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L'héritage disputé des années soixante : Convergences et divergences documentaires, expérimentales et autobiographiques –

A- Visions métaphoriques du monde : conventions, concrétion et (re)création : De la démarche expérimentale au cinéma direct, ou comment obtenir « that

1) Stan Brakhage : de l'épique à l'autobiographique

C'est moi qui remplis le ciel et la terre... Saint Augustin, Confessions3

Nous débutons notre exploration des manifestations des subjectivités, par l'œuvre d'un cinéaste inclassable et fécond : Stan Brakhage. Fécond, car il a signé près de 350 films, de longueur inégale (de quelques minutes à quatre heures et plus), tournés et fabriqués entre 1953 et 2003. Inclassable, parce qu'il a traversé les mouvements et phases du cinéma alternatif américain, en poursuivant toujours sa ligne directrice : sa subjectivité d'artiste et de visionnaire. Si son œuvre est couramment qualifiée d'expérimentale, elle reste néanmoins plus ouverte aux autres approches filmiques, et notamment le documentaire, puisqu'il signe quelques films documentaires et semi documentaires, et ne perd jamais le contact avec le monde historique. Ces deux approches filmiques, habituellement situées aux antipodes l'une de l'autre, se rejoignent souvent chez Brakhage, notamment sous l'impulsion autobiographique. Si le terme « autobiographique » est mal choisi pour parler d'une œuvre majoritairement sans paroles, où l'image règne sans partage, toujours est-il que le geste cinématographique de Brakhage, dont nous allons voir quelques spécificités, vise initialement à inscrire le sujet dans son histoire. Or, cette auto-inscription s'avère problématique, à la fois en raison de ce que le monde historique renvoie d'horreurs et suscite d'angoisses au sujet-cinéaste, qui n'a d'autre choix que d'effectuer un processus typiquement romantique de retrait et d'internalisation, et en raison de la quête du sujet – une quête qui va prendre des années à se définir et à ce que l'artiste l'accepte, à l'image de Perceval qui parcourt la forêt en quête du Graal ; une quête de type métaphysique, que Brakhage résume ainsi : « Birth, death, sex and the search of God. »

Notre propos n'est pas ici de dessiner le portrait exhaustif d'un auteur tel que Brakhage, d'autant que l'homme comme l'œuvre sont pétris de paradoxes et de contradictions qui nécessiteraient de plus longs développements, et que ses très nombreux films creusent une inscription qui subit des

3 Saint Augustin cite ici l'Ancien Testament, Jérémie, Livre XXIII, p.24. Saint Augustin, Confessions, Chapitre II, « Dieu est en l'homme, l'homme est en Dieu », p.36.

mutations à la fois personnelles, techniques et accidentelles, au fur et à mesure que les postures subjectives évoluent et s'enrichissent de film en film. Nous avons choisi de nous concentrer sur la période où il définit son style – fond et forme – et où il filme le monde qui l'entoure (les montagnes du Colorado, sa terre natale, dans Dog Star Man) et les événements de sa vie qui entrent en collision avec ses aspirations profondes et ses recherches formelles (la naissance de son premier enfant dans Window Water Baby Moving), et plus précisément encore, sur la manière dont le sujet percevant, tout à la fois créateur, opérateur, protagoniste principal et monteur, transforme les images de la réalité extérieure en métaphores de sa vision, pour reprendre le titre d'un de ses plus célèbres ouvrages :

The lyrical-film postulates the film-maker behind the camera as the first person protagonist of the film. The images of the film are what he sees, filmed in such a way that we never forget his presence and we know how he is reacting to his visions.4

- Portrait d'un cinéaste iconoclaste

Sur l'habillage de la dernière édition DVD des films de Brakhage, le journaliste Fred Camper présente Brakhage par cette locution pour le moins intrigante : « A Documentarian of subjectivity. » Tel est donc le paradoxe du cinéma de Stan Brakhage : en créant des images qui sont sans ambiguïté aucune nées de ses propres visions, de sa propre subjectivité, Stan Brakhage invite l'observateur, le spectateur, à explorer sa propre subjectivité, à voir ses propres images, ses propres articulations sujet/monde, ses propres mythes, personnels comme culturels.

