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L’une des particularités de l’effet apoptotique du MEHP sur les cellules germinales est son caractère spécifique au testicule. En effet, dans l’ovaire, le MEHP n’induit pas l’apoptose des gonocytes fœtaux chez l’humain (Muczynski et al., 2012b), ni chez la souris (données non publiées). Partant de ce constat, nous avons dirigé nos recherches sur les évènements cellulaires spécifiques de la gonade mâle par rapport à la gonade femelle et sur les gènes différentiellement exprimés entre le mâle et la femelle à 12,5 jpc. Il est bien connu que dans l’ovaire, les cellules germinales entrent en méiose pendant la vie foetale sous l’effet de l’acide rétinoïque (Koubova et al., 2006). En revanche, le testicule exprime des « répresseurs » de méiose comme Cyp26b1, qui dégrade l’acide rétinoïque (Koubova et al., 2006, MacLean et al., 2007) et Nanos2, qui inhibe l’action de l’acide rétinoïque (Suzuki and Saga, 2008). Ces facteurs empêchent donc l’entrée des gonocytes en méiose qui entrent alors en quiescence. D’autre part, plusieurs études ont montré que des testicules fœtaux cultivés en présence d’acide rétinoïque expriment certains gènes de méiose comme Stra8 et

(Koubova et al., 2006, Trautmann et al., 2008, Zhou et al., 2008a). On observe également l’expression anormale de gènes de méiose dans des testicules fœtaux (13,5 jpc) de souris invalidées pour Cyp26b1 (MacLean et al., 2007) ou Nanos2 (Suzuki and Saga, 2008). Dans tous ces cas les gonocytes meurent par apoptose, comme dans le cas d’une exposition au MEHP. Ces observations nous ont amené à émettre l’hypothèse selon laquelle le MEHP pourrait exercer son effet apoptotique en induisant une méiose erronée dans le testicule par interaction avec la voie de l’acide rétinoïque. Ainsi, l’augmentation de Stra8 nous a tout d’abord conduit à l’étude des récepteurs spécifiques de l’acide rétinoïque, les RARs. Toutefois, des travaux préliminaires ayant été réalisés au laboratoire sur des souris invalidées pour le récepteur RARα montrent que les effets du MEHP n’impliquent pas le récepteur RARα (données non publiées).

Nous avons mis en évidence une augmentation du niveau d’expression du gène Stra8 dans le testicule fœtal de souris de 12,5 jpc cultivé en présence de MEHP. Stra8 est considéré comme le gène initiateur de la méiose dans les cellules germinales. En effet, les facteurs déclenchant le processus méiotique ne sont pas parfaitement connus, cependant, de nombreuses données indiquent que le gène Stra8, sous l’influence de la sécrétion d’acide rétinoïque serait l’un des facteurs indispensables à l’initiation de la méiose. Ce processus, qui permet le développement des cellules germinales en gamètes fonctionnelles débute pendant la vie fœtale chez la femelle et à la puberté chez le mâle. L’augmentation de l’expression du gène Stra8 chez le mâle en période fœtale, due au MEHP, nous a amenés à analyser l’état de développement des cellules germinales après traitement.

Pour cela, nous avons cherché à contourner l’effet apoptotique du MEHP, afin de pouvoir étudier le développement des cellules germinales après plusieurs jours de traitement. Les données bibliographiques nous ont dirigés vers la voie intrinsèque de l’apoptose et la protéine Bax (Wang et al., 2012, Yokoyama et al., 2003). Nous avons donc étudié l’effet du MEHP sur le développement du testicule fœtal de souris invalidées pour le gène Bax. Après 72 h de traitement au MEHP, les cellules germinales de testicules fœtaux Bax -/- survivent, contrairement aux cellules germinales des souris sauvages, ce qui met en évidence l’implication de la voie d’apoptose intrinsèque. Ces résultats nous ont donc permis d’une part d’apporter de nouveaux éléments quant à la voie de signalisation de l’apoptose impliquée dans les effets du MEHP, et d’autre part, ce modèle nous a permis par la suite d’étudier la progression des cellules germinales après 72 h de traitement au MEHP.

Notre première investigation s’est concentrée sur le déclenchement de la méiose dans les cellules germinales fœtales. En utilisant un marqueur spécifique des cassures doubles-brin apparaissant en début de division méiotique, nous avons recherché les gonocytes entrées

en méiose en réponse à l’augmentation de Stra8. Cependant, aucune cellule germinale fœtale n’est entrée en méiose après traitement au MEHP, malgré l’augmentation de l’expression de Stra8. Ce résultat suggère que soit Stra8 n’est pas le seul facteur permettant l’entrée en méiose, soit il existe d’autres facteurs capables d’inhiber l’entrée en méiose dans le testicule fœtal. Des études ont montré qu’effectivement, Stra8 nécessite la présence d’autres gènes tels que Dazl afin d’initier la méiose dans le testicule (Lin et al., 2008b). D’autre part, la notion de facteur inhibiteur de méiose sécrété par le testicule fœtal a également été démontrée (Trautmann et al., 2008).

Stra8 ne semble donc pas impliqué uniquement dans les processus méiotiques et leur initiation. Le rôle de cette protéine est très peu décrit dans la littérature, néanmoins, une étude récente a mis en évidence son implication dans la susceptibilité au cancer (Heaney et al., 2012). En effet, dans une lignée de souris invalidées pour le gène Stra8, le pourcentage de souris atteintes de tératomes testiculaires est réduit par rapport aux souris sauvages. Dans cette même étude, l’état de différenciation des cellules germinales a été observé, et l’expression élevée de gènes de pluripotence est corrélée à une plus forte susceptibilité à la formation de tératomes. Ceci nous a amenés à étudier également l’état de différenciation des cellules germinales après traitement au MEHP. Cependant, l’expression de SSEA-1, marqueur de pluripotence des gonocytes n’est pas modifiée par le traitement au MEHP. Afin de conclure quant aux causes de l’induction de l’apoptose dans les cellules germinales et le rôle de la surexpression de Stra8 dans ces cellules, de nouvelles études doivent être menées. Notamment il serait intéressant d’étudier l’expression d’autres marqueurs de pluripotence et de différenciation dont l’expression a pu être modifiée par le MEHP.