, nous avons découvert que certaines personnes recouraient au service de popote roulante en raison du manque de compétences culinaires pour préparer des repas. Selon l’étude de Keller réalisée en 2001, les personnes ayant recours aux services de type popote

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roulante pour cette raison sont surtout des hommes. Toutefois, dans le cadre de la présente étude, la personne éprouvant ces mêmes difficultés était une femme. Ce résultat détonne donc de ceux de l’étude de Keller (2001) et semble démontrer que certaines femmes peuvent également éprouver ce même genre de difficultés liées à un manque de compétences culinaires. Cette situation peut donc être vécue sans égard au sexe.

Nous avons également pu constater qu’en plus de recourir aux services d’aide alimentaire pour accéder à de la nourriture, certaines personnes y recouraient également afin de briser leur isolement. Les services d’aide alimentaire, en plus de fournir de la nourriture, permettent à certains de se retrouver dans des lieux accueillants où ils peuvent vivre des expériences positives telles que tisser des liens significatifs avec d’autres personnes et se lier ou se relier à la société (Dupéré et al., 2014).

Tout comme le cadre de Wolfe et ses collaborateurs (1996), nous avons exploré le recours aux services d’aide alimentaire traditionnels et alternatifs. Cependant, cet élément a été présenté brièvement dans le cadre de l’étude de Wolfe et ses collaborateurs (1996) en tant que stratégie permettant de garantir la sécurité alimentaire, tandis que nous avons fait ressortir différents motifs étant associés à ce recours, élargissant ainsi les horizons de ce cadre.

5.4 Motifs de non-recours aux services d’aide alimentaire

Comme nous l’avons constaté, ce ne sont pas toutes les personnes vivant de l’insécurité alimentaire qui ont recours aux services d’aide alimentaire.

Tout d’abord, nous avons vu que la méconnaissance des modalités d’accès ou de fonctionnement de certains types de services d’aide alimentaire, soit des services d’aide alimentaire alternatifs (cuisines collectives, groupes d’achat, restaurants populaires), pouvait entraîner le non-recours à ceux-ci, ce qui ressort également de l’étude VAATAVEC (Dupéré et al., 2014) concernant le milieu urbain. Selon celle-ci, cette méconnaissance des services ressort également dans les milieux régionaux et ruraux, lesquels sont marqués par une plus faible offre d’aide alimentaire (Dupéré et al., 2014). D’autres études relèvent cette méconnaissance concernant des services d’aide alimentaire plus traditionnels (soupes populaires, repas communautaires, banques alimentaires) (Johnson, 2008; Loopstra et Tarasuk, 2012). L’étude de Loopstra et Tarasuk (2012) relève plusieurs éléments de la méconnaissance des services, soit la méconnaissance du fonctionnement de ces derniers ainsi que l’ignorance de l’emplacement et des heures d’ouverture d’un service, lesquels représentent des obstacles au recours à ceux-ci. Lambie-Mumford et ses collaborateurs (2014)

relèvent également l’ignorance de la manière d’accéder à un service et de la clientèle visée par celui-ci comme des éléments de cette méconnaissance. Selon Edward et Evers (2001), ce manque de connaissance des services d’aide alimentaire relèverait d’un manque de publicité de la part de ces derniers.