L'influence mythopoétique : « The image we produce is the self-evident one of revelation, real and concrete... »5

Les artistes et les écrivains du XX°siècle ont eu constamment recours à la mythologie classique, moins concernés néanmoins par l'illustration des mythes, leur contenu narratif, mais plus enclins à les réinterpréter symboliquement, en accord avec leur démarche personnelle et leur expérience du XX° siècle, siècle mortifère s'il en est. Ainsi, bien avant que l'heure de la Déconstruction et du post-structuralisme ne soit venue, aux États-Unis, les Expressionnistes abstraits6 font déjà

abondamment appel au substrat mythique et son cortège de figures, parmi lesquelles : Œdipe,

4 Philip Adams Sitney, Visionary Film – The American Avant-Garde 1943-2000, 3rd edition, Oxford & New York :

Oxford University Press, 2002, p. 180.

5 Barnett Newman, « The Sublime is Now ! », in John P. O'Neil (edited by), Barnett Newman : Selected Writings and Interviews, New York : Knopf Editions & Barnett Newman Foundation, 1990, p.173.

6 Mouvement artistique qui s'est développé entre 1943 et 1970. Initialement cosmopolite, après la seconde guerre mondiale, il a essentiellement perduré aux États-Unis : De Kooning, Kline, Pollock, Motherwell, Newman, Rauschenberg, Rothko etc.... Selon le critique Clement Greenberg « La conscience en tant que leitmotiv, est née d’une idée de soi très profonde chez ces artistes. Le temps, l’identité et la relation au monde sont des données fondamentales »

Electre, Jason, et enfin et surtout Ulysse, qui incarne cet homme du XX° siècle, ballotté par l'histoire et qui ne peut revenir à Ithaque – les exemples abondent d'artistes ayant repris le mythe à leur compte, de James Joyce à Jonas Mekas, d'Ezra Pound à Robert Kramer ou Stan Brakhage – Brakhage construira ses Cantos sur le palimpseste de l'Odyssée, tout en s'inspirant du Vorticisme d'Ezra Pound.

En 1943, Mark Rothko et Adolph Gottlieb annoncèrent leur désir de moderniser les mythes par le biais d'une nouvelle expression poétique : la mythopoétique. La notion de mythopoétique (étymologiquement « qui crée des mythes ») remonte à Platon, et relie directement le mythe à l'activité du poète. Dans un passage de La République, Socrate parle de « faiseurs de mythes » pour désigner les poètes:

Ne sais-tu pas qu'en toute chose, la grande affaire est le commencement, principalement pour tout être jeune et tendre, parce que c’est à ce moment qu’on façonne et qu’on enfonce le mieux l’empreinte dont on veut marquer un individu ?7

Au lieu de se reposer sur une architecture mythique traditionnelle, qui réduit souvent les mythes à des fables littéraires complexes et déconnectées des enjeux modernes, les artistes ont cherché à saisir le sens enfoui des mythes, tout en conservant leur nature duelle, afin de les appliquer à leurs quêtes personnelles. Mark Rothko, un des précurseurs avec Barnett Newman de ce mouvement, exprime précisément ce qui est en jeu avec la revisite des mythes antiques :

If our titles recall the known myths of antiquity, we have used them again because they are the eternal symbols upon which we must fall back to express basic psychological ideas. They are the symbols of man’s primitive fears and motivations, no matter in which land or what time, changing only in detail but never in substance, be they Greek, Aztec, Icelandic or Egyptian. And modern psychology finds them persisting in our dreams and our art, for all the changes in the outward conditions of life. Our presentation of these myths, however, must be in our own terms, which are at once, more primitive and more modern than the myths themselves – more primitive because we seek the primeval and atavistic roots of the idea, rather than the classical version ; more modern than the myths themselves because we must redescribe their implications through our own experience.8

