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Définition du projet de recherche et moyens mis en œuvre

III. Programme expérimental

III.2 Comportement électrochimique des aciers

III.2.2.6 Spectroscopie d’Impédance Électrochimique

La Spectroscopie d’Impédance Électrochimique est une technique permettant l’étude des mécanismes et de la cinétique des réactions électrochimiques. Elle est basée sur l’étude de la réponse d’un système électrochimique des sollicitations électriques dynamiques sur une plage de fréquences allant typiquement de 10-3 Hz à 106 Hz.

Lorsqu’une perturbation électrique de la forme x(t) = A.sin(ωt) est appliquée au système électrochimique, sa réponse prend la forme y(t) = B.sin(ωt+φ). Avec ω = 2πf, la pulsation de la sollicitation, et φ le déphasage entre la sollicitation et la réponse. Un balayage en fréquence est nécessaire car la réponse évolue en fonction de ce paramètre. La perturbation appliquée peut prendre la forme d’une variation de potentiel 𝐸(𝜔) ; la réponse est alors mesurée en intensité 𝐼(𝜔). La perturbation peut également être galvanique 𝐼(𝜔) et la réponse du potentiel

𝑃𝑒𝑛𝑡𝑒 = 1 𝑅𝑝 + 𝑅𝑒

𝐸(𝜔) est alors suivie. L’impédance du système est un nombre complexe défini de la même manière que la loi d’Ohm :

𝑍(𝜔) = 𝐸(𝜔)

𝐼(𝜔) = |𝑍(𝜔)|𝑒𝑗𝜑(𝜔)= 𝑅𝑒(𝑍(𝜔)) + 𝑗. 𝐼𝑚(𝑍(𝜔)) Eq. 2-8 Lorsqu’une électrode est en contact avec un électrolyte et/ou est le siège de réactions électrochimiques, comme c’est le cas pour une armature enrobée d’une matrice cimentaire, plusieurs phénomènes d’ordre chimique ou physico chimiques interviennent.

Ensuite, l’enrobage cimentaire présente une certaine porosité plus ou moins connectée et plus ou moins saturée en solution interstitielle, elle-même présentant une certaine conductivité. L’enrobage s’oppose donc au passage du courant et peut être décrit comme une résistivité. L’enrobage cimentaire présente également des propriétés diélectriques provenant à la fois des phases solides et de la contribution de la solution interstitielle (Andrade et al. 1999; Alonso et al. 1998). Enfin, l’interface électrode/électrolyte présente une double couche d’espèces ioniques (figure 2-13) dont la réponse à une perturbation sinusoïdale s’apparente au comportement d’un condensateur.

Figure 2-13 : Représentation schématique d’une double couche (Kauffman A.H. 1997).

Les processus électrochimiques peuvent être gouvernés par la cinétique des réactions d’oxydoréduction - contrôle faradique - auquel cas le contrôle peut être déterminé par la résistance de transfert de charge, ou résistance de polarisation lorsque l’acier est à l’état passif. La réaction peut également être contrôlée par un processus de diffusion, souvent associé à la diffusion de l’oxygène. L’impédance électrochimique liée à la diffusion peut être à prendre en compte en plus des processus faradiques. On parle alors de contrôle mix cinétique et diffusion. Chacun de ces processus peut être assimilé à une impédance, et apportent leur contribution aux spectres mesurés.

L’exploitation des résultats passe ainsi par l’assimilation des phénomènes électrochimiques à des impédances électriques. Le tableau 2-3 présente ainsi les différents composants électriques que l’on retrouve dans le les schémas électriques équivalents typiques.

Tableau 2-3 : Éléments électriques à la base des circuits équivalents et impédances associées.