Il est également ressorti de notre étude que plusieurs personnes évitaient de recourir à certains services car croyant qu’ils ne s’adressaient pas à elles. Notamment, une personne a dit ne pas recourir aux cuisines collectives car étant persuadée que ce service ne s’adressait qu’aux jeunes. Il est intéressant de constater que l’étude de Thomson Consulting et de la British Columbia Non-Profit Housing Association a constaté le contraire, car plusieurs personnes ont mentionné ne pas recourir aux cuisines collectives car ayant la perception que ces services ne s’adressaient qu’aux personnes âgées (Thomson Consulting et British Columbia Non-Profit Housing Association Research Department, 2012). Comme nous l’avons abordé plus tôt, cela semble démontrer une crainte, peu importe l’âge, de se retrouver seule de son propre groupe d’âge. De la part des personnes âgées, cela peut provenir du phénomène de l’âgisme, qui implique certains préjugés entretenus envers les personnes âgées mais peut également impliquer des pratiques discriminatoires visant à exclure cette population ainsi que des pratiques institutionnelles et politiques perpétuant les préjugés associés à l’âge (Association québécoise de gérontologie, 2012). Plus d’un aîné sur quatre dit avoir été victime de discrimination liée à l’âge de la part du gouvernement via des politiques et des programmes non adaptés à l’âge et plus du tiers, de la part des professionnels de santé et du système de santé en général ayant rejeté leurs plaintes car considérant que leurs problèmes étaient des conséquences liées au vieillissement normal (Revera et la Fédération internationale du vieillissement, 2013). L’âgisme est le plus souvent perpétré par des personnes plus jeunes envers les personnes âgées (Revera et la Fédération internationale du vieillissement, 2013). En lien avec ce phénomène, le fait de se retrouver seule comme personne âgée avec des personnes plus jeunes peut provoquer une crainte d’être jugée négativement par celles-ci. Nous avons aussi vu que certaines personnes voyaient le recours aux services d’aide alimentaire comme étant une stratégie de dernier recours. En effet, des personnes choisissent de ne pas recourir à certains services d’aide alimentaire, notamment les banques alimentaires, car croyant qu’il s’agit de ressources à utiliser seulement comme dernier recours et que les personnes utilisant ces services vivent un besoin extrême d’y recourir (Lambie-Mumford, Crossley, Jensen, Verbeke et Dowler, 2014 ; Loopstra et Tarasuk, 2012). Ces personnes semblent percevoir qu’une personne en situation de pauvreté est une personne qui se voit

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contrainte de compromettre de manière importante sa consommation de nourriture et donc, se perçoivent comme n’ayant pas besoin de recourir à des services d’aide alimentaire car n’ayant pas vécu de telles privations. Une telle conception de la pauvreté entraîne donc un non- recours à ces services lié à une perception de ne pas avoir besoin d’y recourir par une surestimation de ce que constitue la pauvreté. Ces personnes ne s’identifient pas à ces ressources car ne considérant pas avoir un si grand besoin d’y recourir. Il se peut également que celles-ci évitent d’y recourir par crainte d’être stigmatisées. De plus, la plupart des personnes ayant recours à ce type de services le feraient lorsqu’elles ont épuisé tous les autres moyens possibles d’acquérir de la nourriture et qu’elles n’ont pas d’autres options possibles (Lambie-Mumford, Crossley, Jensen, Verbeke et Dowler, 2014). Il s’agirait donc d’une stratégie de « désespoir » plutôt qu’un moyen d’acquisition de la nourriture qui soit quotidien (Kirkpatrick et Tarasuk, 2009). Pourtant, certaines personnes rencontrées dans le cadre de notre étude semblaient avoir intégré le recours à ce type de services à une certaine routine d’acquisition de nourriture, certaines d’entre elles recourant quotidiennement à un point de service d’aide alimentaire.

Par la suite, nous avons pu constater que quelques personnes rencontrées évitaient de recourir à des services d’aide alimentaire car croyant que d’autres en avaient davantage besoin, ce qui a également été relevé par l’étude de Loopstra et Tarasuk (2012). Celles-ci semblaient avoir l’impression que leur recours à un service d’aide alimentaire pourrait priver le recours à d’autres personnes en ayant davantage besoin. Sans doute ces personnes craignaient-elles de se faire juger si le personnel percevait qu’elles n’avaient pas besoin de recourir à ces services et donc que leur recours était illégitime. Celles-ci minimisaient peut-être également leur situation d’insécurité alimentaire car la comparant à d’autres vivant une situation pire que la leur et leur faisant davantage accepter leur propre situation (Dupéré, DeKoninck et O’Neill, 2011). Tout comme le recours dans les périodes difficiles, il est possible que cette situation soit influencée par une éducation judéo-chrétienne prônant l’abnégation de soi et de ses propres besoins. Une autre possibilité est que ces personnes, ayant vécu beaucoup de misère dans leur vie, ont une perception de la pauvreté qui n’est pas la même que les personnes plus jeunes et qu’elles sous-estiment celle-ci car ayant vécu pire dans le passé (Dupéré, DeKoninck et O’Neill, 2011). Le fait d’avoir toujours vécu dans la pauvreté peut également faire en sorte que celle-ci soit perçue comme la norme et donc comme étant non problématique. Selon Wolfe et ses collaborateurs (1996), le fait d’avoir vécu pire dans le passé, comme avoir dû compromettre sa consommation de nourriture en élevant ses enfants,

