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Plusieurs stratégies d’évaluation de l’ACP et de l’empathie existent et peuvent être divisées en trois grandes catégories : i) l’évaluation à la première personne ou l’auto-évaluation; ii) l’évaluation à la deuxième personne ou l’évaluation par le patient; et iii) l’évaluation à la troisième personne ou l’évaluation par un observateur externe (Epstein et al., 2005; Hemmerdinger et al., 2007).

Au cours des dernières années, plusieurs groupes de recherche ont rapporté une absence de corrélation entre ces différentes perspectives d’évaluation, que ce soit pour l’ACP (Epstein et al., 2005; Mead et Bower, 2000b) ou l’empathie (Gosselin et al., 2014; Hemmerdinger et al., 2007; Teherani et al., 2008; Wear et Varley, 2008). Plus spécifiquement, l’équipe de Hemmerdinger (2007) a effectué une revue de la littérature sur les différents instruments de mesure de l’empathie en médecine. Les auteurs ont identifié 36 différents instruments de mesure de l’empathie, où seulement 8 instruments possédaient des propriétés psychométriques acceptables. Ils ont également observé que les mesures auto-évaluées de l’empathie ne corrélaient pas de façon statistiquement significative avec celles de l’empathie évaluée par une tierce personne, tout comme il avait été observé dans une étude

précédente de notre équipe de recherche (Gosselin et al., 2014). De plus, des résultats similaires ont été rapportés dans la revue de littérature de l’équipe de Epstein (2005) concernant les mesures de l’ACP.

Face à de tels constats, le choix des stratégies d’évaluation de ces variables soulève un défi particulier. Il est d’ailleurs recommandé de combiner différentes stratégies d’évaluation afin d’obtenir des perspectives complémentaires de ces variables (Epstein et al., 2005; Hemmerdinger et al., 2007). Bien que l’utilisation de questionnaires auto-administrés soit la stratégie la plus utilisée, elle est plus susceptible d’intégrer un biais de désirabilité sociale et elle ne permet pas de considérer l’influence de certains facteurs particuliers reliés aux patients (Epstein et al., 2005), telle que la présence ou l’absence de signes physiques. Puisque l’ACP doit être une approche flexible devant s’ajuster selon les situations cliniques, il est donc pertinent d’opter pour une stratégie d’évaluation qui permet de considérer ces facteurs. Néanmoins, la popularité de cette stratégie de mesure permet la comparaison des résultats avec ceux d’autres études. Les questionnaires PPOS (Krupat et al., 1999) et JSPE (Hojat et al., 2001), qui sont auto-administrés, sont d’ailleurs largement utilisés pour mesurer l’ACP et l’empathie respectivement et possèdent de bonnes propriétés psychométriques. Il devient alors pertinent d’utiliser cette stratégie en combinaison avec une observation afin de suivre les recommandations.

De ce côté, différentes stratégies peuvent être utilisées pour permettre l’observation des comportements associés à l’ACP et l’empathie, dont les plus communes sont l’observation de rencontres cliniques réelles et l’observation de simulations de patients standardisés (Epstein et al., 2005; Hemmerdinger et al., 2007; Teherani et al., 2008). Bien que les rencontres cliniques réelles représentent le milieu le plus authentique, son utilisation peut soulever plusieurs difficultés éthiques et méthodologiques, incluant l’impossibilité d’avoir des visites standardisées et répétitives, permettant de comparer les participants entre eux. L’utilisation de simulations avec patients standardisés peut outrepasser ces difficultés, mais cette procédure est très coûteuse et nécessite des infrastructures complexes (Childs, 2002; Peteani, 2004).