Ce qui introduit très précisément la démarche des cinéastes de cette nouvelle génération, Maya Deren, Kenneth Anger, James Broughton, Gregory Markopoulos, Harry Smith, Marie Menken... et dont Brakhage est le plus jeune ; ce qui ne l'empêchera pas, dans un premier temps, d'embrasser le premier les directives formelles et les positions esthétiques de l'Expressionnisme abstrait, afin de faire du monde une représentation subjective fondée sur l'expression des émotions du cinéaste au moment de l'enregistrement : caméra mobile, et donc suppression du

7 Platon, La République, Éditions Granier-Flammarion, Paris, 1966, p.81.

8 Mark Rothko, « Letters to Barnett Newman, August 7 1946 », in Miguel Lopez-Remiro (edited by), Mark Rothko, Writings on Art, New Haven & London : Yale University Press, 2006, p.50.

trépied (ou bien celui-ci est intégré dans le plan) montage rapide, pellicule personnalisée avec des peintures et des rayures comme autant de signatures, une surface écranique comme lieu des tensions de l'œuvre... Il s'agit pour les cinéastes issus de cette démarche, non seulement d'aller puiser dans les mythes - « L'histoire mythique offre le paradoxe d'être simultanément disjointe et conjointe par rapport au présent », souligne Lévi-Strauss9 - mais aussi dans le folklore, de

recourir aux archétypes jungiens et à l'exégèse des contes populaires, afin de fonder un renouveau dans l'approche de la destinée humaine, dans les relations hommes/femmes et leurs rôles respectifs. Mentionnons par exemple : Heaven and Earth Magic d'Harry Smith ; Scorpio Rising de Kenneth Anger ; Twice a Man, Psyche et Himself & Herself de Gregory Markopoulos etc... En fait, le frayage mythique advient lorsque la pensée logique s’arrête devant ce qu’elle ne peut exprimer. La construction mythique devient alors un instrument au service de la pensée, comme l’argile dans la main du potier, l’instrument entre les doigts du musicien, ou encore la pellicule sous les ciseaux du monteur. Non pas un récit qui aurait le dernier « mot » si l’on peut dire, qui saurait expliquer l’inexplicable, mais comme logos conscient de lui-même, ou en termes plus contemporains, en figure interactive. On peut alors parler d' « Action-film » qu'il faut entendre comme la conjonction aventureuse et risquée de l’action filmée et de l’action de filmer. Sans rabattre pour autant le cinéma sur la peinture ou la question du plan sur celle du tableau, comme Godard un peu plus tard, Brakhage rejoint effectivement la problématique de l’ « Action- Painting » proposée en 1952 par le critique Harry Rosenberg, pour qualifier le travail des Expressionnistes abstraits :

Pour chaque peintre américain, il arriva un moment où la toile lui apparut comme une arène offerte à son action – plutôt qu’un espace où reproduire, recréer, analyser ou exprimer un objet réel ou imaginaire. Ce qui devait passer sur la toile n’était pas une image mais un fait, une action, un événement (exemple de Newmann « Genetic Moment »). L'image serait le résultat de cette rencontre.

Le retour du totem

All men are children, and of one family. The same tale sends them all to bed, and wakes them in the morning.

H.D.Thoreau10

Comme les peintres Expressionnistes abstraits, Brakhage est frappé par l'horreur du monde historique, mais refuse, en ce qui le concerne, de céder au sentiment de culpabilité suscité par la nouvelle abondance des images que permet la télévision - « Closing these eylides, shutting

9 Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, édition augmentée, coll. « Agora », Éditions Presses Pocket, 1990, p.282.

10 Henry David Thoreau, « A Week On The Concord And The Merrimack Rivers » (1849), in The Writings of Henry David Thoreau, vol. 1, : Houghton Mifflin, 1906, p.60.

