• Aucun résultat trouvé

vasculaires périphériques : contextes et vécus des patients

4.2. Statuts des patients amputés et vécus entre pairs

4.2.1.Milieu sanitaire institutionnel, autonomie du patient amputé et ordre négocié

Lors de chaque première rencontre avec un patient nouvellement amputé tibial et/ou fémoral admis dans l’unité, j’ai pris l’habitude au fur et à mesure du terrain à faire la démarche de me présenter (seul ou accompagné d’un ou plusieurs soignants selon les situations) au patient entrant afin de brièvement lui préciser mon statut d’ethnologue, le pourquoi de ma présence au sein de l’unité et expliciter succinctement ma recherche. Sur l’ensemble des patients rencontrés, je me suis retrouvé face à trois profils de patients en rapport à leurs connaissances des lieux, de son organisation, de son fonctionnement et du personnel soignant.

En premier lieu, je me retrouvais à discuter régulièrement avec des patients amputés, pour la grande majorité amputés vasculaires, qui avaient déjà séjourné à l’unité et côtoyé certains soignants pour y avoir reçu des soins en rapport à leur pathologies ou pour y être venus pour une ou plusieurs périodes de cicatrisation suite à une amputation (orteil(s) et/ou

146 Il est aussi à souligner qu’au-delà de ces catégorisations présentement abordées dans le cadre de cette enquête, d’autres types de catégorisations en lien avec l’amputation peuvent être utilisés par l’équipe pluridisciplinaire telle que la catégorisation au niveau de l’autonomie en vue du port de la prothèse (Catégorie I : faible autonomie, mais force musculaire correcte et bon équilibre ; catégorie II : patient actif, force musculaire normale, recherche autonomie, facilité et sécurité ; catégorie III : patient dynamique en excellente santé, demandeur d’une activité normale).

transmétatarsienne). Pour certains d’entre eux, ils développaient en ce sens une forme de familiarité avec l’unité de rééducation, voire une certaine proximité avec l’équipe soignante et rééducative. Je fus également amené à rencontrer un deuxième profil de patients, amputés traumatiques, à la trajectoire différente de la première. Ces patients avaient déjà en effet fréquenté l’IDR et séjourné au sein de l’unité de rééducation orthopédique et des troubles musculo-squelettiques de l’aile Neptune suite à un accident dans l’espoir d’une guérison et d’une conservation de la jambe (tel le profil d’Étienne, évoqué précédemment) ; cependant suite à la décision d’amputation, puis à un transfert et un séjour dans l’unité médico-chirurgicale orthopédique pour être amputé, ils se retrouvaient à présent basculés dans l’aile Icare de l’unité de rééducation des amputés et des pathologies vasculaires périphériques. Ces patients étaient en partie familiers de l’IDR et, pour certains, connaissaient les médecins et kinésithérapeutes de l’unité pour avoir déjà échangé avec eux, en amont de l’intervention chirurgicale, sur les potentialités et limitations que provoqueraient une possible amputation et le port d’un appareillage. Enfin, je rencontrais un dernier profil de patient, pour la plupart amputés traumatiques et tumoraux, que l’on peut qualifier de « nouveaux patients amputés de l’unité » et qui découvraient ce lieu hospitalier de rééducation pour la première fois après la période post-opératoire en unité médico-chirurgicale suite à l’amputation. Quels que soient leurs profils, l’ensemble de ces patients amputés étaient étiquetés au sens institutionnel et communément désignés par les soignants comme les « patients amputés » de l’unité, ce qui leur donnait un droit à être soignés pour cicatrisation du moignon et accompagnés par l’équipe soignante et rééducative tout au long de leur rééducation jusqu’à leur fin de séjour hospitalier.

