• Aucun résultat trouvé

III.D.1.1. Etudes expérimentales chez l’animal

Chez l’animal, des dizaines d’études expérimentales ont été réalisées afin de déterminer la toxicité du BPA sur les fonctions de reproduction masculine (Expertise collective de l’INSERM : BPA, Effets sur la reproduction). Les résultats sont contradictoires en fonction des modèles étudiés.

a. Exposition en période gestationnelle et postnatale

De nombreuses études sont référencées concernant l’exposition au BPA en période fœtale. Pour la plupart, l’exposition est poursuivie pendant la période de lactation. Les principaux paramètres étudiés sont les taux de sécrétions hormonales à l’âge adulte et la qualité de la production spermatique. Certaines études retrouvent des effets délétères, d’autres non. Chez le rat, Salian et al. ont effectué une étude sur des rats Holtzmann exposés au BPA de 12 jpc à 21 jpp à 1,2 et 2,4 µg/kg/jour. Les mâles F1 sont observés, puis accouplés à 75 jpp et les générations F2 et F3 sont également étudiées. On observe dans la génération F1 une augmentation des pertes post-implantatoires, une diminution de la taille des portées, du nombre et de la mobilité des spermatozoïdes. Les taux d’hormone à l’âge adulte sont également diminués (FSH, LH, testostérone, œstradiol). On observe également une diminution de l’expression d’ERβ et du récepteur des androgènes, dans les 3 générations. Ces effets persistants sur plusieurs générations suggèrent une action du BPA sur la reprogrammation épigénétique des cellules germinales (Salian et al., 2009b).

Dans plusieurs études réalisées chez le rat, la distance ano-génitale (AGD), marqueur de masculinisation a été mesurée après traitement au BPA à différentes doses. Une étude démontre une réduction de l’AGD après administration de 250 µg/kg/jour de BPA (Murray et al., 2007) alors que deux autres études indépendantes ne montrent aucun effet sur l’AGD aux doses de 4 000-40 000 µg/kg/jour et 1-50 000 µg/kg/jour respectivement (Kobayashi et al., 2002, Tyl et al., 2002).

A contrario, Howdeshell et al. démontrent une absence d’effet de l’exposition au BPA en période fœtale à des doses de 2 à 200 µg/kg/jour chez des rats Long-Evans. Dans cette étude, le BPA n’influe pas sur les niveaux d’hormones, ni sur la production spermatique (Howdeshell et al., 2008). De même, une étude précédente réalisée par Tinwell et al. sur des rats Wistar et sur des Sprague-Dawley ne montre aucun effet du BPA aux doses de 20 et 100 µg/jg/jour, sur la fonction de reproduction mâle (Tinwell et al., 2002).

De façon étonnante, une étude de Watanabe et al. démontre des effets encore différents. Chez des rats Sprague-Dawley exposés à de fortes doses de BPA (4 à 400 mg/kg/jour) de 6 jpc à 20 jpp, une augmentation significative du taux de testostérone est observée (Watanabe et al., 2003).

Dans une étude réalisée sur des souris CD-1, le BPA n’est pas administré par gavage, mais de façon chronique par des implants sous-cutanés contenant 100 ou 5 000 µg de BPA, pendant les périodes de gestation et lactation. Les souris sont sacrifiées à 28 jpp. Le poids des organes reproducteurs n’est pas modifié par le traitement. En revanche, on observe une diminution du pourcentage de tubes séminifères contenant des spermatides matures (Okada and Kai, 2008).

Espèce Doses Période d’exposition Effets Références Rat Long Evans 2-20-200 µg/kg/jour 7jpc à 18 jpp

Aucun effet sur le poids des organes du système reproducteur ni sur la réserve spermatique Howdeshell et al., 2008 Rat Holtzmann 1,2 et 2,4 µg/kg/jour 12jpc à 21jpp

↓Taille des portées

↑ des pertes post- implantatoires

et du délai d’accouplement ↓nombre et mobilité des spermatozoïdes ↑ poids corporel F2 et F3 ↓ expression d’ERβ testiculaire ↓ expression d’AR testiculaire en F1 Salian et al., 2009 Rat Sprague- Dawley 4-40-400 mg/kg/jour 6jpc à 20jpp ↑taux de testostérone à 9

semaines Watanabe et al., 2003

Rat Sprague- Dawley

20-100-50000

µg/kg/jour 6jpc à 21jpp

↓ réserve spermatique (à 50

mg/kg/jour uniquement) Tinwell et al., 2002

Rat 4 000 à 40 000 µg/kg/jour

gestation et lactation

Aucun effet sur la distance

ano-génitale Kobayashi et al., 2002

Rat Sprague- Dawley 1 à 50 000 µg/kg/jour gestation et lactation

Aucun effet sur la distance

ano-génitale Tyl et al., 2002

Souris CD-1 100 à 5 000 µg gestation et lactation

↓ tubes séminifères contenant des spermatides matures Okada et Kai, 2008 Rat Holtzmann 100 à 1600 µg/kg/jour 1 à 5 jpp ↓ réserve spermatique épididymaire ↓ mobilité des spermatozoïdes ↓ expression de connexine 43 Salian et al., 2009 Rat Sprague- Dawley 2 à 9700 µg/kg/jour 1 à 9 jpp

Aucun effet sur la

reproduction (hormones et gènes testiculaires)

Kato et al., 2006

Tableau 5 : Effets du BPA sur le testicule de rongeur après traitement en période fœtale et/ou postnatale.