Pandora's trap.. »11. La culpabilité est le nouvel opium du peuple, et il refuse de se comporter

comme un Œdipe en demande d'amour et de réconciliation - culpabilité œdipienne si caractéristique du cinéma américain mainstream exemplifié par le cinéma hollywoodien et son éternelle quête de la reconnaissance du père, état névrotique d’un cinéma qui participe des mythes originels américains12. Il sera un visionnaire, fabriquera ses propres images, et centrera

son travail d'artiste sur sa seule subjectivité, refusant d'être gouverné par toute autre subjectivité que la sienne – ce qui le placera parfois dans des situations quasi intenables, sans jamais pourtant tomber dans le solipsisme13, notamment en raison de l'expérience qu'il propose au spectateur et

d'un regard porté sur le monde qui ne s'épuise jamais. « Take no image for granted », répète-t-il dans ses conférences : « A walk with our child can transform forests into the fairylands which they originally inspired. »14

La figure du père est par conséquent un aspect essentiel de la démarche mythopoétique et personnelle de Brakhage. Une figure qu'il cherche à investir et pour laquelle il va mettre en œuvre son projet titanesque, épique et autobiographique. Ce travail épique trouve de nombreuses résonances avec le texte de Freud, Malaise dans la civilisation/Civilisation and Its Discontents (1930), dans l'idée que la culture est édifiée sur du renoncement, du renoncement pulsionnel notamment, ce qui provoque des tensions entre le Moi (principe de plaisir) et le Surmoi (principe de réalité), ce qui fait naître un sentiment de culpabilité15. Dans ses nombreux écrits, le cinéaste

ne cache pas sa fascination pour le père primitif tel que Freud, s'inspirant de Darwin, le décrit dans Totem et Tabou16 : ce père tout puissant qui possède seul l'accès aux femmes et règne sur

une horde primitive. Brakhage part de ce postulat pour évoluer ensuite dans son travail identitaire aux figures primitives (ce sera l'objet de notre analyse de Dog Star Man) grâce à une image magique qui sert son souci de brouiller les pistes, de redistribuer sans cesse les cartes. Brakhage se réfère aux premières représentations rupestres pour justifier son entreprise et conjurer la peur de l'époque moderne : « Primitive men had a greater understanding than we do that the object of fear must be objectified. The entire history of erotic magic is one of possession of fear though holding it. ». C’est bien la connaissance de l’autre et l’union sexuelle qui sont ici

11 Stan Brakhage, Essential Brakhage ; Selected Writings on Filmmaking, New York : McPherson & Company, 2001, p.27.

12 L'ouvrage de Vincent Amiel et Pascal Couté, Formes et obsessions du cinéma américain, revient sur ces questions, coll. « Klincksiech Études », Éditions Klincksieck, Paris, 2003.

13 Le solipsisme se définit par l'attitude du sujet pensant pour qui sa conscience propre est l'unique réalité ; les autres consciences et le monde extérieur n'étant que des représentations.

14 Stan Brakhage, Metaphors on Vision, New York : The Anthology Film Archives, 2nd edition, 1976, p.41.

15 Freud développe ainsi un certain nombre de stratégies psychiques face à la vie. Parmi elles, deux stratégies viables pour l'artiste : le déplacement de la libido vers le travail ou la création (sublimation), ou bien refaire le monde. Il semble que Brakhage se soit assigné les deux tâches.

suggérées, et c’est de cette médiation du réel dont Brakhage charge l’artiste. Et puis, bien que profondément pénétré des thèses freudiennes et jungiennes, Brakhage voit principalement en Freud l’incarnation de la tragédie de l’homme : « The first thing I understood is that here was a man trying to save his own life ». Plus tard, il reconnaîtra que cette remarque s’applique à tout homme, à lui sans doute en tout premier lieu. L’arbre mort qu’il veut abattre dans Dog Star Man répond à travers l’espace cosmique du plan au totem dressé par les fils parricides. Et si le Titan Japet, époux de Gea, est considéré comme l'ancêtre de la race humaine, Prométhée, celui que Nietzsche oppose à Œdipe17, est celui qui façonne les hommes, et qui vole pour eux le feu de

l'Olympe, et récolte la colère des dieux. Dans son texte sur 'Le mythe de Prométhée et les figures paternelles idéalisées', Robert Colin atteste qu'il sert encore aujourd'hui de « pôle identificatoire dans l'introjection de figures paternelles. »18 Colin poursuit :

Ce mythe est intéressant car il soulève une question fondamentale qui concerne la castration. La magie de ce discours originaire est qu'il met en scène sous la forme d'un drame très vivant l'étroite proximité, évidemment toujours actuelle, qui existe entre la création et l'inhibition, mais également entre la toute puissance des désirs infantiles et la castration constitutive de la maturité accomplie. La question est alors de savoir quelle fonction remplit l'idéal dans l'inflexion de ce destin.

