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III.A. Généralités

Synthétisé en 1891 par le chimiste russe A.P. Dianin, le bisphénol A (BPA, 4,4-dihydroxy- 2,2-diphénylpropane) fut d’abord utilisé comme œstrogène de synthèse. La molécule de BPA contient deux groupements phénols et appartient à la famille des diphénylalcalanes hydroxylés ou bisphénols. Le BPA est produit par une réaction de condensation de l’acétone avec deux phénols, réaction catalysée par l’acide chlorhydrique ou une résine de polystyrène.

Figure 15 : Formation du BPA

Le BPA est formé par la condensation de l’acétone avec 2 groupements phénols, en milieu acide.

Depuis le début des années 60, le BPA est grandement utilisé dans l’industrie du plastique. En 2006, sa production annuelle dans le monde s’élevait à plus de 3,5 millions de tonnes. Il est utilisé sous forme de polymère dans la production industrielle de polycarbonates de plastiques (71%), de résines époxy (21%), et comme antioxydant ou inhibiteur de polymérisation dans certains plastifiants et dans les PVC (7%).

Les polycarbonates sont utilisés dans la fabrication de nombreux objets de la vie courante (CD, lunettes, amalgames dentaires, bouteilles en plastiques et autres contenants alimentaires). On retrouve les résines époxy dans les revêtements internes de certaines boites de conserves et canettes. Le BPA est également utilisé dans le papier thermique constituant certains tickets de caisse (Biedermann et al., 2010) (Fig. 16).

Le BPA est lié de façon non covalente dans ces polymères de plastiques, et peut s’en extraire naturellement en faible quantité, et à des doses plus importantes lorsque le plastique est exposé à une haute température ou en présence de détergents puissants. De plus la libération de molécules semble plus importante lors d’utilisations multiples du contenant. Les utilisateurs de contenants alimentaires à base de BPA sont donc susceptibles d’en ingérer

Cependant, étant présent dans de nombreux produits ainsi que dans les poussières domestiques (Loganathan and Kannan, 2011), le BPA pénètre également dans l’organisme par voie dermique et par inhalation. D’après, une étude réalisée sur une cohorte du National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) des traces de BPA sont détectées dans l’urine de plus de 93% de la population américaine (Calafat et al., 2008).

Figure 16 : Potentielles sources d’exposition au BPA

Le BPA est un plastifiant retrouvé dans de nombreux produits de consommation courante (bouteille plastique, intérieur des boites de conserve, poche de perfusion etc…)

Le BPA fait l’objet de nombreux débats quant à sa toxicité pour l’Homme. En effet, la molécule a été synthétisée et étudiée au début du XXème siècle en tant qu’œstrogèno- mimétique. Comme le diethylstilbestrol (DES), autre molécule de synthèse, le BPA partage certaines propriétés de l’œstradiol (E2), principal œstrogène synthétisé chez l’Homme. Or, le DES, utilisé comme médicament jusqu’au milieu des années 70 s’est avéré extrêmement nocif. De part ses propriétés œstrogéniques, le DES entraine des dérèglements hormonaux et les anomalies génitales précédemment décrites (Toppari et al., 1996, Delbes et al., 2006).

Figure 17 : Formule semi-développée de la structure générale du bisphénol A, de l’œstradiol et du diéthylstilbestrol

Aujourd’hui, le BPA, fait l’objet de nombreuses études expérimentales et épidémiologiques afin de définir de façon précise son degré de toxicité. Plusieurs études réalisées chez les rongeurs font état d’effets toxiques du BPA à forte dose sur différents organes comme le foie, la prostate, les seins, et particulièrement sur la fonction de reproduction (Expertise collective de l’INSERM : BPA, Effets sur la reproduction, 2011). Ceci a amené les agences de sécurité sanitaire à définir une dose sans effet toxique observable (NOAEL, no observable adverse effect level) de 5 000 µg/kg/jour et une dose journalière admissible (DJA) de 50 µg/kg/jour (Expertise collective de l’ANSES : Effets sanitaires du BPA). A partir des ces données, des décisions gouvernementales ont été prises quant à l’interdiction de l’utilisation du BPA dans la fabrication de contenants alimentaires. Le Canada fut le premiers pays à voter l’interdiction du BPA dans les biberons, en octobre 2008. La France interdit la commercialisation de biberons contenant du BPA en juin 2010 dans la Loi Grenelle 2, suivie par l’Union Européenne en novembre 2010, qui en interdit la fabrication, la vente et l’importation depuis juin 2011. La France tente d’aller plus loin, en votant récemment un projet de loi menant à la suspension de la fabrication et commercialisation des emballages de produits contenant du BPA destinés aux enfants de moins de 3 ans, dès 2013, et à partir de 2015, cette suspension viserait également la fabrication et la commercialisation de tout conditionnement en contact avec des aliments. Ce projet de loi fait actuellement l’objet de discussions au Sénat, et de nombreux débats avec les industriels, contraints de trouver rapidement des substituts.

Le principe de précaution est appliqué, néanmoins la toxicité réelle du BPA fait encore l’objet de nombreuses questions, car les études expérimentales réalisées sur les rongeurs sont parfois contradictoires, et ne permettent pas d’extrapoler sur une éventuelle toxicité pour l’Homme. De plus, la plupart des études sont réalisées en utilisant de fortes concentrations de BPA, mais d’autres mettent en évidence des effets différents, à faible concentration. Plusieurs études épidémiologiques tentent d’établir des liens entre l’exposition au BPA et l’apparition de certaines pathologies. Cependant, il est difficile d’établir des liens de cause à

BPA est éliminé de façon rapide par l’organisme, mais sa présence ubiquitaire dans les objets de consommation courante maintient des taux de BPA non négligeables dans l’organisme. Ainsi, on le retrouve dans tous les fluides biologiques (sang, urine, lait maternel…), à des taux qui peuvent être très variables d’un individu à l’autre (Vandenberg et al., 2010).