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1.7 La famille des kinases SRC

1.7.5 SRC, cancer et potentiel thérapeutique

Vu les fonctions de SRC qui viennent d’être décrites, il n’est pas étonnant de constater que la famille SRC est dérégulée dans de nombreux cancers. SRC joue notamment un rôle crucial dans la formation de métastases, de par sa régulation du cytosquelette, de la migration, de l’adhésion et de l’invasion des cellules. Il existe plusieurs inhibiteurs des SRC et ceux-ci se sont rendus en phase d’essais cliniques de niveau II. Toutefois, les résultats quant à l’utilisation de ces inhibiteurs comme monothérapie du cancer ne sont pas du tout prometteurs, malgré des résultats pré-cliniques qui semblaient encourageants.

De tous les membres de la famille SRC, c-SRC est la protéine la plus fréquemment impliquée dans le cancer. La surexpression et l’augmentation de l’activité de c-SRC est observée dans de nombreux types de cancers, notamment dans les cancers colorectaux, où l’activité de c- SRC croît en fonction de la progression de la maladie373. Une activité augmentée de SRC a aussi

été notée dans les cancers gastrointestinaux (hepatocellulaire, pancréatique, gastrique, œsophage) ainsi que dans les cancers du sein, de l’ovaire et du poumon374. Les cancers

colorectaux et hépatiques sont particulièrement intéressants car ils surexpriment la kinase en plus d’inhiber son inhibiteur, CSK, ce qui permet une activation maximale de SRC375,376.

Bien que v-SRC soit extrêmement oncogénique même lorsqu’exprimée à de faibles niveaux, c-SRC nécessite une très forte activation et de hauts niveaux afin de transformer des cellules377. Ainsi, l’activation et les niveaux d’expression de SRC sont importants au cours de

la tumorigénèse. C-SRC est rarement muté dans les cancers, son activation étant plutôt médiée par une dérégulation des phosphatases et kinases qui la contrôlent, ainsi que par la surexpression de récepteurs à tyrosine kinase374,377.

SRC semble causer la résistance à certains traitements contre le cancer. Par exemple, dans le cas des leucémies myéloïdes chroniques, HCK et FYN semblent essentiels à la transformation tumorale médiée par BCR-ABL grâce à leur interaction directe qui n’est pas inhibée par l’imatinib (inhibiteur de BCR-ABL)378. L’activité de ces kinases semble être

corrélée avec la résistance aux médicaments imatinib et dasatinib379. Ce type de résistance est

aussi présent dans les thérapies anti-endocrines (cancers du sein et de la prostate) et les thérapies visant la signalisation par les récepteurs à tyrosine kinase, ainsi qu’avec la chimiothérapie et la radiothérapie380.

Le dasatinib est le premier double inhibiteur de SFK/ABL approuvé par la FDA pour le traitement des leucémies myéloïdes chroniques et l’ALL dépendante du chromosome de Philadelphie381. D’autres inhibiteurs de SRC en phases d’essais cliniques sont le saracatinib et

le bosutinib. Ces inhibiteurs sont bien tolérés, ils causent peu de toxicité, mais leurs effets sont peu probants381 avec moins de 25% d’efficacité clinique pour le dasatinib dans une variété de

cancers du sein, de la prostate et de mélanomes380. Le dasatinib ne montrait aucun bénéfice

clinique dans le traitement de cancers du poumon à petites cellules382 et de cancer colorectal

métastatique383. Le saracatinib lui, n’a montré aucun bénéfice clinique en tant que monothérapie

pour les stades avancés des cancers de la prostate, du pancréas, du cancer gastrique, du cancer du sein et du carcinome squameux de la tête et du cou381. Le bosutinib, quant à lui, a montré des

résultats encourageants dans la prolongation de temps précédant la progression de la maladie pour les cancers du sein de stade avancés ou métastatiques384.

Un premier point à considérer en regard de ces échecs est qu’aucune sélection de patients ne fut effectuée lors de ces essais cliniques, entre autres à cause du défi de trouver de bons biomarqueurs de l’activité des SRC in vivo381. Dans un essai pré-clinique destiné à trouver une

Les auteurs ont montré que la réponse au saracatinib corrèle avec l’activité de SRC385. Cela

démontre l’importance de sélectionner des patients susceptibles de répondre au traitement. Les monothérapies ne semblent pas très efficaces, mais avec les connaissances des études pré-cliniques, il pourrait être très prometteur de combiner des inhibiteurs de SRC avec d’autres molécules. Par exemple, SRC joue un rôle dans l’addiction des tumeurs à la signalisation par les récepteurs à tyrosine kinase. Il a été montré que des inhibiteurs de SRC ne sont pas efficaces en monothérapie contre les cancers du sein positifs pour le récepteur HER2 (Human Epidermal growth factor Receptor 2) et résistants au lapatinib ou au trastuzumab. Par contre, l’administration d’inhibiteurs de SRC dans ce cas de figure sensibilise les cellules cancéreuses aux thérapies anti-HER2386,387. Pour les tumeurs de cancer gastrique et colorectal

avec une amplification de c-MET, l’inhibition de SRC bloque la signalisation par Met et supprime la croissance tumorale388. Dans les cancers du cou et de la tête, c-Met provoque une

résistance à la monothérapie des inhibiteurs de SRC, mais l’administration combinée d’inhibiteurs de MET et de SRC provoque une synergie de l’effet cytotoxique389. Plusieurs

autres études ont aussi obtenu des résultats semblables, soulignant l’importance de planifier des essais cliniques de combinaisons thérapeutiques visant à causer la létalité synthétique, qui consiste en une mort cellulaire due à l’inactivation simultanée de deux gènes ou voies de signalisation, qui seules n’ont pas d’effet.

Finalement, SRC joue un rôle important dans le processus métastatique. Il serait donc important d’effectuer des essais cliniques de SRC sur des stades moins avancés de cancer, dans le but de limiter la progression métastatique. Le rôle de SRC semble plutôt de faciliter la progression tumorale que d’en être la cause principale381. Cela explique aussi pourquoi les

monothérapies qui le ciblent ne sont pas très efficaces contre des cancers de stade très avancé, dans lesquels de multiples altérations génétiques promeuvent l’agressivité des tumeurs. Malgré des premiers essais cliniques peu concluants, le développement d’études cliniques plus ciblées et combinatoires pourraient se révéler très prometteuses pour le traitement de certains cancers381.