1.3 La question de la photoinhibition
1.3.1 La structure fonctionnelle du Photosystème II
Le PSII est le premier complexe enzymatique à intervenir dans les réactions de la photosynthèse dépendantes de la lumière. Il s’agit d’une oxydoréductase qui catalyse la réaction :
Figure 1.13: Représentation schématique du PSII dans les plantes supérieures mon-trant les polypeptides majeurs et les cofacteurs impliqués dans la photochimie du PSII. La partie centrale montre l’hétérodimère D1/D2 avec les composants redox liés. ; CP : Chlorophyll protein ; OEC : Oxygen Evolving Complex [66].
Le complexe PSII est composé de 20 chaînes polypeptidiques différentes, la majeure partie de structures trans-membranaires et alpha hélicoïdales. Parmi ces chaînes, les sous-unités PsbA (D1) et PsbD (D2) chacune avec 5 hélices transmembranaires forment un hétérodimère qui accueille l’architecture du centre réactionnel ainsi que la majeure partie des cofacteurs redox actifs organisés dans les deux branches presque symétriques. On y retrouve les deux chlorophylles principales a (Chl a), PD1 et PD2, les deux chlorophylles accessoires Chla, ChlD1 et ChlD2 et les deux chlorophylles périphériques Chla, ChlzD1 et
ChlzD2, mais aussi deux phéophytines a, PheoD1 et PheoD2 et deux plastoquinones, QA
et QB (Fig 1.13). La plastoquinone QA n’est ni protonable ni échangeable et fonctionne
comme un récepteur monoélectronique. La plastoquinone, une fois doublement réduite et
protonnée dans la poche QB (dont elle prend parfois, par abus de langage, le nom), quitte
alors la poche et est remplacée par une nouvelle plastoquinone (oxydée) du pool ou un accepteur d’électrons exogène (herbicide, quinone exogène...). La vitesse de ce remplace-ment est fonction de l’état rédox du pool (donc de l’efficacité à écouler les électrons de l’aval de la chaîne par rapport à l’amont de celle ci) et de la concentration en éventuels accepteurs exogènes, ainsi que de leurs propriétés physico-chimiques concernées.
L’évènement premier qui intervient au sein du PSII est la capture de la lumière par les antennes collectrices (Light Harvesting complex ou LHC) du photosystème. Cette énergie
est acheminée à un complexe chlorophylle-protéique appelé centre réactionnel ou chloro-phylle spécialisée P680 par transfert d’énergie de résonance de type Forster.
L’énergie transmise au donneur primaire P680, permet à un électron excité de pas-ser à l’accepteur primaire d’électrons, la phéophytine (Pheo). Cette séparation de charge
primaire est stabilisée par un transfert électronique rapide à une plastoquinone QA
don-nant lieu à la formation d’une paire P680+− Q−.A selon la séquence réactionnelle décrite
ci-dessous.
P680−Pheo−QA −−→ Phν 680∗−Pheo−QA (1.2)
P680∗−Pheo−QA−−→ P680+·−Pheo·−−QA (1.3)
P680+·−Pheo−·−QA−−→ P680+·−Pheo−QA−· (1.4)
Lors d’une deuxième réaction, l’électron est transféré à la seconde plastoquinone
ac-ceptrice PQ venue s’insérer dans la poche QB. Le centre réactionnel oxydé P680+ est un
oxydant exceptionnellement fort capable d’extraire les électrons de l’eau. Cela a lieu via
un résidu Tyrz et un cluster de 4 atomes de manganèse. En effet, durant l’oxydation de
l’eau, le cluster de manganèse cycle entre 5 différents états redox [67]. Après une nouvelle
séparation de charge photoinduite, PQ•− reçoit un nouvel électron suivi par une
proto-nation conduisant à la formation du plastoquinol PQH2. La plastoquinone réduite est
déplacée depuis le centre réactionnel au pool de plastoquinones de la membrane
thyla-koïde impliqué dans la suite des réactions redox avec le cytochrome b6f et le reste de la
chaîne photosynthétique.
4 P680+·−Pheo−QA−·+ 2 H2O−−−→ 4 POEC 680−Pheo−QA−·+ O2+ 4 H+ (1.5)
P680−Pheo−QA−·−QB −−→ P680−Pheo−QA−QB−· (1.6)
P680−Pheo−QA−QB−·−−→ Phν 680−Pheo−QA−·−QB−· (1.7)
P680−Pheo−QA−·−QB−· −−→ P680−Pheo−QA−QB+ PQH2 (1.8)
Au moins deux mécanismes différents rendent compte du phénomène de photoinhibi-tion en milieu anaérobie et à froid où il est possible d’isoler les intermédiaires réacphotoinhibi-tionnels : le premier à travers l’inhibition du site accepteur du PSII et le deuxième à travers
l’inhi-bition du site donneur.
L’inhibition par le site accepteur
Initialement la forte illumination conduit à une surréduction du pool de
plastoqui-nones dans la membrane du PSII ce qui laisse probablement le site QB non opératif dû
au manque de plastoquinones oxydées disponibles. Cela conduit à la stabilisation de la
quinone primaire une fois réduite Q−A dont le temps de vie augmente jusqu’à 30 s comparé
à quelques centaines de ms en présence d’un pool de plastoquinone oxydées, capables d’accepter les électrons dans les conditions expérimentales. Cet intermédiaire instable se
transforme en semi-stable suite à la protonation de Q−A en QAH. La troisième phase
cor-respond à un état stable atteint lors de la deuxième réduction de Q−A en Q2−A . Enfin les
centres réactionnels relarguent la quinone doublement réduite Q2−A et la photoinactivation
prend place d’une manière irréversible. Ce mécanisme a été postulé grâce à l’observation sur des échantillons d’une décroissance de la fluorescence et aux données de la résonance
paramagnétique nucléaire sensible à l’état d’oxydation de la quinone QA [67].
En milieu aérobie, l’état triplet de la chlorophylle excitée, plus fréquent lors d’une inactivation de la chaîne de transport du côté accepteur, peut réagir avec les molécules d’oxygène pour former des espèces réactives de l’oxygène impliquées dans les dommages infligés à la protéine D1. Une fois la protéine D1 endommagée, la photoréparation est déclenchée et la protéine remplacée avec une certaine cinétique.
L’ inhibition par le site donneur
L’inhibition par le site donneur se produit lorsque la cinétique de photooxydation du P680 excède la cinétique maximale de fonctionnement du site donneur. Il s’ensuit
l’ac-cumulation de radicaux P680+ et Tyr+
z très oxydants et aux temps de vie anormalement
élevés, capables d’oxyder les pigments et composants redox environnants [68]. Une
déte-rioration du transport électronique entre le cluster de manganèse et le P680 est observée avec la décroissance du taux de transfert électronique entre la tyrosine et le P680 suivie
de la perte de l’unité Tyr+
lieu sous faible lumière.
Même si ces deux mécanismes de photoinhibition sont différents (et résumés dans la
Fig 1.14), ils induisent finalement tous les deux des dommages ciblés dans
l’environne-ment immédiat du P680.
Figure 1.14: Schéma des mécanismes postulés pour la photoinhibition lors des inacti-vations par site accepteur ou donneur [67].