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5 Mécanismes de rupture

5.3 Observation des mécanismes d’endommagement par fatigue

5.3.1 Stade A : Endommagement aux extrémités des fibres

Le faciès de la rupture en fatigue présente des particularités liées à l’endommagement en fati-gue mais aussi des artefacts propres à la rupture finale. Afin de découpler ces deux mécanis-mes, des cryofractures sont effectuées sur des éprouvettes qui ont subi un essai de fatigue

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qu’à la rupture. En comparant les faciès ainsi obtenus à des cryofractures du matériau vierge, l’endommagement propre aux effets de la fatigue est identifié.

Des éprouvettes longitudinales au rapport de charge R=0,1 sont cyclées jusqu’à la rupture qui a lieu au niveau du raccordement du rayon où la contrainte est maximale, Figure 5-9.

Une cryofracture est effectuée en recassant l’éprouvette de sorte que l’éprouvette rompe dans un plan perpendiculaire à la charge et parallèle par rapport à la rupture en fatigue. Cette cryo-fracture est dénommée ci-après cryocryo-fracture transversale, Figure 5-9. Elle s’est produite à l’autre raccordement du rayon ou une surcontrainte est présente et où le matériau est suscepti-ble d’avoir subi un endommagement en fatigue plus élevé par rapport au reste du volume. L’éprouvette avait subi une amplitude de contrainte de 30,4 MPa résultant en une durée de vie de 120 772 cycles.

Figure 5-9 : Plan présentant les endroits de la rupture en fatigue et des cryofractures.

Afin d’observer un plan parallèle à la charge et perpendiculaire à la rupture en fatigue, une autre cryofracture est effectuée selon la Figure 5-9 et dénommée cryofracture longitudinale. L’éprouvette concernée avait été cyclée à une amplitude de 33,1 MPa avec une durée de vie de 29 131 cycles.

En premier, le résultat de l’observation de la cryofracture transversale, qui est orientée per-pendiculaire à la charge et donc perper-pendiculaire à la plupart des fibres est abordé. L’observation au MEB de la cryofracture transversale présente globalement un faciès comme celui de la référence. Par contre, localement nous observons des endommagements liés à la fatigue. Le polymère se situant au bout d’une fibre orientée dans la direction de la charge est endommagé, Figure 5-10-a. Cet aspect est observé aux endroits où la rupture se situe dans le même plan que le bout de la fibre de manière répétée. Il s’agit donc d’un endommagement diffus dans le volume. La référence cassant rarement dans un tel plan présente le polymère non endommagé, Figure 5-10-b.

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a. b.

Figure 5-10 : Plan perpendiculaire au chargement. a. Endommagement du polymère. b. Ré-férence.

La présence de fibrilles sur la surface du polymère endommagé rappelle des effets de micro-craquelures observés sur un PET pur par exemple, Figure 5-11-a et Figure 5-11-b.

a. b.

Figure 5-11 : a. Endommagement sur PBT+PET GF30. b. Microcraquelures observées sur PET [Sch84].

Agarwal montre que le polymère au bout d’une fibre longitudinale est soumis à un état de contrainte biaxial [Aga06]. En plus de la contrainte axiale, une contrainte radiale est mise en évidence par un calcul aux éléments finis. Ce résultat est souligné par les travaux de Jiang qui confirme la présence d’une contrainte axiale au bout de la fibre par un calcul analytique [Jia04]. Abedian améliore le modèle analytique de Jiang de manière qu’il puisse prendre en compte une fibre qui n’adhère pas à la matrice au bout [Abe07]. L’origine de cette décohésion repose dans le fait que les fibres ne sont pas ensimées au bout car elles sont découpées après l’application de l’ensimage. En plus de la contrainte axiale et radiale, une contrainte circonfé-rentielle est mise en évidence par son modèle analytique. Il est montré que ce résultat est en bonne corrélation avec une analyse par éléments finis. Enfin, Horst confirme la présence

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d’une contrainte radiale pour une fibre dont le bout n’adhère pas [Hor98]. L’état de contrainte est donc triaxial au bout de la fibre avec la contrainte axiale comme contrainte principale. Un endommagement par la formation de microcraquelures serait donc privilégié.

Après avoir relevé un endommagement dans un plan perpendiculaire à la charge, le plan pa-rallèle à la charge et donc papa-rallèle à la plupart des fibres est observé. Les observations sur le faciès obtenu par la cryofracture longitudinale présentent un endommagement situé sur les cotés des fibres orientées dans la direction de la charge, Figure 5-12.

Figure 5-12 : Endommagement sur une fibre orientée dans la direction de la charge.

Nous observons que cet endommagement est présent en plusieurs endroits sur une seule fibre. Ce phénomène marque la plupart des fibres orientées dans la direction de la charge. A un grossissement plus élevé, nous observons que les fibres sont encore enrobées d’une fine cou-che de polymère, Figure 5-13-a. L’endommagement se manifeste par une surface présentant des cratères plutôt étirés. La référence présente des fibres également enrobées par une fine couche de polymère, Figure 5-13-b. Par contre, l’aspect est plus lisse.

