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A- Stratégie « malonaldéhyde »

1- Stratégie « malonaldéhyde » au départ du tétraméthoxypropane

Avant d’entreprendre cette approche, il a fallu tenir compte de la stabilité du MDA, qui est relativement stable en milieu neutre et peu stable dans des conditions acides : il se polymérise facilement et ne peut être conservé d’où la nécessité de le synthétiser in situ. Il existe, néanmoins, des équivalents plus stables du malonaldéhyde, tel que son sel de sodium. Au laboratoire, nous avons travaillé avec le tétraméthoxypropane et le diméthoxypropanal comme équivalents synthétiques du MDA.

Afin de synthétiser l’intermédiaire 282, une première étape de réaction de Pictet-Spengler est envisagée à partir de la tryptamine 277 et d’un dérivé du MDA, suivie d’une étape de condensation avec le glutaconaldéhyde (schéma 124).

131 En nous appuyant sur les travaux de Winterfeldt155

, nous avons tout d’abord entrepris la condensation de la tryptamine avec le diméthoxypropanal 283, comme équivalent synthétique du malonaldéhyde. En présence d’acide trifluoroacétique (35 mol %) dans un mélange CHCl3/MeOH (1/1) à température ambiante, l’ènaminal 284 est formé par attaque nucléophile de l’amine sur l’aldéhyde. Avec le tétraméthoxypropane 285 en présence d’acide chlorhydrique concentré dans un mélange CHCl3/MeOH (5/3) à température ambiante, nous obtenons le composé 286. Ce dernier a été mis en réaction avec le 2-méthylglutaconate de potassium156 dans une solution aqueuse d’acide citrique à 4 % et a conduit au produit d’addition 287 (schéma 125).

Schéma 125 : premiers essais de condensation de la tryptamine et d’un équivalent du MDA

L’utilisation de ces acides n’ayant pas donné le composé souhaité, nous nous sommes orientés vers l’acide o-phosphorique pour promouvoir la réaction de Pictet-Spengler. C’est avec succès que nous avons pu synthétiser le composé désiré 288 en mettant en mélange la tryptamine et le tétraméthoxypropane 285 en quantités équimolaires dans une solution aqueuse d’acide o-phosphorique à 6 % pendant une quarantaine d’heures. Un autre composé 289 a été isolé de cette même réaction et résulterait de la condensation d’une molécule de diméthoxypropanal sur le composé

288, après déprotection et déshydratation. Celui-ci a, par ailleurs, été décrit par l’équipe de Winterfeldt lorsque la réaction était réalisée avec un excès de tétraméthoxypropane. Ce composé est récupéré en plus grande quantité lorsque la réaction est réalisée à une température plus élevée pendant un temps de réaction plus long (schéma 126).

155 (a) «Enantiomerically pure indoloquinolizines from tryptophane». S. Peng et E. Winterfeldt, Liebigs Ann. Chem., 1990, 313– 318 ; (b) «Easy generation of an enantiopure general indolalkaloid building block by kinetic resolution». M. Zhao, C. Wang, S. Peng et E. Winterfeldt, Tetrahedron: Asymmetry, 1999, 10, 3899–3905.

156 La condensation d’une amine et d’un glutaconate est généralement accomplie en présence d’un acide tel que l’acide trifluoroacétique (voir chapitre II) ; des conditions alternatives ont été développées au laboratoire avec l’utilisation d’acide citrique en remplacement de l’acide trifluoroacétique pour assurer la réaction.

132 Schéma 126 : synthèse du composé 288

La seconde étape consiste à additionner une chaîne en C5 via le glutaconate de potassium

58b sur le composé 288. Nous avons tenté cette condensation dans les mêmes conditions que celles

décrites précédemment, c'est-à-dire, en quantité équimolaire dans une solution aqueuse d’acide citrique à 4 %. Le composé 290 est obtenu avec de bons rendements après purification (cette réaction n’étant pas totale, il reste des traces de produit de départ) (schéma 127).

Schéma 127 : synthèse du composé 290

À partir de ce composé, deux types de réactions ont été étudiés en parallèle de manière à obtenir le composé 278, qui pourrait se cycliser et ainsi former le cycle D du squelette pentacyclique de la manadomanzamine :

- déprotection de l’aldéhyde

- et réduction de la fonction ènamine

Schéma 128 : études envisagées sur le composé 290

133 Concernant les essais de déprotection de l’aldéhyde, différentes méthodes ont été testées, utilisant principalement des acides de Lewis :

- le tétrafluoroborate de lithium (LiBF4) en excès (2 équivalents) dans un mélange acétonitrile/eau (98/2) à température ambiante pendant 2 heures ou en chauffant à 70 °C pendant 4 heures ;

- l’acide oxalique (1 équivalent) dans l’acétone à température ambiante pendant 4 jours ; - l’iode157 en quantité catalytique (10 mol %) dans de l’acétone à température ambiante

pendant 40 heures ;

- le chlorure de cérium hydraté 158

(CeCl37H2O) catalysé avec de l’iodure de sodium (15 mol %) dans l’acétonitrile à température ambiante pendant 2 jours ;

- la silice humide dans l’acétonitrile en chauffant à 70 °C pendant 2 jours ; - l’Amberlyst®

15 dans un mélange eau/THF (1/1) à température ambiante pendant 3 heures ;

- le bromure de zinc (ZnBr2) dans CDCl3 à température ambiante pendant 3 jours.

