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L’un des premiers concepts importants dans le domaine de la thérapie ciblant p53 est la notion erronée que p53, lorsque muté, est seulement non fonctionnel. En effet, plusieurs

mutations de p53 lui confèrent réellement des capacités supplémentaires acquises qui sont souvent oncogéniques et en opposition avec ses effets anti-tumoraux naturels130. Cela représente

donc un avantage supplémentaire pour les cellules cancéreuses, mais aussi une avenue prometteuse comme cible thérapeutique. Par exemple, certains mutants de p53 peuvent inhiber p63 (TP63, Tumor Protein 63) et p73 (TP73, Tumor Protein 73) les deux autres membres de la famille de p53162,163. Plus généralement, ces gains de fonctions ont fréquemment une capacité à

induire l’invasion tumorale et les métastases, mais les mutants peuvent aussi induire la résistance aux thérapies, l’angiogenèse ou encore la reprogrammation épigénétique164.

P53 est muté dans près de la moitié des cancers et la plupart des mutations sont des

mutations faux sens (environ 75%)165. Ce sont ces mutations qui, en général, apportent un

avantage aux cellules cancéreuses. La majorité des mutations qui affectent les fonctions de suppresseur tumoral de p53 augmentent son énergie libre et par conséquent mènent à des changements de conformation dus à un mauvais repliement de la protéine165. Ces mutations sont

classées selon deux types principaux : celles qui affectent la liaison à l’ADN et les mutants structuraux. Le quart de ces mutations faux-sens se produisent sur cinq résidus clés du domaine de liaison à l’ADN, soit R273, R248, R175, R213 et G245165. Des mutations de l’arginine 273,

qui lie directement l’ADN, résultent en une perte de liaison avec l’ADN alors que des mutations de l’arginine 175 par exemple, empêchent le repliement du DBD. Certaines mutations sont spécifiques à certains types de cancer et résultent de l’exposition à des substances particulières, telles la fumée de cigarette dans le cas du cancer du poumon165 ou l’exposition aux UV dans le

cas des mélanomes166. Ces mutations ont toutes un effet sur la structure de p53 ou sa capacité à

lier l’ADN, mais peuvent aussi mener à des activités acquises différentes, générant une panoplie de protéines aux fonctions diverses.

L’idée d’utiliser p53 comme cible thérapeutique est une bonne stratégie, mais celle-ci est plus difficile à réaliser que l’inhibition de l’activité enzymatique d’une protéine. En effet, cela implique d’activer les fonctions, perdues par mutation, d’une protéine. Des molécules ont aussi été développées dans le but de réactiver p53 sauvage par inhibition de MDM2, son principal inhibiteur. Le premier fut la nutline3167, suivi par plusieurs autres molécules ou

conclure sur l’efficacité anti-cancer du médicament. Les inhibiteurs de MDM2 sont aussi développés dans le but d’être utilisés pour la cyclothérapie. Ce principe vise à combiner ces inhibiteurs avec des agents chimiothérapeutiques afin d’induire un arrêt du cycle cellulaire temporaire dans les cellules normales, via la stabilisation de p53, qui permettrait d’utiliser des doses plus élevées de chimiothérapie en ayant moins d’effets secondaires168. Des études

employant cette stratégie chez la souris ont montré des résultats encourageants169. Une autre

étude a montré que certains mutants de p53 formaient des aggrégats cellulaires insolubles170 qui

pouvaient être solubilisés grâce à un peptide liant la région de p53 qui cause l’aggrégation171.

Cela conférait un regain d’activités anti-tumorales à la protéine dans les cellules de cancer de l’ovaire171.

Plusieurs stratégies différentes ont été utilisées pour cibler les protéines mutantes de p53. Beaucoup des composés chimiques qui ont été identifiés comme pouvant réactiver p53 et favoriser son repliement correct font partie de la famille des composés liant les cystéines165. P53

possède 10 cystéines dans son DBD, qui sont des cibles potentielles pour ce genre de composés. Par exemple, il a été montré que le CP-31398 favorise le repliement de p53 dans les cellules et lui redonne des propriétés anti-tumorales dans des modèles de xénogreffes de souris172-174.

Cependant, comme pour plusieurs de ces composés, une partie des effets est bel et bien p53 dépendant mais il possède des activités p53-indépendantes également. Ces composés montrent tout de même beaucoup de promesses, APR-246 par exemple, est en phase II d’essais cliniques175,176.

Un peptide a aussi été développé afin de faire compétition à la liaison de p53 mutant avec p73177, qui empêche la transactivation des gènes cibles normaux de p73178. Le peptide,

RETRA, permet à p73 de redevenir actif et d’induire ses gènes cibles et la mort cellulaire, ainsi que la régression de tumeurs chez les souris177. Finalement, puisque certains cancers peuvent

devenir dépendants des fonctions oncogéniques acquises par les mutants de p53, désactiver ou supprimer ces protéines p53 mutantes semble une autre option de traitement. Ce domaine a été pour le moment peu étudié mais une étude a utilisé le concept que la stabilisation de p53 mutant requiert la chaperonne HSP90179. Le traitement de souris Trp53R172H atteintes de lymphomes

des cellules T avec des inhibiteurs de HSP90 augmente leur survie179. Le même traitement

Le fait que p53 soit muté dans près de la moitié des cancers rend le développement d’une stratégie thérapeutique qui vise ce suppresseur tumoral très attrayante. Un agent antagoniste efficace face aux effets néfastes des mutations de p53 pourra être utilisé dans de très nombreux cancers. Les avancées dans ce domaine risquent donc d’être très prometteuses.