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C. La mutation de PALB2, gène suppresseur de tumeurs, dans le cancer du sein et

3. Ciblage des défauts de recombinaison homologue en thérapie contre le cancer

3.1. Stratégie de létalité synthétique

La létalité synthétique est une nouvelle stratégie très prometteuse qui peut répondre aux limites que présentent les thérapies conventionnelles et plus précisément la non-sélectivité des drogues en chimiothérapie. Cette stratégie spécifique a été initialement décrite par le généticien Calvin Bridges chez la drosophile, où l’inactivation d’un seul gène n’avait peu ou pas d’effet, alors que l’inactivation de deux de ces gènes se traduisait par un défaut dans la cellule ou l’organisme.194 D’autre part, les études de criblage à grande échelle des interactions génétiques chez la levure Saccharomyces

Cerevisiae ont non seulement permis de mieux comprendre la structure globale des réseaux

biologiques, mais aussi de cartographier plusieurs interactions synthétiques léthales impliquant des gènes de la réparation de l’ADN ou encore des gènes codants pour des protéines de ségrégation chromosomique lors de la division cellulaire.195-196 Ce concept a ensuite été convoité dans différents domaines, dont la recherche thérapeutique contre le cancer, où l’on teste si l’inactivation d’un gène ou l’inhibition d’une molécule serait létale en combinaison avec un défaut manifesté par la cellule cancéreuse. En d’autres termes, il s’agit d’une inactivation combinée de deux éléments qui provoquerait une instabilité génétique et conduirait la cellule cancéreuse à la mort, alors que l’inactivation individuelle de ces deux éléments pourrait lui être avantageuse permettant sa survie (Figure 6). 56,57Ce concept a déclenché une course dans le domaine de la recherche sur le cancer afin d’identifier des interactions synthétiques létales (SL) qui pourraient être de nouveaux traitements plus adaptés et spécifiques pour différents types de cancers. Les gènes des voies de réparation de l’ADN représentent de bonnes cibles dans ces stratégies, et ce dû au fait qu’elle présente différentes voies de contournement dans la prise en charge des défauts de l’ADN. 58,59Dans une cellule normale il existe plusieurs voies de réparation qui peuvent servir de voie de soutien si l’une est défectueuse, ce critère est exploité par les cellules cancéreuses qui doivent se répliquer malgré leur déficience dans une voie de réparation donnée. 60En fait, les cellules cancéreuses peuvent accumuler des défauts dans une voie de réparation pour favoriser leur prolifération, mais aussi pour échapper à la mort en devenant dépendantes d’une autre voie de soutien, et c’est ce trait de dépendance qui est ciblé par les stratégies de létalité synthétique. 61,62

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Figure 6 : Concept de la létalité synthétique. Tirée de Neil et al. (2017).63

(a) Cette partie démontre qu’en présence d’une copie intact d’un des deux gènes A ou B, en combinaison avec la mutation ou la surexpression du deuxième, cela résulte en un état viable. Tandis que la mutation ou l’inhibition du produit protéique (partie b et c, respectivement) du gène B dans les cellules présentant une mutation (parties b, c) ou une surexpression (partie d) du gène A, entraîne une létalité synthétique. La flèche plus épaisse indique une surexpression accrue. L'étoile représente une mutation. Les croix rouges indiquent l'inhibition du produit du gène B.

3.1.1. Les PARPi en stratégie de létalité synthétique dans les cellules BRCA1/2 déficientes

L’utilisation des inhibiteurs de PARP pour les patients ayant une mutation germinale dans BRCA1/BRCA2, est la première interaction synthétique létale à entrer en clinique.61 Cette dernière consiste en l’inhibition pharmacologique des PARPs (Poly(ADP-ribose) polymérases, essentiellement PARP1) dont les cellules cancéreuses déficientes en BRCA1/BRCA2 sont dépendantes. La Poly(ADP-ribose) polymérase 1/ 2 PARP 1 et 2 sont des transducteurs de signal dans la réponse aux dommages de l’ADN. En fait, après la détection d’une CSB ou d’autres dommages, les PARPs vont synthétiser des chaines poly (ADP-ribose) PAR, cette parylation sert à