 Tous ces essais ont conduit à une perte de la chaîne glutaconaldéhyde et donc à la régénération du composé 288, sauf dans deux cas. Dans le premier cas, la fixation du composé de départ sur la résine échangeuse de proton (Amberlyst® 15) a été observée tandis que dans le deuxième cas, le composé de départ 290 est resté intact lorsque nous avons utilisé le bromure de zinc. La fragilité de cette chaîne latérale empêche tout traitement acide pour espérer obtenir l’aldéhyde libre.

N’ayant pas obtenu de résultats escomptés, nous avons essayé d’effectuer l’étape de déprotection plus en amont, c'est-à-dire à partir du composé 288, avec pour objectif de libérer l’aldéhyde puis de greffer la chaîne glutaconate (schéma 129).

Schéma 129 : stratégie alternative de synthèse du composé 282

Les mêmes réactifs que précédemment ont été testés mais sans succès : aucun changement n’est observé en CCM. L’acide trifluoroacétique a été tenté et s’est montré plus prometteur : deux taches sont observées en CCM et sont positives au réactif de Dragendorff, mais il se forme rapidement un résidu noir solide, dans le tube RMN ou le ballon, rendant toute exploitation impossible.159

157 «Highly efficient chemoselective deprotection of O,O-acetals and O,O-ketals catalyzed by molecular iodine in acetone». J. Sun, Y. Dong, L. Cao, X. Wang, S. Wang et Y. Hu, J. Org. Chem., 2004, 69, 8932–8934.

158

«Cerium (III) chloride, a novel reagent for nonaqueous selective conversion of dioxolanes to carbonyl compounds». E. Marcantoni et F. Nobili, J. Org. Chem., 1997, 62, 4183–4184.

134

b- Essais de réduction de l’ènamine

Concernant l’étude de la réduction de l’ènamine du composé 290, plusieurs expériences ont été réalisées à température ambiante avec différents acides pour favoriser la forme iminium, qui sera ensuite réduite par un agent réducteur. Ces expériences sont résumées dans le tableau ci-dessous :

essai réactif (équivalent) solvant/durée résultat (rendement)

1

triéthylsilane (1,2 éq),

TFA (1 éq) CH2Cl2, 4 jours

288 (66 %) produit de départ inchangé 290 (30 %) 2 triéthylsilane (2 éq) CH2Cl2, 5 jours produit de départ inchangé 290

3

NaBH3CN (5 éq),

acide acétique glacial (qsp pH 4-5), vert de bromocrésol méthanol, 4 heures produit désiré 292 (10 %) composé 293 (5 %) composé initial 288 (0,2 %) 4 NaBH3CN (15 éq) méthanol,

1 jour produit de départ inchangé 290 (55 %)

5 NaBH4 (3 éq) méthanol, 1 nuit 294 (87 %) 6 TMSOTf (1 éq) puis dihydropyridine * (1 éq) CH2Cl2, 1 jour (–78 °C puis T.A.)

aucun changement sur CCM

7 réduction organocatalytique ** CH2Cl2,

3 semaines aucun changement sur CCM

* la dihydropyridine utilisée est le ditert-butyl-2,6-diméthyl-1,4-dihydropyridine-3,5-dicarboxylate

** conditions opératoires : dihydropyridine (2 éq), acide acétique glacial (2 gouttes) et catalyseur dit « de MacMillan » : (2S,5S)-(-)-2-tertbutyl-3-méthyl-5-benzyl-4-imidazolidinone.

135 La méthode utilisant le triéthylsilane comme agent réducteur, en présence d’acide trifluoroacétique, mène à la lyse de la chaîne latérale et donc à la récupération du produit de départ

288, en plus de récupérer l’aminopentadiènal 290 (essai 1). La même expérience refaite sans acide n’a aucun effet (essai 2). Par contre, la méthode utilisant le cyanoborohydrure de sodium (5 équivalents) permet d’isoler, en plus du composé initial 288, deux autres composés réduits : l’un réduit au niveau de l’ènamine 292 et le second ayant l’aldéhyde et l’ènamine réduits 293. Pour cet essai (entrée 3), un indicateur coloré, le vert de bromocrésol 160

a été ajouté afin que le pH du mélange réactionnel soit compris entre 4 et 5, zone de pH où l’ènamine serait réduite préférentiellement (cf stratégie C). Une tentative de réduction avec ce même réducteur en large excès, mais sans acide pour éviter la perte de la chaîne latérale, n’a pas permis d’isoler le composé réduit voulu 292. Une réduction à l’aide du borohydrure de sodium permet d’obtenir l’alcool 294. 161 Une dernière méthode utilisant une dihydropyridine, le ditert-butyl-2,6-diméthyl-1,4-dihydropyridine-3,5-dicarboxylate, 162 mimant le NADPH, ne conduit à aucun résultat concluant.

 Seule la méthode utilisant le NaBH3CN a permis l’obtention du produit réduit désiré avec un faible rendement de 10 %. Un meilleur contrôle du pH pourrait peut être mener à un meilleur rendement.

 En conclusion, les différentes tentatives de déprotection de l’aldéhyde et de réduction de la fonction ènamine ont conduit systématiquement à une perte de la chaîne glutaconaldéhyde dès lors qu’il y a présence d’acide dans le milieu réactionnel ; par conséquent, nous avons modifié notre approche synthétique en partant d’un précurseur en C3 déjà déprotégé, le diméthoxypropanol, autre équivalent synthétique du malonaldéhyde.