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Stratégie de vie et caractères adaptatifs des espèces des mares temporaires méditerranéen-

CHAPITRE III : Zones humides Kabylo-Numidiennes dans le contexte Méditerranéen

III.3. Stratégie de vie et caractères adaptatifs des espèces des mares temporaires méditerranéen-

La variabilité des conditions environnementales favorise les espèces annuelles à cycle court, adaptées à l’une ou l’autre des phases du milieu (sèche ou en eau), ou encore à la période de transition (espèces amphibies). Les annuelles représentent environ 80 % des espèces caractéristiques des milieux humides temporaires (Médail et al.,1998).

III.3.1. Résistance aux stress

Les végétaux peuplant les mares temporaires doivent être adaptés aux stress provoqués par les deux phases de cet écosystème : phase d'inondation et phase de forte sécheresse.

Températures: En hiver et au début de printemps, les températures de l'eau sont basses et ne sont pas favorables à une croissance rapide. Cependant, plusieurs espèces (Ranunculus peltatus, R.

ophioglossifolius, Illecebrum verticillatum, Littorella uniflora, Isoëtes velata…) commencent à

croître sous l’eau en hiver.

compétitrices nécessitant un milieu riche. L’oligotrophie diminue la concurrence et est aussi une des raisons de la petite taille des espèces adaptées à ces biotopes.

Sécheresse : La grande résilience des biocénoses aux sécheresses caractérisant le climat méditerranéen pourrait tamponner les impacts des changements climatiques. Stebbins (1952), Stebbins & Major (1965), sont les premiers attiré l'attention des biogéographes et des généticiens sur le rôle du stress hydrique estival, et son effet sur les processus de spéciation, favorisant les espèces à cycle court, particulièrement les thérophytes. Seuls les végétaux vivaces capables de puiser l'eau à une certaine profondeur peuvent encore croître. Les autres ont leur cycle de vie adapté à la phase asséchée; ils passent l'été en vie ralentie, soit à l'état de graines (cas des thérophytes comme Illecebrum verticillatum ou Ranunculus revelierei), soit à l'état de bulbes ou de rhizomes dormants (cas des géophytes comme Littorella uniflora, Isoëtes velata ou Pilularia

minuta).

La prédominance des thérophytes au sein des formations de l'Isoetion est bien connue (Braun-Blanquet, 1936), reflet d'une adaptation à des conditions environnementales particulièrement drastiques (Bliss & Zedler,1998), les dates d'inondation et les variations intra- et inter-annuelles des hauteurs d'eau conduisent à la sélection d'espèces à cycles court (éphémérophytes). Un changement de stratégie de vie est observé pour Isoetes velata, habituellement géophyte, devient annuel dans les petites cupules de rhyolite de la Colle-du-Rouet (Loisel, 1976).

III.3.2. Nanisme de beaucoup de géophytes et de thérophytes

Lors des années à pluviosité déficiente, la plupart des espèces des mares temporaires sont de petite taille, voire absentes (Solenopsis, Exaculum, Cicendia, Radiola), et sont parfaitement adaptées aux stress (Quézel,1998); qu’il s’agisse de géophytes à bulbes (Isoëtes velata, Littorella

uniflora) ou à rhizomes (Pilularia minuta) ou de thérophytes (Lythrum borysthenicum, Solenopsis laurentia…). Ce nanisme est interprété comme dû à la pauvreté minérale du substrat et de l'eau, à

la durée de la phase inondée et à la faible profondeur du substrat.

III.3.3. Dissémination des semences

Les spectres de dissémination des phytocènoses des mares temporaires n'ont jamais été étudiés dans le détail, mais l'ornithochorie et l'hydrochorie sont les types majeurs de dispersion. Les mares d'origine anthropique en particulier, ont été vraisemblablement colonisées par des espèces transportées par les oiseaux; l'apparition d'espèces nouvelles dans des secteurs bien connus (Pilularia minuta,par exemple) pourrait relever du même phénomène à ce propos Quézel, (1978) fait remarquer : «Among the latter (taxa of tropical origin), many correspond to hygrophytes, or

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birds (at least for some of them). There are in particular, and mainly for the marshes of the Moroccan or Calle (El Kala) coast, several representatives of the genera Cyperus…, Fimbristylis…as well as Rhynchospora alba, Fuirena pubescens, Polygonum senegalense… Glinus lotoides and Alternanthera sessilis ».