On ne peut mieux décrire la relation qui existe chez Brakhage entre son travail de recréation du monde et de la famille, et sa quête personnelle de sujet. Lors d'une conférence donnée à Telluride Film Festival (Colorado) où il doit introduire le cinéma de Tarkovski19, Brakhage exprime son

admiration pour un cinéaste qui a su combiner les trois approches essentielles selon lui :

I personally think that the three greatest tasks for film in the 20th century are: 1) To make

the epic, that is to tell the tales of the tribes of the world. 2) To keep it personal, because only in the eccentricities of our personal lives do we have any chance at the truth. 3) To do the dream work, that is to illuminate the borders of the unconscious.20

Voici comment il envisage ses origines, et comment il débute son travail d'introspection et d'autobiographie :

The natural mystery of my own origins, as I was adopted, had kept both the father and mother images nebulous enough that childhood imaginings (his majesty in exile, bastard of an international whore, found floating in a basket among the barges on the Mississippi River, creature of another planet..) could project themselves into the immediate present and continue a' sending.21

17 Frederik Nietzsche, La Naissance de la tragédie , 1872.

18 Robert C. Colin, « Le Mythe de Prométhée et les figures paternelles idéalisées », in Topique n°84, 2003, p.149. 19 Solaris, 1972, Le Miroir, 1974 et Stalker, 1979 exploitent un matériau partiellement autobiographique ainsi

qu'une structure mythique et/ou psychanalytique.

20 Stan Brakhage, « Brakhage Pans Telluride Gold », in Rolling Stock 6 (1983), p.11. Cité par Philip Adams Sitney, in Eyes Upside Down, New York : Oxford University Press, 2008, p. 243.

L'intérêt personnel à investir les mythes, et en particulier certains invariants de la figure prométhéenne – le génie créateur et l'origine charnelle des hommes principalement, la valeur héroïque étant bien moins exploitée chez Brakhage, même si son travail avec la caméra sur la lumière comporte certaines analogies avec le vol du feu – permet au cinéaste à la fois de se dédouaner de son histoire personnelle sordide22, en se substituant à une figure paternelle

défaillante 23, et d'explorer un univers sans limites sociales (nous verrons qu'il quitte la ville pour

la montagne), physiques (pour l'homme primitif, le mythe de Prométhée l'aide à représenter et à comprendre le monde extérieur à partir de la représentation et de la compréhension de son propre corps), psychiques (l'inconnu et les zones d'ombre sont pour la psychanalyse la demeure de l'inconscient), sexuelles et artistiques. Les critiques qui se sont penchés sur cette figure prométhéenne, remarquent que l'imago paternelle grandiose masque généralement des représentations psychiques insuffisamment élaborées, « car enveloppées d'une pénombre de mystère et de charge libidinale non maîtrisée »24. Et dans son ouvrage Visionary Film, Philip

Adams Sitney revient longuement25 sur la lente évolution personnelle de Brakhage, situant

précisément le basculement vers le statut d'homme, et donc de sujet aspirant à la complétude, à la fin des années cinquante et le début des années soixante – le moment crucial étant sans doute la naissance de son premier enfant, et la réalisation de son Window Water Baby Moving, que nous introduisons un peu plus loin. Quoi qu'il en soit, le but ultime de Brakhage est de trouver pour l'homme, et pour lui en tout premier lieu, la juste place entre le réel et l'imaginaire – la place de l'artiste, du cinéaste : « J'ai vite compris que toute l'histoire, toute la vie, tout le matériel pour

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