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modifier post-traductionnellement plusieurs protéines de la réponse aux dommages de l’ADN.67–69 Il existe maintenant plusieurs inhibiteurs de PARP, dont trois (olaparib, rucaparib et niraparib) qui ont été approuvés en clinique pour le cancer de l’ovaire et l’un d’eux (l’olaparib) pour le cancer du sein déficient en BRCA.64–66 Ainsi, l’inhibition de PARP dans des cellules ayant des protéines BRCA non fonctionnelles est supposée conduire à l’accumulation de cassures DBs, l’effondrement des fourches de réplication et donc engendrer une instabilité génétique qui peut être létale pour la cellule cancéreuse sans pour autant affecter les cellules normales ayant une RH fonctionnelle qui peut prendre en charge les CDBs (Figure 7).70–72

Le modèle initial proposé pour le mécanisme d’action des PARPi, propose que l’inhibition de PARP empêche la réparation des CSBs causant leur conversion en des CDBs, celles-ci résulteraient en l’effondrement de la fourche de réplication qui est très toxique pour la cellule, conduisant à des catastrophes mitotiques et à l’apoptose, si celles-ci ne sont pas réparées. 61, 62,73 Des études ont ensuite mis à jour ce modèle en démontrant que certains inhibiteurs de PARP, appelés trapping PARPi, piégeaient PARP1 dans l’ADN empêchant ainsi son autoPARylation et sa libération du site du dommage provoquant des lésions cytotoxique. 74 Le trapping des PARPi peut différer d’un agent à un autre, par exemple le talazoparib est connu pour avoir une capacité de trapping qui est 100 fois plus efficace que le niraparib, et qui à son tour est plus efficace que l’olaparib et le rucaparib dans le

trapping de PARP1. Ces derniers sont considérés plus efficaces que les PARPi inhibant la

PARylation tel que le veliparib dans les cellules mutées dans BRCA.75,76

Additionnellement aux dommages et la cytotoxicité causés par les PARPi, PARP1 et 2 sont impliqués dans la transcription, l’apoptose et la fonction immunitaire ce qui pourrait aussi participer dans leur potentiel anti-tumoral. 77–80

Le traitement aux PARPi génère dans certains cas, comme la plupart des thérapies ciblées, des formes de résistances. 81 Parmi ces résistances certaines ont été identifiées in vitro chez des patients ayant des cancers à stage avancé. Ces mécanismes de résistance incluent la restauration partielle de la RH par l’inactivation des protéines de réparation 53BP1 ou REV7, ou encore la perte d’expression de PARP1 qui résulte en une résistance aux inhibiteurs.82 La restauration de l’expression de BRCA1/2 par des mutations qui rétablissent le cadre de lecture dans ces gènes est la seule forme de résistance qui a été validée cliniquement chez certains patients. 83Cette forme de résistance génère des protéines de nouveau fonctionnelles dans les cellules auparavant BRCA déficientes et parviendrait à rétablir la RH, ce qui se traduit en une résistance aux inhibiteurs de PARP.

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Les inhibiteurs de PARPs ont aussi démontré leur efficacité pour les tumeurs n’ayant pas de mutations germinales dans les gènes BRCA, mais partageant certains phénotypes avec ces dernières. Ces tumeurs appelées BRCAness, sont aussi caractérisées par des défauts dans la RH qui peuvent être dus à des mutations somatiques dans BRCA, telle que la mutation somatique causant une hyperméthylation du promoteur de BRCA1, mais aussi des mutations dans d’autres gènes de la RH qui causeraient des défauts dans la RH et qui phéno-copieraient l’effet des mutations germinales dans BRCA. Ce qui pourrait élargir le spectre d’utilisation des inhibiteurs de PARP pour les tumeurs dites BRCAness. 84,85

Figure 7 : L’implication de PARP dans la réparation de l’ADN et son inhibition en stratégie de létalité synthétique dans les cellules BRCA déficientes. Tirée de

Dziadkowiec et al. (2016).

71 A) Représentation simplifiée des étapes de réparation d’une CSB faisant intervenir une protéine PARP fonctionnelle pour le recrutement des protéines de réparation dans des cellules normales. B) Inhibition de PARP en présence d’une CSB et sa conversion en une CDB. Cette conséquence peut être prise en charge dans des cellules exprimant des protéines BRCA fonctionnelles, alors que dans des cellules déficientes, celle si peut entrainer une accumulation de dommages qui peuvent conduire à la mort.

