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1.5 La ferroptose

1.5.2 Contrôle biochimique de la ferroptose

Métabolisme des acides aminés/glutathion

Le glutathion réduit ou GSH (γ-L-glutamyl-L-cystéinylglycine) est un antioxydant intracellulaire essentiel. Il est synthétisé à partir du glutamate, de la cystéine et de la glycine en deux étapes. Les enzymes cytosoliques ATP-dépendantes impliquées dans sa synthèse sont la Glutamate-Cystéine Lyase (GCL) et la Glutathion-Synthétase (GSS)181. L’étape limitante de

cette synthèse est la quantité de cystéine, qui est un acide aminé essentiel. Par exemple, la culture de fibroblastes dans un milieu de culture dépourvu de cystéine occasionne une mort cellulaire glutathion-dépendante et pouvant être bloquée par l’ajout d’antioxydants lipophiliques185.

Certaines cellules sont capables de contourner ce problème de cystéine limitante car elles sont aptes à accomplir la transsulfuration. Ce processus consiste à synthétiser la cystéine à partir de la méthionine186. L’import de cystine via le système de transporteurs nommé Système 𝑋

𝑐− n’est

donc plus aussi critique et les cellules qui peuvent synthétiser la cystéine sont résistantes à l’induction de la ferroptose par inhibition du Système 𝑋𝑐. L’inhibition de CARS (Cysteinyl-

tRNA-synthetase) cause une augmentation de la transsulfuration et permet l’acquisition d’une

résistance des cellules à l’induction de ferroptose par inhibition du Système 𝑋𝑐−187.

Le Système 𝑋𝑐 agit comme un antiport de glutamate/cystine. Il permet l’export de

de glutamate impactent le système puisqu’une concentration élevée de glutamate extracellulaire bloque le système de transport188. De hauts niveaux de glutamate extracellulaire peuvent donc

être suffisants pour induire la ferroptose188. Il est connu physiologiquement que l’accumulation

de glutamate dans le système nerveux est toxique et ce concept pourrait expliquer pourquoi184.

La cellule peut produire du glutamate par glutaminoloyse à partir de la glutamine, bien que celle-ci soit aussi un carburant du cycle de l’acide citrique qui permet entre autres la synthèse des lipides189. La première étape de la glutaminolyse consiste à convertir la glutamine

en glutamate grâce à l’une de deux enzymes, GLS1 (Glutaminase 1) et GLS2 (Glutaminase 2). Il a été montré que GLS2, une cible transcriptionnelle de p53, est requise pour la ferroptose, mais pas GLS1146,188. L’augmentation des niveaux de GLS2 contribue à induire une ferroptose

p53-dépendante146. Il est à noter cependant qu’en absence de glutamine, la pénurie de cystine

ne causait pas l’accumulation de ROS, la peroxydation de lipides ou la ferroptose, bien que le mécanisme exact ne soit pas connu188.

Métabolisme des lipides

Les acides gras polyinsaturés ou PUFA contiennent des atomes d’hydrogène en position bis-allylique, qui possèdent une grande labilité, ce qui rend ces acides gras susceptibles à la peroxydation190. Leur abondance et leur localisation aura donc un impact sur le degré de

peroxydation des lipides et donc indirectement sur la ferroptose. Les PUFA libres doivent être estérifiés pour être incorporés en tant que phospholipides membranaires. Des résultats ont montré que l’oxydation des PUFA dans la ferroptose se produit une fois qu’ils sont estérifiés et déjà incorporés dans les phospholipides. Les PUFA libres ne sont pas l’espèce oxydée, et l’ajout de PUFA libres oxydés aux cellules n’induit pas la ferroptose191. Les principaux phospholipides

devenant oxydés et causant la ferroptose sont les phosphatidyléthanolamines (PE), qui contiennent soit un acide arachidonique (C20:4) ou son produit d’élongation, l’acide adrénique (C22:4). Ils furent identifiés par des expériences de lipidomique191,192.