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Une simulation par éléments finis a été réalisée par El Habib au laboratoire afin de compren-dre l’endommagement situé sur les cotés des fibres [ElH09]. Pour cela, un champ de fibres orientées dans la direction de la charge est mis en données. La simulation est effectuée avec ABAQUS 6.7-1 en 2D. L’assemblage de fibres comprend 289 fibres d’une longueur de 250 microns et d’une largeur de 10 microns, Figure 5-14.

Le polymère a un module de Young de 2 500 MPa et un coefficient de Poisson de 0,35 tandis que le module des fibres de verre vaut 73 000 MPa et son coefficient de Poisson est de 0,22. Enfin, le taux surfacique est de 0,3. Le positionnement des fibres longitudinales dans le poly-mère est effectué de manière aléatoire ce qui donne des distances inter fibres variées. Ce mo-dèle élément fini 2D cherche à donner une représentation spatiale des fibres.

Figure 5-14 : Modèle éléments finis d’un assemblage de fibres longitudinales.

Une traction uniaxiale dans le sens des fibres est appliquée. L’analyse est effectuée sur la base d’une fibre située dans cet arrangement de fibres, Figure 5-14.

La Figure 5-15 donne l’évolution de la contrainte de von Mises le long de la fibre représentée en position centrale sur la cartographie de contrainte en haut de la Figure. Les deux tracés correspondent à l’évolution de la contrainte de von Mises observée sur la face supérieure (rouge) et sur la face inférieure (bleu) de la fibre. Des contraintes élevées sont observées en extrémité de fibre. En outre, sur la face supérieure, deux pics sont présents au niveau du bout des fibres adjacentes. Sur la face inférieure, nous observons également un pic au niveau d’un bout d’une fibre adjacente. Ce type d’analyse a été mené pour différentes fibres extraites de la microstructure de 289 fibres. En conclusion, les extrémités des fibres proches des cotés de la fibre en cause exercent une surcontrainte.

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Figure 5-15 : Tracé de la contrainte de von Mises le long de la fibre.

Le tracé de la pression hydrostatique est présenté sur la Figure 5-16. Les mêmes effets sont observés. La pression hydrostatique devient plus négative aux endroits où les bouts des fibres adjacentes causent une surcontrainte.

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Grâce aux observations microscopiques couplées aux résultats éléments finis d’El Habib, deux mécanismes d’endommagement en fatigue sont identifiés.

Le polymère est endommagé de manière circulaire autour du bout des fibres longitudinales. L’aspect de cet endommagement révèle des fibrilles comme il a été observé pour les micro-craquelures sur d’autres matériaux. De nombreuses simulations numériques constatent un champ de contrainte hydrostatique à cet endroit en particulier car les fibres ne sont pas ensi-mées et n’adhèrent pas à la matrice lors de la mise en forme. La formation de microcraquelu-res serait donc privilégiée et semble probable d’autant plus que l’endommagement est orienté de façon normale à la contrainte principale. Ce point est un constat admis par les quelques auteurs ayants travaillé sur la fatigue de ces matériaux. Ce résultat est important pour l’élaborateur car une voie pour améliorer la tenue en fatigue pourrait consister en l’ensimage de l’extrémité des fibres pour diminuer l’effet ‘fissure initiale’.

Toujours sur les fibres longitudinales, le polymère est endommagé sur le coté des fibres. L’aspect comporte des cratères et le polymère est localement étiré. Une simulation par élé-ments finis d’un champ de fibres représentatif révèle que les extrémités des fibres adjacentes exercent une surcontrainte sur le polymère dans la proximité d’une fibre donnée. Ce résultat est nouveau et montre que la présence d’endommagement le long des fibres est à relier à la distribution spatiale des fibres plutôt qu’à la contrainte de cisaillement le long de la fibre. Les analyses sur une seule fibre sont donc probablement insuffisantes pour comprendre notre pro-blème.

Les deux endommagements observés par MEB sont donc trouvés sur les fibres longitudinales. L’endommagement autour les bouts des fibres semble être des microcraquelures de par la présence d’un champ de contrainte hydrostatique et en raison de l’orientation perpendiculaire à la contrainte principale. En outre, l’aspect est très similaire à celui des microcraquelures. L’endommagement au long des fibres n’est cependant pas orienté perpendiculairement à la contrainte principale et l’aspect est très ‘étiré’. Eventuellement la présence de la composante de cisaillement sur les cotés des fibres joue un rôle important et privilégie un endommage-ment par formation de bandes de glisseendommage-ment. Il convient aussi de garder en mémoire que les zones autour des fibres sont des interphases autant que des interfaces, l’ensimage qui génère un gradient de microstructure et de propriétés de la matrice peut jouer un rôle important. A ce stade, seule une étude expérimentale encore plus orientée et couplée à une modélisation micromécanique fine permettrait de comprendre le rôle respectif de chacun de ces endomma-gements.

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