III.3.4. Fluctuation des populations et banques de graines

Dans les mares temporaires méditerranéennes, la taille des populations végétale fluctue d'une année à l'autre, et la survie des espèces dépend principalement de la germination de la banque de semences (Rhazi et al.,2001b; Bonis et al.,1995). Ainsi, les années très pluvieuses, les petits thérophytes et géophytes ont de très importantes populations. La prédominance des thérophytes a également été observée par Médail et al.(1998) pour les mares temporaires de la France méridionale; et par Zedler(1987) pour les mares temporaires de Californie. Elles sont liées à l'existence, dans le substrat, de banques de graines dormantes, graines dont la longévité paraît être très longue. A titre indicatif; Colas et al. (1996) ont pu obtenir 15 embryons de Marsilea strigosa à partir d'un sporocarpe âgé de 103 ans. Donc, le stock en graines du sol joue un rôle primordial dans la conservation des espèces. Rhazi et al.(2001a) notent qu'il y est des chevauchements entre les différentes ceintures de végétation d'une mare temporaire; mais les vivaces limitent l'expression des stocks semenciers des annuelles.

III.3.5. Longévité de la banque de semences

Le sédiment renferme aussi bien les organes de multiplication végétative des plantes vivaces bulbes, bulbilles, rhizomes, turions, bourgeons dormants, etc., que les graines ou les oospores issues de la reproduction sexuée des plantes. Dans les conditions environnementales très fluctuantes des mares temporaires, les espèces et les populations de plantes ont évolué vers la production de semences formant des stocks persistant plus d’une saison dans le sol (Grillas et

al.,2004). Les stocks semenciers augmentent la résilience de la végétation des mares temporaires,

c’est-à-dire leur capacité à se reconstruire après une perturbation (Brock, 1998). Plusieurs études dans les mares temporaires illustrent l’apparition sporadique (tous les trois, cinq et dix ans), parfois en grand nombre d’espèces comme exemple Elatine brochonii ou Damasonium stellatum (Rhazi et

al.,2001a). Ce phénomène repose sur la dormance et la longévité des semences. La longévité est

très variable selon les espèces : l'exemple déjà cité des sporocarpes de Marsilea strigosa étaient viables après une centaine d’années de conservation en herbier (Colas et al.,1996) alors que ceux

d’Isoetes setacea avaient perdu leur viabilité au bout d’une dizaine d’années dans des conditions de

conservation proches (Grillas et al.,2004).

En Australie, Brock & Britton, (1995) de leur part, ont testé la viabilité des banques de semences de 21 espèces issues de 6 mares différentes au bout de onze années; un seul échantillon

donnait encore des germinations et seules 2 espèces (Juncus articulatus et Myriophillum

variifolium), continuaient à germer. De même lors de projets de restauration de deux mares

temporaires du sud de la France, l’analyse préalable des stocks semenciers a montré que les espèces caractéristiques de ces deux mares n’étaient plus viables après environ quinze et trente ans (Grillas et al.,1998; Grillas et al.,2004).

Chez les espèces des mares temporaires, des mécanismes de dormance limitent le pourcentage de germinations lors d’une année donnée réduisant les risques d’extinction des populations (Bonis et al.,1995). La sortie de dormance est contrôlée, en partie, par des facteurs environnementaux, tels que la lumière, la saturation en eau du sédiment et la température, mais aussi par des processus physiologiques (Grillas et al.,2004).

III.3.6. Polymorphisme de l’appareil végétatif

Le port de la plupart des espèces varie en fonction du degré d'inondation. Par exemple, dans une dépression très peu longtemps humectée, Illecebrum verticillatum est très petit (de 1 à 5 cm de long) et ses entre-noeuds sont très courts (de moins de 1 mm). Au contraire, en pleine eau, il présente :

Une tige non ramifiée, traversant tout le plan d'eau, à entre-nœuds très longs (de plus de 15 cm) et pouvant dépasser 1 m.

Une importante ramification à la surface du plan d'eau, émettant de nombreuses tiges secondaires, flottantes et florifères, de 10 à 20 cm de long et à entre-noeuds courts, de moins de 1 cm. Un polymorphisme du même type existe chez d’autres espèces : Ranunculus baudotii;

Alopecurus bulbosus, Cynodon dactylon, Lotus angustissimus subsp. suaveolens, Polypogon subspathaceus (Paradis & Pozzo Di Borgo, 2005).