Des enzymes comme les lipoxygénases (LOX) peuvent accomplir la peroxydation des lipides ferroptotiques. Ces enzymes sont connues pour préférer les PUFA libres comme substrat193. Toutefois, les phospholipides PE-PUFA peuvent former des arrangements lipidiques

protège contre l’induction de la ferroptose par l’érastine190. Il semble probable que d’autres

enzymes soient impliquées dans ce processus mais d’autres études seront nécessaires.

Les lipides, une fois peroxydés, se décomposent en dérivés réactifs incluant des aldéhydes qui peuvent réagir avec les protéines et les acides nucléiques194. Une autre explication

de l’effet toxique de ces lipides est qu’ils constituent les membranes cellulaires. Leur oxydation va donc affecter la composition des membranes ainsi que leur structure, leur dynamique et leur assemblage194.

Métabolisme du fer

Le fer est requis pour la peroxydation des lipides et la ferroptose. Il en découle que la transferrine et son récepteur, responsables de l’import du fer, sont aussi requis. IREB2 (Iron

Responsive Element Binding Protein 2), qui est considéré comme le maître régulateur du fer,

affecte également la sensibilité des cellules à la ferroptose. L’autophagie spécifique de la ferritine, nommée ferritinophagie, augmente aussi la sensibilité des cellules à l’induction de la ferroptose. Finalement, comme il l’a été déjà mentionné, des chélateurs de fer peuvent inhiber cette mort cellulaire.

Les lipides peroxydés peuvent être générés par deux mécanismes : un mécanisme enzymatique décrit précédemment ou non enzymatique, comme la réaction de Fenton194. Les

enzymes comme les LOX utilisent le fer comme cofacteur. La réaction de Fenton, quant à elle, participe à la formation de radicaux libres de l’oxygène. Le fer est majoritairement sous forme liée dans les cellules, soit à l’hème, soit à des centres Fer-Soufre (FeS) ou entreposé grâce à la ferritine. Toutefois, une petite proportion de fer est labile, c’est-à-dire qu’il est faiblement lié et peut participer à des réactions d’oxydo-réduction. Ce sont ces réactions qui sont nommées réactions de Fenton. Le fer peut alors réagir avec le peroxyde d’hydrogène ou les superoxydes pour former des radicaux libres de l’oxygène. Les radicaux libres produits par cette première étape d’initiation de la réaction de Fenton peuvent ensuite arracher un atome d’hydrogène à un acide gras polyinsaturé, générant un radical centré sur le carbone pouvant réagir avec une molécule de dioxygène afin de générer un radical lipide-peroxyle. Ce dernier pourra réagir avec un autre hydrogène d’une autre molécule PUFA, ce qui créera un lipide peroxydé et un autre radical lipide-peroxyle, qui pourra interagir avec une autre molécule d’oxygène et ainsi de suite.

Cette phase est nommée phase de propagation. Finalement, une phase de terminaison aura lieu s’il y a suffisamment de radicaux libres pour que deux d’entre eux réagissent ensemble et éliminent le radical, ou que des antioxydants, des molécules capables de donner des électrons aux radicaux libres sans devenir eux-mêmes des radicaux libres, y mettent fin.194

On ignore si le mécanisme enzymatique ou le mécanisme non-enzymatique contribue d’avantage à la génération des lipides peroxydés et à l’induction de la ferroptose. Toutefois, il est plus que probable qu’une combinaison des deux mécanismes soit requise194.

Sélénium et NADPH

Le NADPH est un réducteur intracellulaire puissant qui est nécessaire pour l’élimination des lipides peroxydés. Il constitue un biomarqueur de la sensibilité à la ferroptose de plusieurs lignées de cellules cancéreuses195. Le sélénium, quant à lui, est nécessaire à la synthèse de

GPX4, qui est une sélénoprotéine196. Les niveaux de sélénium peuvent donc contrôler

l’abondance de GPX4. Le sélénium est incorporé dans les sélénoprotéines grâce au 21ème acide

aminé, la sélénocystéine, qui est encodé par le codon stop UGA197. La présence d’une séquence

spécifique dans le 3’ UTR (Untranslated Region) de ces gènes permet au ribosome de différencier le codon stop du codon codant pour la sélénocystéine197.