peut influencer la perception des personnes âgées de leur insécurité alimentaire présente. En effet, cela peut faire en sorte qu’elles acceptent davantage leur situation actuelle car sous- estimant celle-ci par rapport au passé. Cela peut également faire en sorte que ces personnes ne s’inquiètent pas de leur situation. Par contre, d’autres personnes ont la réaction contraire et les situations vécues dans le passé font en sorte qu’elles s’inquiètent et agissent rapidement pour éviter de manquer de nourriture (Wolfe et al., 1996). Leur perception de l’insécurité alimentaire peut également être influencée par leurs croyances religieuses. Certaines personnes âgées affirment ne pas s’inquiéter de leur situation car croyant en Dieu ou ayant confiance qu’il veille sur elles. Certaines personnes donnent même des exemples où elles craignaient de vivre de l’insécurité alimentaire et où Dieu les avait aidées par l’envoi d’une personne inconnue offrant un don de nourriture. Certaines personnes disent ne jamais avoir craint de vivre de l’insécurité alimentaire mais avoir beaucoup prié à cet égard (Wolfe et al., 1996).

Ensuite, nous avons constaté que la quasi-totalité des personnes rencontrées n’avait pas accès à un véhicule automobile pour se déplacer vers les ressources alimentaires, ce qui a également été relevé par l’étude de Loopstra et Tarsuk (2012). De plus, certaines personnes âgées semblaient percevoir le coût du transport en commun comme un obstacle au recours à ce dernier, ce qui a également été relevé dans l’étude de Johnson (2008). La difficulté de transporter des paquets dans l’autobus est également ressortie comme un obstacle, lequel a aussi été relevé par l’étude de Johnson (2008). À cet égard, la disponibilité d’un service de navette est ressortie comme un moyen de transport très apprécié par plusieurs personnes rencontrées car palliant à cet obstacle important à l’accès aux aliments. Il est également ressorti de notre étude que certaines personnes craignaient qu’en recourant à des services d’aide alimentaire, elles seraient jugées négativement par leur entourage, ce qui a également été relevé par l’étude de Keller et ses collaborateurs (2007) et celle de Gundersen et Ziliak (2006) concernant les bons d’achat alimentaire. Bien que cette dernière étude ne s’intéresse pas spécifiquement aux personnes âgées, celle-ci démontre comment cette problématique peut toucher les personnes vivant de l’insécurité alimentaire peu importe leur âge. Pour sa part, l’étude de Wolfe et ses collaborateurs réalisée en 1996 rapporte que le non-recours des personnes âgées aux bons d’achat alimentaire serait aussi motivé par une peur d’être jugée liée à une perception qu’elles utilisent des programmes gouvernementaux et, par le fait même, profitent des fonds publics de la société. Selon Lambie-Mumford et ses collaborateurs (2014), le désir de se conformer aux normes sociales et d’être «comme tout le monde » peut motiver

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le non-recours aux services d’aide alimentaire des personnes vivant de l’insécurité alimentaire. En effet, plusieurs d’entre elles veulent à tout prix éviter d’être stigmatisées en acquérant de la nourriture de manière socialement non acceptable.

Plus précisément, les personnes vivant de l’insécurité alimentaire auraient peur d’être révélées en tant que personnes en situation de pauvreté, ce qui pourrait être lié au manque d’anonymat et de confidentialité de certains services d’aide alimentaire. En effet, une personne a dit éviter de recourir à un point précis de distribution alimentaire car connaissant la personne en étant responsable et craignant que celle-ci ne révèle son recours à l’un de ses proches. Selon Edward et Evers (2001), les normes sociales peuvent entraîner le non-recours à certains services d’aide alimentaire en raison d’une honte associée à sa situation de pauvreté, qui est aussi relevée par Lambie-Mumford et ses collaborateurs (2014) et Loopstra et Tarasuk (2012). Cette honte pourrait expliquer le fait que des personnes ne recourent pas à certains services car ne voulant pas afficher leur situation de pauvreté et voulant se conformer aux normes sociales. Selon Engler-Stringer et Berenbaum (2007), le recours aux services d’aide