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En dépit des incertitudes sur le mécanisme de photoinactivation in vivo, le soula-gement de la chaîne photosynthétique sur organisme entier par dérivation des électrons photosynthétiques doit opérer en aval du PSII pour des raisons dont la moins évidente n’est pas la nécessité de tirer profit de l’énergie lumineuse (voir le schéma en Z de la

photosynthèse Fig 1.2). Mais ce transfert doit se faire en amont de l’étape cinétiquement

limitante au niveau du complexe b6f. En effet, au sein de ce complexe, l’un des transferts

est mono-électronique (passage du pool de plastoquinones qui transportent deux électrons, au cluster Fer-Soufre qui est monoélectronique). C’est pourquoi cette étape est nettement

plus longue (de l’ordre de 5 ms) [3], comme le montre le schéma de la littérature (Fig

1.15).

A cet égard, il est souhaitable que l’extraction ait lieu au niveau des étapes de transfert

entre QA et QB voire au niveau du pool de plastoquinones. Ceci revient à considérer une

photoinactivation qui a lieu par le site accepteur. La pertinence de la stratégie ainsi que la nature du mécanisme de photoinhibition pourront être discutés plus tard à la lumière des résultats expérimentaux.

Dans un tel contexte, l’organisme photosynthétique choisi pour nos études sera l’algue unicellulaire Chlamydomonas reinhardti, qui constitue le modèle et l’expertise (culture, banque de mutants, approche mécanistique, suivi spectroscopique) de l’UMR 7141 à l’Ins-titut de Biologie-Physico-Chimique (IBPC) impliquée dans ce projet.

1.4.1 L’algue Chlamydomonas reinhardtii

Chlamydomonas reinhardtii est une algue unicellulaire verte présente dans les sols

humides et les eaux douces. Elle sert en tant qu’organisme modèle dans le domaine de la photosynthèse, de la biogenèse d’organelle et de plusieurs autres aspects de la biologie cellulaire.

Le rôle de Chlamydomonas reinhardtii en tant qu’organisme modèle est principalement dû à sa capacité à survivre d’une manière hétérotrophe avec l’acétate comme unique source de carbone : les mutants incapables de réaliser la photosynthèse sont viables. Cette algue possède un appareil photosynthétique semblable à celui des plantes supérieures et les

Figure 1.15: Schéma récapitulant les différentes étapes de transferts électroniques le long de la chaîne photosynthétique, avec le temps caractéristique de chaque étape et le potentiel de demi-vague des couples rédox mis en jeu par rapport à l’ENH [71].

cycles végétatifs et sexuels simples de l’algue sont facilement manipulés au laboratoire avec un temps de génération court. Aujourd’hui cet organisme est entièrement caractérisé génétiquement et partage un héritage génétique commun avec les animaux et les végétaux [72].

Architecturalement, les cellules ont une forme ovale et font environ 10 µm en longueur et 3 µm en largeur et sont équipées de deux flagelles, en arrière, de tailles égales qui

leur confèrent une mobilité (Fig 1.16). Ces flagelles permettent aux algues de réaliser la phototaxie, se déplacant vers la source lumineuse pour maximiser leur exposition ou la fuyant pour limiter la photoinhibition. L’intensité lumineuse ainsi que la direction de la source étant détectés grâce au stigma situé directement sous l’enveloppe chloroplastique.

Figure 1.16: Morphologie de Chlamydomonas reinhardtii [73].

Chaque cellule possède une paroi cellulaire complexe composée essentiellement de gly-coprotéines et d’hydroxyproline, ainsi qu’un seul chloroplaste en forme de tasse qui occupe 40% du volume cellulaire et entoure le noyau et plusieurs mitochondries. Un ou plusieurs pyrénoïdes se trouvent dans le chloroplaste et sont entourés de réserves d’amidon.

En raison de ses propriétés génétiques d’intérêt, Chlamydomonas reinhardti a été la cible de recherches dans le domaine des biotechnologies en tant qu’organisme producteur d’hydrogène, l’algue pouvant le produire grâce à son enzyme hydrogénase. Mais cette production ne dure pas suffisamment longtemps pour permettre à des applications de

1.4.2 La dérivation des électrons de la photosynthèse par les

quinones

Comme explicité plus haut, les quinones sont des transporteurs d’électrons endogènes

au sein de la chaîne photosynthétique à travers QA et le pool de plastoquinones. C’est

d’ailleurs également le cas dans la chaîne respiratoire à travers les ubiquinones.

La plastoquinone consiste en une molécule de 2,3-dimethyl-1,4-benzoquinone avec une

chaîne latérale de 9 unités isoprényl (Fig 1.17).

Figure 1.17: Formule semi-développée de la plastoquinone

Par ailleurs, le produit de la réduction d’une quinone Q, à savoir l’hydroquinone

QH2 est à même d’être oxydé sur différents matériaux d’électrode [75] [76] [77]. Dans ce

contexte, il apparaît comme assez naturel d’envisager l’utilisation de quinones exogènes comme structures pour médier le transfert d’électrons.

Figure 1.18: Schéma montrant le couple oxydant réducteur 1,4-benzoquinone/1,4-hydroquinone et la demi-réaction correspondante

La capacité de la para-benzoquinone à passer les membranes biologiques a été mise

en évidence dès les années trente par Warburg et coll [78]. Des dizaines d’années plus

tard, d’autres dérivés des quinones ont été identifiés en tant qu’accepteurs du PSII sui-vant des critères de solubilité, de dérivation électronique et d’aptitude à pénétrer les

membranes. Les quinones acceptrices du PSII dans le cadre du transport électronique chloroplastique (ainsi que d’autres structures à même d’interagir avec différents sites de la chaîne photosynthétique) ont été recensées par S.Izawa en 1980. Figurent notamment

la 2,5-dimethylbenzoquinone et la 2,5-dichlorobenzoquinone [48].

La capacité des quinones à pénétrer les membranes biologiques et à interagir ou se

sub-stituer aux plastoquinones [79] [80] [81], leurs propriétés électrochimiques intéressantes en

tant que systèmes quasi-réversibles en font des molécules de choix comme médiateurs dans le domaine biophotovoltaïque. Comme vu précédemment, elles sont souvent utilisées comme médiateurs sur des systèmes biologiques exoélectrogènes pour améliorer la com-munication entre les chaînes de transport d’électrons et les électrodes.

Travailler avec un système entier en suspension comme Chlamydomonas reihardtii où la chaîne photosynthétique est difficile d’accès (car enfouie dans le chloroplaste et séparée de l’extérieur par la paroi cellulaire et plusieurs membranes biologiques : membrane cellulaire, enveloppe chloroplastique et membrane thylakoïde) nous oblige à passer par un médiateur. La famille des quinones étant capable de pénétrer la cellule, elle permet d’envisager des études électrochimiques sur notre système. Dès lors que les objectifs de la dérivation qui imposent une extraction en sortie du PSII limitent la liste des candidats potentiels, les quinones exogènes apparaissent comme un choix logique et ont fait l’objet d’une première série de travaux au laboratoire dans le cadre de la thèse de Guillaume Longatte (2012-15). Notons que si l’efficacité de la dérivation électronique peut être mesurée directement par le photocourant faradique, d’autres techniques spectroscopiques plus élaborées existent et permettent de donner plus d’informations sur l’interaction entre les quinones et la chaîne photosynthétiques et d’établir des analyses comparatives entre les quinones. Elles seront explicitées plus tard dans le cadre de ces travaux.