La démarche des différents soignants vis-à-vis des patients amputés s’ancre sur des soins médicaux et une rééducation fonctionnelle-psychologique et sociale, mais elle tend aussi à développer le plus tôt possible chez ces patients leur autonomie147 (Winance, 2007b, 2016) et

147 Ici et tout au long de ce travail, le terme « autonomie » sera employé au sens où l’entend Myriam Winance, lorsqu’elle rappelle notamment que « l’autonomie n’est pas une qualité innée : elle n’est pas une disposition

"naturelle" des personnes, mais une qualité acquise à travers un apprentissage et construite en définissant ce que l’on attribue et ce que l’on délègue à d’autres (humains et non humains) […] La personne est qualifiée ou se sent autonome lorsque ces multiples délégations associations, relations s’effacent, passent à l’arrière-plan, la soutiennent en étant devenues ou rendues invisibles, imperceptibles, négligeables et négligées, et que l’action ou la décision sont alors attribuées à la personne, autrement dit lorsque s’opère un processus de séparation entre la personne et ce dont elle dépend » (2007 : 90). Dans ce sens, l’autonomie, telle qu’elle est entendue ici et le sera par la suite, n’entre plus dans une relation d’opposition avec la « dépendance ». En effet, comme l’écrit Myriam Winance (2016 : 12) : « tout sujet autonome a également été et est par moment toujours, un sujet dépendant, engagé dans des relations affectives. Il ne s’agit donc pas, dans cette optique, d’opposer "autonomie" et "dépendance", mais de montrer que les relations de soin et de dépendance sous-tendent l’autonomie ».

leurs capacités à l’observance (Reach, 2007). L’ensemble de l’équipe de l’unité (médecins, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, infirmières, orthoprothésistes) cherche activement une autonomisation et responsabilisation du patient dans l’optique de son rétablissement. Dès le début du séjour, il est mis en place, vis-à-vis du patient par l’équipe soignante et rééducative, une démarche de développement d’une « autogestion » et d’un « autocontrôle » (Manderson et Warren, 2010).

Le statut et vécu spécifiques des patients amputés au sein de l’unité se situent particulièrement dans un équilibre précaire, entre le fait d’être soigné et encadré par des professionnels du milieu hospitalier protégé et le développement du statut de patient comme acteur premier de sa rééducation. Le premier versant de cette dualité renvoie au fonctionnement solidement institutionnalisé de l’unité hospitalière. Les patients sont suivis médicalement et entourés par les différents professionnels de l’unité (par exemples : suivi du moignon et de sa cicatrisation, gestion des médicaments et des piluliers, etc.) qui peuvent intervenir à tout moment si les patients le leur demandent (exemple : la possibilité d’appel des infirmiers et aides-soignants en chambre avec la sonnette). Cette sécurité et le sentiment qui en découle se retrouvent à de nombreuses reprises dans les propos des patients :

Robert : « Dans le service, je me sens sécurisé » (90 ans, amputé fémoral, vasculaire).

Geneviève : « Ici, il n’y a pas de danger, il y a toujours quelqu’un qui vient à votre secours » (88 ans, amputée fémorale, vasculaire).

Patrick : « Là, on peut dire que l’on est dans un cocon, on est protégé. Tu vois, j’avais le moignon, ils (les kinésithérapeutes) le trouvaient froid, tout de suite, le docteur est arrivé [...] Mais quand tu regardes bien, que ce soit infirmiers ou tout, t’es vraiment… s’il y a un problème, clac, on te demande tout de suite ton dernier bilan » (55 ans, amputé tibial, vasculaire).

Au-delà de cet aspect protecteur que symbolise l’utilisation du terme « cocon », le poids prégnant de l’institution hospitalière se retrouve également dans le rapport hiérarchique propre au fonctionnement institutionnel et au suivi régulier et encadrement des activités du patient.

Quelques exemples :

Guillaume : « Le toubib, assez sec, mais c’est pour nous remonter les bretelles [...] Mais elle a raison, c’est surtout lorsqu’on on va parler cigarette, mais sinon non, ce sont des médecins que je respecte énormément » (47 ans, amputé tibial, vasculaire).

Éric : « T’as l’impression que t’es en liberté en gros, en fait, c’est… euh, c’est euh, comment c’est : "une main de fer dans un gant de velours" (rire), c’est un peu ça quoi. T’as l’impression que tu pourrais partir comme ça parce que tu demandes des permissions, on te les autorise, enfin ça dépend comment… On veut savoir ou t’es, tout ça, mais voilà, tu te sens quand même relativement libre. T’es en internat, mais voilà, même les exercices, [...] t’as l’impression que tu peux les enchaîner comme tu veux. Mais si ça fait plusieurs fois que tu n’es pas allé faire tes exercices à la kiné ou que tu ne vas pas à la kiné ou à l’ergo, tu sens que l’information circule super vite » (34 ans, amputé fémoral, traumatique).

