• Aucun résultat trouvé

2.1 Définitions conceptuelles de l’ACP

2.2.1 Définitions de l’empathie

Une revue de la littérature permet de constater qu’il existe de nombreuses ambigüités en ce qui concerne la définition de l’empathie (Hojat, 2007). Les différentes perspectives ont été volontairement rassemblées dans cette thèse, afin de présenter une vue d’ensemble des principales définitions qui ont été émises jusqu’à aujourd’hui. En général, l’empathie est décrite comme étant un attribut cognitif ou affectif ou encore une combinaison de ces deux composantes (Hojat, 2007), ce qui a donné naissance à trois grandes perspectives, soit i) la perspective cognitive; ii) la perspective émotionnelle et iii) la perspective cognitive et émotionnelle.

2.2.1.1 Perspective cognitive

Selon Hojat (2007), un groupe de chercheurs a décrit l’empathie comme étant un attribut à prédominance cognitive (Basch, 1983; Dymond, 1949). En effet, l’empathie a d’abord été décrite comme étant une « capacité à comprendre la situation d’une autre personne sans en faire sa propre situation » (Mackay et al., 1990) ou encore comme étant un processus cognitif complexe impliquant des fonctions cognitives, comme le jugement, le raisonnement et l’évaluation. En d’autres termes, la perspective cognitive réfère à la capacité de comprendre l’expérience intérieure d’autrui ainsi que ses sentiments, et d’être en mesure de voir le monde extérieur à travers les expériences, la perspective et les préoccupations de l’autre personne (Gladstein et Feldstein, 1983; Hojat et al., 2001a). Elle est davantage associée à la compréhension de la qualité des sentiments et non au degré et à la quantité de ces derniers.

2.2.1.2 Perspective émotionnelle

Dans son ouvrage, Hojat (2007) présente également un autre groupe de chercheurs qui a plutôt prôné que l’empathie soit une caractéristique émotionnelle ou affective (Eisenberg et

Lennon, 1983; Hoffman, 1981). Dans cette perspective, la composante émotionnelle serait plutôt liée à la capacité d’entrer dans l’expérience et les sentiments de l’autre personne (Aring, 1958; Hojat et al., 2001a). Certains vont même un peu plus loin en définissant l’empathie comme étant une réponse émotionnelle suscitée par, et congruente avec les sentiments perçus de quelqu’un d’autre (Batson et Coke, 1981). Néanmoins, selon Wispé (1986), cette perspective ne serait pas suffisante pour définir l’empathie et elle correspondrait davantage au concept de sympathie.

2.2.1.3 Perspective cognitive et émotionnelle

Dans un article publié à la fin des années 80 par Wispé (1986), il est possible de bien distinguer l’empathie de la sympathie. Cet auteur soulignait l’importance de la distinction entre Feeling into (composante cognitive) et Feeling with (composante émotionelle), suggérant que l’empathie implique ces deux composantes à divers degrés. Dans cette perspective, le processus d’information cognitive impliquerait des activités mentales spécifiques, comme le raisonnement et l’évaluation, tandis que le processus d’information émotionnelle entraînerait une réponse affective spontanée qui ne requiert pas un processus mental comme c’est le cas dans le raisonnement (Hojat, 2007). En d’autres termes, le raisonnement et l’évaluation seraient liés à la réponse cognitive tandis que la spontanéité serait liée à la réponse affective. Dans cette perspective, l’empathie serait donc une combinaison de ces deux composantes, mais il faut être prudent pour ne pas la confondre avec la sympathie, où la composante émotionnelle occupe une plus grande place.