Afin de permettre l’observation de ces variables, tout en favorisant une bonne faisabilité, le développement d’une nouvelle stratégie de recherche s’avère nécessaire. Une stratégie souvent utilisée afin de susciter et d’étudier l’empathie pour la douleur dans un contexte de recherche est l’utilisation de photographies ou de très courtes vidéos présentant des situations douloureuses (Decety et al., 2009; Jackson et al., 2006; Lamm et al., 2011). Par contre, cette stratégie ne peut permettre l’évaluation du type d’approche privilégiée par les soignants ou encore leur comportement empathique dans le cadre d’une situation clinique. Inspiré de cette stratégie, le développement de courtes vidéos de patients réels représente une procédure simple, abordable et permet une évaluation répétitive et standardisée du type d’approche utilisée et de l’empathie des soignants. Cette stratégie ne place pas le soignant dans une interaction réelle et humaine avec le patient, mais possède l’avantage de présenter une situation dynamique se rapprochant de la réalité clinique tout en permettant une comparaison standardisée entre les différents soignants participants.

À notre connaissance, de telles vidéos n’étaient pas disponibles dans un contexte de douleur chronique. Il était donc nécessaire de développer des instruments afin de mesurer les comportements associés à l’ACP et à l’empathie. Afin de mesurer l’ACP et l’empathie suscitées par les vidéos, il était également nécessaire d’utiliser des grilles d’observation. Une revue de la littérature a donc été effectée afin d’identifier les grilles déjà existantes. La revue de la littérature de l’équipe de Epstein (2005) rapportent différentes mesures existant pour évaluer l’ACP dans un contexte de médecine et inclut trois grilles d’observation fréquemment utilisées : i) Euro-Communication Scale (Mead et Bower, 2000b); ii) Measure of Patient-Centered Communication (Brown et al., 2001); iii) Roter Interaction Analysis System (RIAS) (Ford et al., 1996). Par contre, aucune de ces grilles d’observation ne permet de mesurer le degré d’ACP, telle que définie par l’équipe de Hudon (2011). Ces grilles ne permettraient donc pas de mesurer le concept d’ACP tel que défini dans le cadre de ce présent projet de doctorat. La grille Davis Observation Scale (Callahan et Bertakis, 1991) a également été analysée. Cette dernière est composée de 20 items incluant les éléments suivants : prévention, éducation, promotion de la santé et vérification de la compliance. Ces thèmes ne permettent donc pas de couvrir toutes les dimensions de l’ACP.

Ainsi, aucune grille identifiée dans la littérature ne permettait de mesurer l’ACP dans notre contexte particulier selon la définition retenue.

Pour ce qui est de l’empathie, selon la revue de la littérature de Hemmerdinger et al. (2007), une seule grille d’observation permettant d’évaluer l’empathie à la troisième personne possède des propriétés psychométriques acceptables. Il s’agit de la grille Four Habits Coding Scheme (Krupat et al., 2006) qui permet d’évaluer l’empathie, mais également les habiletés de communication générale du médecin. Cette grille n’alloue donc pas une évaluation exclusive de l’empathie. Quelques années plus tard, une revue de la littérature des mesures de l’empathie en sciences infirmières a été publiée (Yu et Kirk, 2009). Les auteurs ont recensé trois grilles permettant l’évaluation de l’empathie selon la troisième personne : i) Carkhuff Indices of Discrimination and Communication (Carkhuff, 1969); ii) Visual Analog Scale (Wheeler et al., 1996) et iii) Reynolds Empathy Scale (Reynolds, 2000). Parmi ces trois instruments de mesure, seul le dernier possède de bonnes propriétés psychométriques. Cet instrument a d’ailleurs été traduit en français et validé dans une étude antérieure de notre équipe de recherche (Gosselin et al., 2015a).

Ainsi, dans la présente étude doctorale, l’utilisation de questionnaires auto-administrés a été retenue. Afin de suivre les recommandations concernant l’évaluation de l’ACP et l’empathie et de répondre à nos différents objectifs qui seront présentés subséquemment, l’utilisation de vidéos standardisées présentant des patientes réelles atteintes de douleur chronique combinée à l’usage de grilles d’observation permettant d’évaluer l’ACP et l’empathie par un observateur externe a également été retenue.