Résistance 𝑍𝑅 = 𝑅 Eq. 2-9 Capacitance 𝑍𝐶 = 1 𝑗𝜔𝐶 Eq. 2-10 CPE 𝑍𝐶𝑃𝐸= 1 𝐶(𝑗𝜔)𝑛 Eq. 2-11 Warburg (Diffusion infinie) 𝑍𝑤= 1 𝑌0(𝑗𝜔)12 =𝜎√2 √𝑗𝜔= 𝜎 √𝜔(1 − 𝑗) Eq. 2-12 Où 𝜎 =𝑛2𝐹2𝑅𝑇𝐴√2𝐷 𝑥 Eq. 2-13

Dx : Coef. de diffusion des espèces impliquées

Une résistance traduit la résistance du milieu au passage du courant. Les capacités traduisent généralement les phénomènes d’interface comme entre l’électrode et l’électrolyte ou les propriétés diélectriques de l’enrobage. Une CPE est une capacité non-idéale. Elle traduit l’hétérogénéité de l’interface acier/béton, la présence de surfaces réactives locales ou hétérogénéité de l’enrobage cimentaire. Pour n=1 on retrouve le comportement d’une capacité idéale. L’impédance de diffusion traduit l’impact de la diffusion des réactifs. Elle est souvent associée aux sollicitations à basse fréquences lors d’un contrôle mix faradique - diffusion. Selon le modèle utilisé, diffusion de longueur finie ou infinie, l’impédance associée diffère.

Le modèle est souvent choisit arbitrairement, dépendamment du système considéré. En effet, il est reconnu que les différents composants du système acier/béton apportant un comportement capacitif « réagissent » à différentes fréquences. La figure 2-14 est basé sur les travaux de (Ford et al. 1998) et recense les fréquences auxquelles les constantes de temps réagissent.

Hautes fréquences--- Basses fréquences

106 Hz 10² à 10-2 Hz 10-2-10-3 Hz 3 0 Matrice cimentaire R ≈ 103 -105 KΩ.cm C≈10-9 -10-11 F Interface acier/béton C≈10-7 - 10-4 F Rt ≈ 10 KΩ.cm² - 100 Ω.cm²* Réactions électrochimiques C≈10-7 - 10-3 F Résistivité et propriétés

diélectriques de l’enrobage produits de corrosion formés couche passive d’un acier Diffusion des réactifs Réactions faradiques

Figure 2-14 : Processus typiquement impliqués dans les spectres d’impédances électrochimique.

*Notons que dans l’absolu, une résistivité est exprimée en KΩ.cm en corrigeant la résistance d’un matériau par un facteur géométrique homogène à un rapport surface/longueur [cm²/cm]. Une résistance de transfert de charge (Rt) constitue en revanche une résistance électrique associée à un processus électrochimique et non pas à la résistance électrique d’un matériau. La géométrie est donc définie en terme de surface (surface d’acier associée aux réactions faradiques) mais ne peut pas être définie en terme de longueur, Rt est ainsi corrigée de la surface de l’électrode et homogène à des KΩ.cm².

Le comportement général du système électrochimique étudié peut être assimilé à un schéma électrique, où l’agencement des différents éléments permet de modéliser les systèmes expérimentaux. Typiquement, le schéma présenté par la figure 2-15 représente l’impédance d’une armature enrobée. Notons que la manière de brancher les éléments est plus importante pour l’interprétation physique des résultats que pour le calcul des impédances. En effet, plusieurs agencements de résistance/capacités peuvent être utilisés pour ajuster un même comportement. Toutefois, l’interprétation peut différer significativement dépendamment des processus associés à chaque composant.

D’après (Gu et al. 1998), le couple Re/C0 est respectivement associé aux propriétés de résistivité et diélectriques de l’enrobage cimentaire. Cdl constituerait la capacité double couche, Rt la résistance de transfert de charges. Une impédance de diffusion W peut également être placée en série de la résistance Rt pour traduire la diffusion d’espèces chimiques à basses fréquences, phénomène relié à la réduction de l’oxygène.

Figure 2-15 : exemple de schéma électrique représentant le système béton/armature (Gu et al. 1998).