En effet, même si les termes sympathie et empathie sont souvent mis dans le même panier, des évidences soutiennent que ces deux concepts reflètent différentes qualités humaines qui, dans un contexte clinique, ont des impacts bien distincts. Cette distinction est particulièrement pertinente dans un contexte de soins, puisque l’expérience de la sympathie serait impliquée dans l’épuisement professionnel des personnes aidantes (Black et Weinreich, 2003). L’origine étymologique du mot sympathie découle des termes grecques sym (être avec) et pathos (souffrance, douleur) (Black, 2004). Selon certains auteurs, dans un contexte de soins, la sympathie est définie comme étant un état émotionnel qui implique de ressentir la douleur et la souffrance du patient (Hojat, 2007; Hojat et al., 2011). Selon

Decety (2010), dans certaines situations, l’empathie peut être précurseur à la sympathie. Cette expérience de la sympathie réfère alors à des sentiments de préoccupation pour le bien-être de l’autre personne, où la motivation est davantage orientée sur l’autre personne, tandis que l’expérience de l’empathie implique la reconnaissance des émotions et sentiments de l’autre personne, mais nécessite une distinction claire entre soi-même et l’autre (Decety, 2010; Decety et Michalska, 2010). En d’autres termes, l’empathie et la sympathie impliquent les composantes émotionnelles et cognitives, mais à différents degrés. Plus spécifiquement, l’empathie engage des processus davantage cognitifs, tandis que la sympathie est un processus majoritairement émotionnel (Hojat, 2007).

2.2.1.4 Définition de l’empathie dans un contexte de soins

Bien que les sciences psychosociales ne semblent pas s’entendre sur une définition universelle du concept d’empathie, au cours des dernières années, un consensus semble s’être peint dans un contexte de soins. Si a priori la définition de l’empathie a surtout été débattue sous forme de deux grandes perspectives (cognitive et émotionnelle), dans un contexte de soins une troisième composante vient s’ajouter, soit la composante comportementale (Hojat, 2007; Irving et Dickson, 2004). L’ajout de cette composante à la définition de l’empathie n’est pas exclusif au contexte des soins de santé, mais l’importance de la communication et du comportement est particulièrement notable dans ce contexte. Plus spécifiquement, le soignant doit comprendre le monde du patient (composante cognitive), doit le ressentir avec ce dernier (composante émotionnelle), mais doit aussi communiquer sa compréhension au patient (composante comportementale). Les définitions de ces composantes (Morse et al., 1992) sont d’ailleurs présentées dans le tableau 3.

Tableau 3. Définitions des composantes de l’empathie dans un contexte de soins Composante Définition

Émotionnelle La capacité à vivre et à partager subjectivement l’état psychologique ou les sentiments intrinsèques de l’autre. Cognitive La capacité intellectuelle du soignant à identifier et à

comprendre les sentiments et les perspectives de l’autre. Comportementale La communication à l’autre de la compréhension de sa

Plus récemment, certains auteurs ont précisé que la composante comportementale devait inclure la reconnaissance des émotions présentes qui ne sont pas nécessairement exprimées par le patient (indices non-verbaux) et la communication efficace de ces émotions afin que le patient se sente compris (Stein-Parbury, 2005; Suchman et al., 1997). Cette définition laisse donc une plus grande place aux composantes cognitives et comportementales dans un contexte de soins. Cependant, certains chercheurs défendent l’importance du raisonnement émotionnel qui serait impliqué dans le processus d’empathie clinique (Halpern, 2007), mais le terme intelligence émotionnelle serait préféré pour décrire cette composante (Goleman, 1995). Cette plus grande importance de la composante cognitive dans un contexte de soins est d’ailleurs mise de l’avant dans l’une des définitions les plus citées de la littérature, soit celle de Mercer et Reynolds (2002) qui propose que l’empathie soit la capacité à : i) comprendre la situation, la perspective et les sentiments du patient (compréhension); ii) communiquer sa compréhension au patient et vérifier son exactitude (communication); iii) agir à partir de cette compréhension en collaboration avec le patient, dans une voie thérapeutique aidante (action). Une illustration de cette définition est proposée à la figure 3.

Figure 3. Illustration de l’empathie dans un contexte clinique

De par la prédominance de la communication et de l’action, la définition de Mercer et Reynolds (2002) peut suggérer que l’empathie soit une compétence professionnelle acquise plutôt qu’une expérience purement subjective ou innée (Neumann et al., 2012). Une fois de

!"# $%&'()*+,-.%,#

/"# $%&&0,.123%,#

plus, cette définition n’exclue pas la composante émotionnelle, mais souligne l’importance des composantes cognitives et comportementales.