Ce dernier propos, tel l’usage de l’expression « une main de fer dans un gant de velours », démontre le double aspect du statut du patient qui se révèle ambivalent. Du premier versant propre au contrôle institutionnel sur la santé et le quotidien du patient par l’équipe soignante et rééducative, il est nécessaire, dans une compréhension de la découverte et de l’apprentissage du corps amputé et prothésé, de souligner également l’importance du statut « d’acteur de sa rééducation » donné aux patients où l’objectif thérapeutique de l’unité est de soigner le corps mais également de rééduquer en accompagnant (plus qu’ « en assistant ») en développant l’autonomie du patient. Différents discours de patients décrivent cette place importante que prend l’injonction à l’autonomisation (Ménoret, 2015) des soignants vis-à-vis des patients amputés afin de développer une autonomie en lien avec différents accompagnements et aides humaines (présence et rôle prépondérant des soignants) et aides non-humaines (fauteuil roulant, prothèses) qui s’effacent au fur et à mesure :

Geneviève : « Ici, ce qu’il y a de bien, on essaie vraiment de vous rendre autonome dans toutes les circonstances » (88 ans, amputée fémorale, vasculaire).

Éric : « Ce que j’ai toujours aimé ici, c’est que, au lieu de freiner un peu mes ardeurs. [...] Ben au contraire, on t’encourageait dans ce sens-là [...]. A chaque fois, on allait de l’avant, il y avait une progression » (34 ans, amputé fémoral, traumatique).

Regarder et apprendre à juger l’état de son pansement, savoir mettre sa bande et son bonnet sur le moignon, savoir demander l’avis d’un soignant de l’unité lorsque cela est nécessaire, construire avec l’aide et l’accord du kiné son programme de rééducation, savoir se déplacer seul, juger son effort et ne pas forcer pour ne pas blesser le moignon avec la prothèse… Par ces différents apprentissages, c’est toute l’approche complexe entre soins-encadrement par l’équipe soignante et rééducative et responsabilisation-autonomisation-apprentissage-observance par sa propre expérience du corps amputé appareillé qui se fait jour. Tout au long de la rééducation, comme l’ont déjà souligné Narelle Warren et Lenore Manderson (2008, 2010), des récits thérapeutiques (Kielhofner et Barrett, 1998 et Mattingly, 1998) sont construits par le patient mais également les soignants à partir du vécu et de la trajectoire du patient en rééducation. Ces récits, qui peuvent se trouver être les mêmes ou avec des nuances, voire des différences, entre le patient et les soignants, s’élaborent et se densifient au fur et à mesure des progressions et étapes franchies dans la rééducation et évaluées à partir de multiples critères souvent quantitatifs tels le nombre de jours ou de semaines qu’il a fallu pour que le moignon cicatrise ou la distance parcourue en mètres et durée en minutes de marche avec la prothèse.

L’ordre négocié148 (Strauss et al., 1963 ; Gardien, 2008) sur lequel repose l’hôpital se retrouve particulièrement exacerbé au sein de l’unité de rééducation en rapport à cet entre-deux, entre d’un côté une unité sanitaire et sociale – constituée d’une équipe pluridisciplinaire qui prodigue des soins et des consignes de rééducation et encadre le patient – avec un règlement, un fonctionnement, des règles à respecter (et des droits149 en tant que patient) et, de l’autre, les patients amputés qui possèdent une certaine marge de manœuvre au niveau de l’autonomie dans la gestion de leur rééducation et du quotidien. Cet équilibre précaire laisse apparaître de nombreuses formes de (re)négociation dans les différentes interactions entre soignants et patients amputés. Chez les soignants, tels les kinésithérapeutes, la négociation peut renvoyer à une demande à ce que le patient amputé accepte de faire tel exercice ou tel effort en rééducation ou de devoir porter (ou enlever) la prothèse sur une certaine durée. Du côté du patient, elle peut s’exprimer par exemple sous forme d’une demande d’un médicament pour calmer une douleur fantôme ou d’une permission de sortie pour un week-end (demande souvent appuyée par la famille et les proches). Cet ordre perpétuellement renégocié est un élément essentiel du vécu au sein de l’unité de rééducation et dans l’apprentissage du corps amputé appareillé.

