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Le statut de la voix chez Saint Augustin est-elle en place d'objet a ?

Quand l'infans expérimente les différentes sensations qui composent sa vie humaine, l’apaisement où pas de ses tentions internes par l'Autre maternelle, le font fluctuer entre un état de plaisir et de déplaisir. Ceci laisse une marque chez ce nouvel être que Freud appelle « Das Ding » et que Lacan reprend sous le nom de « la Chose », qui au départ est indifférenciée de lui.

Lorsque le sujet émerge, cette « Chose » laisse place à un manque, une perte. La jouissance archaïque, la jouissance de la chose est perdue. Le sujet n'a alors de cesse de viser le retour à cette première sensation. Elle est au début de l'existence de l'infans et devient le lieu de création de la vie fantasmatique du à cet Autre primordial, l'instance maternelle indifférenciée en lien à la jouissance mythique et qui par la suite guidera ses relations aux objets du désir. En effet, le désir en quête d'objet pour se satisfaire ne cherche que Das Ding. Tous les autres ne sont que des leurres. Il n'y a pas de représentation de cette trace, elle n'est pas symbolisable. C'est à partir de ce néant que peut se créer le signifiant. Les signifiants tournent autour de la Chose, c'est le centre du désir.

L'objet a est un objet primitif, il est ce réel à jamais perdu, comme le sein maternel ou la voix primordiale à laquelle il a du renoncer afin de s'actualiser comme autre non sourd. Il apparaît dans le fantasme, il est ce que le sujet divisé tente de retrouver par des objets imaginaires. L'objet cause de son désir l'objet a, l'objet du désir du fantasme est hors jouissance, il n'est pas spécularisable. L'objet « a » a été théorisé par Lacan. Il postule l'existence d'un moi idéal qui est une forme d'identification première du moi à certains objets qui seront à jamais perdus par l'enfant. Ce dernier devra y renoncer pour s'inscrire dans le manque et donc dans le désir, notamment par la castration. A. Green nous dit que pour Freud, il y a une série de castration comme le sevrage, le dressage sphinctérien. C'est ces expériences répétées de castrations qui sont signifiantes et structurantes pour

le sujet. En effet, le rapport du sujet à l'Autre se construit en fonction de quatre modalités de perte d'objet : le sein, qui est l'objet de la demande faite à l'Autre, les fèces qui est l'objet de la demande venant de l'Autre, le regard qui est l'objet du désir adresser à l'Autre et la voix qui est l'objet du désir émanant de l'Autre.

L'objet a, nous dit Green, est ce qui de ces expériences va choir de sa position d'exposant au champ de l'Autre pour prendre la place d'objet du désir.

Ainsi, « le désir entre dans l'Autre où il est attendu, de toute éternité sous la forme de l'objet que je suis en tant qu'il m'exile de ma subjectivité en résument tous les signifiants, à quoi cette subjectivité est attachée »335.

Pour mieux comprendre la place qu'occupe cet objet a, nous allons revenir au moment où le nourrisson pousse le premier cri.

Selon Lacan, à cette époque, l'enfant est dans une impuissance originelle. La satisfaction de ses besoins dépend de la volonté de l'Autre. Il faut attendre que cet Autre prenne en compte ce cri, l'entende comme un appel et en y répondant y mette de son désir. Il y a alors, ici, quelque chose qui se détache et qui permet d'articuler la constitution du « a » en lien avec la fonction de l'Autre, le lieu de la chaîne signifiante. Le « a » est donc aliéné comme support du désir de l'Autre. En effet, « l'objet a est le premier support dans le rapport à l'Autre de la subjectivation »336. Il est défaut de la jouissance qui se situe au niveau de l'Autre, une jouissance primordiale à jamais perdue. Il y a donc un manque, « une béance centrale »337 qui sépare au niveau sexuel le désir du lieu de la jouissance. C'est à se trou que ce réfère le « a ».

Le désir du sujet est de retrouver ce lieu de jouissance, mais il ne peut pas l'atteindre, car elle est localisée au niveau de l'Autre.

Chez Saint Augustin la voix de Dieu à un statut particulier. Elle est nourricière, créatrice, vérité et elle promet la vie et la jouissance éternelles. De plus, le religieux nous apprend qu'il est sensible à la musicalité ou qu'il désire entendre la voix de Dieu. En ce sens le mystique tente-t-il de retrouver cette jouissance inscrite dans l'Autre ? La voix de Dieu aurait alors chez le religieux comme statut ce « a », structure de la fonction du désir, ce manque non spéculaire, qui se localise dans la béance qui sépare au niveau sexuel le désir du lieu de la jouissance qui se situe au niveau de l'Autre.

335 André Green, « L'objet (a) de J. Lacan, sa logique et la théorie Freudienne, (convergences et interrogations) »,

http://psychaanalyse.com/pdf/L_OBJET_LACAN.pdf, P.21, 1995.

336 Jacques Lacan, Séminaire X, L'angoisse. Leçon XXV, du 3 juillet 1963.Version électronique AFI. P.406, 1962-1963. 337 Ibid.

L'objet cause du désir de Saint Augustin semble être la voix de Dieu. Entendre cette dernière s'inscrit dans un fantasme de retrouver l'objet total, Das Ding. Il souhaite en retrouvant l'objet a, lieu où la voix de Dieu semble venir prendre place fantasmatiquement, remplir l’absence qui est le lieu de la chose.

Ici, il y tente d'y revenir par l'articulation de la voix. Une voix silencieuse qui s'entend avec l'âme. L'âme de dieu et la sienne seraient alors, dans un état de fusion, il retournerait alors à cet Autre archaïque, à un temps primordial.

Ainsi, au travers de ses réflexions Saint Augustin, fait apparaître le statut de la voix de Dieu ici en place d'objet a. En constituant un point sourd, en renonçant à la pure continuité de la voix, le religieux a pu conquérir la sienne, devenir un être de parole et s'ouvrir à la dimension de l'autre. Il est passé de l'infans à l'enfant. Ce qui lui a permis d'accéder, de s'ouvrir et d'entendre le Verbe de Dieu. Tout ce cheminement est pour lui un don du seigneur. Il faut s'ouvrir à la voix du Divin, sinon on y reste sourd. C'est un don, un acte volontaire aidé par la grâce de Dieu.

Si l'homme ne s'ouvre pas au « langage de la miséricorde de »338du seigneur, il y reste sourd.

Le religieux ne veux pas rester sans entendre cette voix qui s'écoute avec « l'oreille du cœur »339, et qui s'adresse à l'intérieur de l'âme. Dès lors, il demande à Dieu d'ouvrir son oreille et de dire à son âme « je suis ton salut »340. Il adresse une demande au Seigneur. Il souhaite être entendu.

Il souhaite écouter la voix du Divin. Une voix qui lui est « plus douce que la chaîne des voluptés. Donnez moi ce que j'aime, votre voix est mon amour et vous m'avez donné de l'aimer »341.

La voix de Dieu semble, pour le mystique enivrant. C'est une voix qu'il souhaite entendre, qu'il aime et l'attire, une voix qui l'appelle.

338 Saint Augustin. Les confessions. Livre 10 chapitre 6. Format Kindle, 2000, (397-401). 339 Ibid, Livre 1 chapitre 5.

340 Ibid.