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3.1.2. Stratégie de létalité synthétique dans les cellules PALB2 déficiente

Les efforts fournis dans le criblage de nouvelles interactions SL autres que PARP et BRCA, pourraient être justifiés par deux raisons. La première étant le nombre important de cancers déficients en RH ayant des protéines BRCA fonctionnelles et qui partagent les mêmes caractéristiques moléculaires que les cancers BRCA déficients. Telle que l’implication de PALB2 dans le cancer du sein qui est un bon exemple de tumeur qui phénocopie le cancer du sein déficient en BRCA. 85La deuxième raison est la résistance aux PARPi qui se manifeste chez des patients diagnostiqués pour bien répondre à cette thérapie mais dont les cellules cancéreuses ciblées sont transformées par l’un des mécanismes cité plus haut.82,83 Dans cette optique, les PARPi ont aussi démontré leur efficacité

in vitro dans les tumeurs BRCAness incluant les cellules PALB2 déficientes. En effet, des études in vitro ont démontré que l’Olaparib et le Talazoparib seuls ou en combinaison avec le temolozomide

étaient synthétiques létaux dans un contexte cellulaire déficient en PALB2.27,86,87 Ces résultats étaient très prometteurs pour la prise en charge des tumeurs PALB2 déficientes et ont poussé la recherche d’autres interactions synthétiques létales qui pourraient présenter une alternative dans les cas de résistance. Cependant, les études mettant en évidence la sensibilité des cellules PALB2 déficientes aux PARPi sont des études in vitro préliminaires qui devraient être validées en clinique avant que les patients puissent en bénéficier. Ce type de tumeurs BRCAness qui phéno-copient les cellules BRCA déficientes restent quand même différentes de ces dernières. Un exemple de cette différence est le niveau d’expression des PARPs dans ces cellules qui peut être différent d’une tumeur à une autre, et qui peut conséquemment se traduire en des niveaux sensibilité aux PARPi qui seraient de même différents.88,89 Dans ce contexte, des essais de diagnostic moléculaire ont été développés pour pouvoir prédire l’efficacité des PARPi dans les tumeurs déficientes en PALB2 ou d’autres gènes de RH.90 Comme précédemment expliqué la létalité synthétique des PARPi dans les tumeurs BRCA ou BRCAness est essentiellement due à la déficience en RH. De ce fait, une étude a établi un test qui permettrait de prédire l’efficacité des PARPi, et ce en attribuant des scores à la quantification de foyers RAD51 par immunofluorescence dans les tumeurs.90 Ces études ont démontré une corrélation entre le score de foyers RAD51 de cellules dérivées de xénogreffes PDX déficientes en PALB2 et leur degré de déficience en RH. Proposant ainsi ce test en routine clinique pour prédire la sensibilité ou la résistance des cancers du sein déficients en PALB2.

L’une de ces nouvelles interactions synthétiques létales dans les cellules BRCA déficientes, est celle résultante de l’inactivation de la protéine RAD52.91 Cette dernière intervient dans la voie de soutien de la RH qui est la « SSA », décrite plus haut, mais a aussi été prouvé être le médiateur de la voie alternative pour le recrutement de RAD51 et l’initiation de l’invasion de brin dans les cellules

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BRCA2 déficientes.20,91,92 Ainsi, plusieurs études ont démontré l’interaction synthétique létale existante après

l’inactivation de RAD52 dans les cellules BRCA et PALB2 déficientes. 91,93,94 Ces résultats ont poussé les chercheurs à effectuer des criblages de drogues à haut débit pour l’identification d’inhibiteurs de RAD52.95,96 Ces drogues identifiées étaient efficaces dans les essais impliquant des cellules BRCA déficientes. Etant donné la relation étroite que partage la déficience en BRCA et PALB2 il serait intéressant d’investiguer cette interaction SL dans les cellules PALB2 déficientes et de rechercher des inhibiteurs adaptés pour ce type de tumeurs.

Ainsi, le développement et le choix de bons modèles in vitro qui faciliteraient l’étude de ces stratégies thérapeutiques et qui prennent en considération l’environnement tumoral retrouvé dans les cancers, représente une étape critique dans la recherche thérapeutique contre le cancer.