4.2.2.La prépondérance du vécu entre pairs

Le vécu entre pairs amputés est une caractéristique essentielle du quotidien au sein de l’unité et du travail de rééducation. Tout au long de l’ethnographie, dans mon accompagnement au quotidien des patients amputés, particulièrement lors des temps collectifs au sein du plateau technique, différentes interactions et marques d’attention et/ou d’entraide et d’accompagnement entre pairs ont pu être observées : échanges d’expériences vécues avant/post amputation, accompagnements réciproques à la marche, gestes et mots de soutien et d’encouragement. Cette entraide se révèle être notamment importante lors des moments délicats traversés durant le séjour en rééducation. Une chute qui a pu entrainer une blessure et

148 « L’hôpital repose sur un ordre négocié (Strauss et al., 1963) : l’ordre n’est pas une donnée qui s’imposerait à tous mais le fruit d’un travail collectif permanent, auquel participent aussi bien les professionnels médicaux et paramédicaux que le personnel profane, les patients, leur famille et leurs proches. Chacun essaye de faire valoir ses objectifs et ses intérêts personnels en même temps que s’imposent ceux de l’institution sanitaire. […] Il nous faut donc considérer l’hôpital comme un espace social solidement institutionnalisé, reposant sur un ordre sans cesse renégocié. La persistance ostensible du milieu sanitaire ne suppose pas sa totale immuabilité ».(Gardien, 2008 : 33). Cf. également la sous partie 4.1.3).

149 Voir : La charte du patient hospitalisé du CHU de Grenoble.

http://www.chu-grenoble.fr/public/public_manuscrite.aspx?PAGE_CODE=PATIENT_CHARTE (Site internet visitée le 8 juillet 2019).

l’impossibilité sur une période donnée de porter la prothèse, une réouverture de la cicatrice suite à un effort trop conséquent avec la prothèse, une permission refusée par le médecin pour des raisons de santé, une baisse de moral et un sentiment de solitude en rapport aux traumatismes psychologiques que revêt l’amputation sont autant d’épreuves que rencontrent, à divers degrés, les patients et face auxquelles l’apport des pairs constitue, si ce n’est une solution, tout du moins une aide, une écoute et un accompagnement précieux.

L’entraide entre pairs se structure plus précisément à partir de différents aspects et caractéristiques : la prédominance de l’étiquetage spécifique de « patient amputé»150 ; l’importance du soutien des pairs afin ne pas s’isoler et faire face à l’amputation ; l’apport des pairs pour progresser dans sa rééducation en apprenant des et grâce aux autres patients amputés.

En premier lieu, ce vécu entre pairs se crée et s’exprime en rapport au statut particulier de patient amputé en lien avec une transformation du corps et expérience commune liées à la perte du membre, ainsi que des objectifs de rééducation partagés, autrement dit : cicatriser au niveau du moignon et être appareillé pour retrouver la station debout, remarcher et sortir de l’IDR.

Même s’ils séjournent dans la même unité et que de nombreux échanges et interactions apparaissent entre eux, ce statut de « patient amputé » diffère des autres « patients non-amputés » hospitalisés pour des soins liés à des problèmes de vascularisation. Il se crée un marqueur et un dominateur commun au sein de l’unité qui est celui d’être patient amputé, source de proximité relationnelle et créateur de liens sociaux facilitant de possibles soutiens. Les propos de plusieurs patients illustrent ainsi avec une certaine justesse ce statut partagé :

Patrick : « Ici, on discute, homme, femme, tous rangs sociaux, personne fait la différence, si t’es riche, pauvre, directeur ou pas, on s’en fout complètement d’ailleurs [...] On vit dans un cocon très familial. C’est très positif, ça te tire vers le haut » (55 ans, amputé tibial, vasculaire).

Éric : « Ce que j’ai apprécié [...] c’est qu’on était tous sur la même longueur d’onde, même sur le même piédestal, que, voilà, y’a des différences d’âge, d’argent, de famille, tout ce que tu veux quoi…J’ai trouvé ça vachement intéressant » (34 ans, amputé fémoral, traumatique).