Le BPA est administré par gavage ou implants pendant différentes périodes de la gestation et les effets sont observés à la naissance et à l’âge adulte.

b. Exposition néonatale

Une autre étude a été réalisée par Salian et al. en 2009 sur des rats Holtzmann traités pendant 5 jours à partir de la naissance à des doses de BPA variant de 100 à 1600 µg/kg/jour, puis observés à l’âge adulte. Une diminution de la réserve spermatique épididymaire ainsi que de la mobilité des spermatozoïdes est observée. Une diminution de la taille des portées est également observée. Cette étude démontre aussi des effets sur les cellules somatiques ; le BPA diminuerait le taux d’expression de la protéine d’adhésion cellulaire, la connexine 43, dans les cellules de Sertoli (Salian et al., 2009a).

Auparavant, dans une étude de Kato et al., des rats Sprague-Dawley avaient été traités de la naissance à 9 jpp à des doses de 2 et 9 700 µg/kg/jour. Il n’est rapporté aucun effet du BPA sur la fonction de reproduction, ni au niveau hormonal, ni sur l’expression de gènes testiculaires (Kato et al., 2006).

Les résultats des différentes études étant largement contradictoires, il est difficile de tirer une conclusion quant à la toxicité du BPA sur la fonction de reproduction chez le mâle, et impossible de tenter d’extrapoler ces résultats à de potentiels effets sur l’espèce humaine. Cependant, des études épidémiologiques, le plus souvent chez l’adulte, ont été réalisées afin de tenter de mettre en évidence des relations entre les taux d’exposition au BPA et l’apparition d’anomalies de la fonction de reproduction.

III.D.1.2. Etudes épidémiologiques

Les études épidémiologiques comportent elles aussi différents biais, le plus important étant la contamination chronique au BPA et son élimination rapide. Il est difficile d’établir des liens directs entre le relevé d’un taux de BPA à un moment donné et une anomalie particulière. Plusieurs études ont néanmoins réussi à corréler statistiquement l’exposition au BPA et des troubles de la fonction sexuelle.

Une étude de Li et al. a été réalisée parmi des hommes étant professionnellement exposés au BPA au quotidien. Les taux de BPA ont été relevés dans l’urine, puis les éventuels troubles de la fonction sexuelle ont été estimés par des réponses à un questionnaire (Li et al., 2011). Les auteurs concluent qu’un lien entre l’exposition au BPA et une augmentation des troubles de la fonction sexuelle existe, cependant, cette conclusion ne reste qu’une

hypothèse étant donné le mode opératoire utilisé, les réponses à un questionnaire laissant forcément place à une part de subjectivité.

De même, Mendiola et al. observent dans une population d’hommes sains une diminution de la quantité de testostérone libre liée à l’augmentation du taux de BPA urinaire (Mendiola et al., 2010).

A l’inverse, d’après l’étude sur la cohorte InCHIANTI (adultes sains), le taux de testostérone sérique augmenterait avec le taux de BPA urinaire (Galloway et al., 2010).

Afin de mettre en évidence des effets d’une exposition au BPA en période fœtale, deux études ont mis en relation des critères de masculinisation observables à la naissance et l’exposition préalable au BPA :

En Chine, les taux de BPA ont été relevés dans une cohorte de parents, puis l’AGD de leurs nouveau-nés a été mesurée. D’après cette étude, l’AGD serait plus faible chez les enfants dont les parents ont été plus exposés au BPA (Miao et al., 2011). En revanche, dans une autre étude récente, Fénichel et al. ont mesuré au sein d’une cohorte, les taux de BPA dans le sang de cordon ombilical puis ont étudié l’apparition de cas de cryptorchidie. Aucun lien n’a été établi entre le taux de BPA et l’incidence de cette pathologie (Fenichel et al., 2012).

III.D.1.3. Effets du BPA sur d’autres organes impliqués

dans la fonction de reproduction masculine

a. BPA et cancer de la prostate

Dans la majorité des pays occidentaux, le cancer de la prostate est le cancer ayant la plus grande incidence chez l’homme. Plusieurs études ont démontré l’influence de composés œstrogéniques comme l’ethynil-œstradiol ou le diéthylstilbestrol sur la taille de la prostate chez les rongeurs.

La première étude s’intéressant aux effets du BPA sur la prostate a été publiée en 1997. Les auteurs indiquent qu’après administration orale de 2 et 20 mg/kg/jour in utero, le BPA induit dans des souris CF-1, une augmentation de la taille de la prostate à l’âge adulte (Nagel et al., 1997).

Par la suite, aucun effet du BPA n’a été retrouvé dans les études transgénérationnelles effectuées sur le poids de la prostate de rats Sprague-Dawley et souris CD-1 (Tyl et al., 2008, Tyl et al., 2002). En revanche, un traitement au BPA de souris BALB/c en période

fœtale de 13 à 18 jpc entraine l’augmentation de l’expression de la cytokératine 10, protéine associée à l’apparition de néoplasie de l’épithélium prostatique (Ogura et al., 2007).

Dans une autre étude, un traitement en période néonatale de rats Sprague-Dawley induit la modification du niveau d’expression d’une trentaine de gènes, dont la phosphodiéstérase 4D, impliquée dans les phénomènes de méthylation. Le maintien de son expression est susceptible de modifier la mémoire épigénétique de la prostate (Ho et al., 2006). D’après la même équipe, un traitement néonatal au BPA, suivi d’injections d’œstradiol ou de testostérone à l’âge adulte entraine l’apparition de lésion précancéreuses prostatiques (Leav et al., 1988). Ceci suggère l’implication du BPA dans la programmation du développement de la prostate pouvant mener à des cancers en cas de dérèglement hormonal à l’âge adulte.