Le nivellement, voire l’effacement, de ces multiples différences d’ordre social, d’âge, de culture autour de ce statut spécifique de patient amputé permettent de développer des stratégies d’aides, de conseils, de soutiens entre pairs et un sentiment d’appartenance commune. Ils génèrent la découverte de points identiques et de différences qui sont discutés ou comparés entre patients amputés (exemples : cicatrisation, longueur du moignon, pathologies, douleurs, types de

150 Cet étiquetage à l’inverse d’autres unités hospitalières ne se voit pas au niveau vestimentaire car les patients peuvent s’habiller s’ils le souhaitent comme dans le milieu civil. Cependant, on peut noter la présence de cet étiquetage par le port d’un bracelet fourni par l’hôpital avec les coordonnées et les principales informations sur le patient.

prothèse) ou d’échange sans tabou sur leurs intimités expérientielles (Gardien, 2017) et leurs possibles inquiétudes. Différents groupes et réseaux informels de relations entre certains patients se créent selon la sociabilité de chacun. La constitution de ces groupes permet aux patients amputés de sortir du caractère isolant lié au traumatisme vécu de l’amputation et les amène à prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls dans cet état corporel. Ils verbalisent divers angoisses et doutes autour de l’amputation, comme par exemple sur la cicatrisation du moignon, l’appréhension de la marche appareillée et leur potentielle incapacité à pouvoir un jour remarcher « correctement » ou sur la future sortie de l’hôpital :

Olivier : « C’est sûr que d’échanger, c’est toujours un plus, voilà. Faut pas rester de son côté, en retrait » (35 ans, amputé tibial, traumatique).

Étienne : « Le fait d’être toujours dans le milieu avec des personnes du même cas que toi, ben, il y a pas de regard, y’a pas de…. Y’en a toujours un, obligé, qui va venir te parler, te remonter le moral, ou n’importe quoi. Puis après tu lies des liens avec des gens [...] Puis après, il y a les kinés, après, il y a l’ambiance…

Puis, ben, c’est bien, c’est même con, mais il y a un matin tu te lèves, tu te dis : "bon, ben allez, c’est pas en se lamentant sur soi que je vais me requinquer" » (33 ans, amputé tibial, traumatique).

Ce vécu entre pairs, avec l’image de l’autre amputé et appareillé, est aussi source de relativité vis-à-vis de ses propres états et potentiels corporels pour certains patients. Il les fait cheminer dans leurs découvertes et l’apprentissage des expériences post-amputation. Ce phénomène de groupe, d’entre soi, peut jouer de surcroît un rôle d’accélérateur motivationnel au cours de la rééducation :

Patrick : « Quand on voit quelqu’un de 85 ans qui est en train de marcher entre les barres, avec une prothèse fémorale, tu te dis que ton petit bobo à la cuisse tu vas peut-être l’oublier [...] ça stimule, on se stimule les uns les autres » (55 ans, amputé tibial, vasculaire).

Éric : « Et, puis, il y a toujours pire que toi, enfin, sans faire, "le malheur des uns réconforte", ce n’est pas ça. C’est que j’ai l’impression que les histoires de chacun, euh, euh (silence), même la pire des pathologies (rire), tu vois, y’a toujours encore un truc au-dessus… [...] On se soutient et on est là pour avancer, pour faire quelque chose de notre vie quoi, on n’est pas foutu pour aller à la poubelle » (34 ans, amputé fémoral, traumatique).

Il est à souligner que les soignants, particulièrement les kinésithérapeutes de l’unité, usent de ce levier rééducatif qu’est l’apport des pairs et s’appuient particulièrement sur des récits ou des scénarios de rééducation entièrement comparés (Mattingly 1994, 1998) entre patients amputés.

Par exemple, ils comparent deux patients avec la même pathologie et niveau d’amputation, dont l’un est entrant et en début de séjour de rééducation et l’autre en fin de séjour, afin de montrer au premier les progrès et résultats escomptés en fin de séjour au niveau de la marche appareillée en s’appuyant sur l’apprentissage et les capacités fonctionnelles retrouvées et développées par le second.

Ces données de terrain et analyses recoupent certains travaux et réflexions en sciences

Ces données de terrain et analyses recoupent certains travaux et réflexions en sciences