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CHAPITRE V: Mobilité et disponibilité des PHE dans les eaux de

V. SPECIATION DES TERRE RARES

V.1. Variations des différentes fractions extraites

Les résultats de l’extraction séquentielle montrent que la part de chacune des deux premières fractions non résiduelles (soluble à l’eau et échangeable) est quasiment négligeable dans le contrôle des terres rares (inférieure à 0,1%). Les autres fractions présentent des pourcentages (Figure 68) plus ou moins importants selon le type de terre rares (LREE, MREE et HREE) : - Dans la phase acido-soluble, la proportion des terres rares légères (LRRE) par rapport au REE total varie de 10 à 12%, tandis que celle des terres rares moyennes (MREE) et lourdes (HREE) évolue respectivement de 15 à 21% et de 14 à 20%.

- Dans la phase réductible le contraste entre LREE et HREE est beaucoup plus prononcé. En effet, le pourcentage de LREE liées à cette phase est compris entre 4 et 6%, alors que celui des HREE varie entre 17 et 20%, soit le triple des LREE. La proportion de MREE liée à cette fraction réductible évolue de 6 à 19%.

- Le profil de distribution de la phase oxydable est marqué par la forte proportion de Gd (environ 27%). La part de cette fraction dans le contrôle des autres MREE évolue entre 14 et 19%, alors que pour LREE et HREE elle varie respectivement de 9 à 12% et de 12 à 14% de la fraction totale des REE dans les sédiments des cours d’eau de la Gascogne.

-Contrairement aux phases non résiduelles, la distribution des REE dans la phase résiduelle est marquée par une abondance des LREE par rapport aux HREE et un appauvrissement en

MREE. Les REE plus légères évoluent entre 71 et 76%, alors que les REE moyennes et lourdes ont des proportions comprises entre 43 et 56%.

Cette description indique globalement que les terres rares légères présentent une proportion de phase non résiduelle inférieure à celle des terres moyennes et lourdes. Cependant la phase non résiduelle de toutes ces REE est dominée par trois phases (carbonaté, réductible et oxydable). Cette distribution des terres rares dans ces trois phases a déjà été soulignée par Leleyter et al. (1999) dans les sédiments et matières en suspension de différents cours d’eau du monde, mais également par Hernandez (2003) dans les sols forestiers français et Bur (2008) dans les sols agricoles de la région. 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 La Ce Pr Nd Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 La Ce Pr Nd Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu Acido-soluble Réductible % % 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 La Ce Pr Nd Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 La Ce Pr Nd Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu Oxydable Résiduelle % %

Figure 68 : Pourcentage total de REE des différentes phases non résiduelles extraites par extraction

séquentielle et dans le résidu des sédiments des cours d’eau de la Gascogne. Seules les fractions présentant des concentrations significatives ont été considérées.

V.2. Profils de distribution des REE dans les différentes fractions.

Les diagrammes de distribution des REE dans les phases non résiduelle et résiduelle normalisés par rapport au PAAS montrent des évolutions différentes suivant la phase (Figure 69). La phase résiduelle par exemple, présente un profil de distribution comparable à celui de la teneur totale, obtenu au chapitre III. En effet, cette phase se caractérise par un enrichissement des LREE par rapport aux HREE et une anomalie positive en europium. Cependant les valeurs du fractionnement LREE/HREE (La/Yb = 1,99) et de l’anomalie en Eu (Eu*=1,35) dans la phase résiduelle sont légèrement plus prononcées que celles de

l’échantillon total (La/Yb = 1,52 et Eu*=1,24). Ce fractionnement plus faible dans l’échantillon total s’explique en partie par la compensation du déficit en HREE dans la phase résiduelle par l’adsorption préférentielle des terres rares moyennes (MREE) sur les matières organiques et les carbonates, et des terres rares lourdes par les oxydes de fer. C’est la raison pour laquelle on obtient des profils convexes pour la distribution des terres rares dans les phases acido-soluble et oxydable (enrichissement en MREE), et des profils croissants dans les oxydes de fer (enrichissement en HREE). L’anomalie positive en europium est également visible au niveau de la phase acido-soluble (Eu*=1,16). Ces résultats confirment ceux de nombreux auteurs (Brookins, 1989 ; Orlando et al., 1994 ; Riou et al., 1998 ; Leleyter et al., 1999b) qui montrent que l’europium se substitue très souvent, suivant les conditions du milieu, au calcium et au strontium du fait de la similitude de leurs rayons ioniques.

Le cérium et le gadolinium présentent également des anomalies positives dans la phase non résiduelle (Ce*=1,10 et Gd*=1,80). Ces anomalies sont dues, comme l’ont montré Leleyter et al. (1999), à la fixation préférentielle de Ce sur les oxydes de Fer et du gadolinium sur les matières organiques. Cependant la raison pour laquelle ces anomalies ne sont pas visibles dans le profil de distribution de l’échantillon total (voir chapitre III) vient du fait que les phases présentant ces anomalies ne représentent chacune pas plus de 25% de la fraction totale. On peut donc supposer que leur caractéristique individuelle est couverte par celle de la fraction résiduelle qui présente une proportion plus importante (entre 40 et 76%).

La Ce Pr Nd Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu L o g (R E E /P A A S ) 0,01 0,1 1 10 Acido-soluble FeO(a) FeO(c) Oxydable Résiduelle

Figure 69 : Profils de distribution des REE des différentes phases non résiduelles d’extraction

Ces résultats de l’extraction séquentielle donnent une explication claire au fractionnement entre les REE, observé au chapitre III. En effet, le fait que, dans la phase résiduelle, les LREE présentent un enrichissement par rapport aux HREE, et que, dans les phases non résiduelles, ce sont plutôt les HREE qui sont enrichies, traduit que les HREE sont potentiellement plus lessivables que les LREE. Ces dernières sont relativement stables et caractérisées par une faible disponibilité par rapport aux HREE. Cette différence est bien illustrée par les échantillons de sédiment du Touch. En effet, en étudiant l’évolution des différentes phases extractibles le long du Touch (Figure 70), on s’aperçoit que les proportions labiles de La et Yb (représentant respectivement les LREE et HREE) par rapport au total de REE de l’amont à l’aval du Touch montrent des différences très significatives. Alors que le pourcentage de phase non résiduelle du lanthane diminue très peu (environ 3%) de TO1 à TO4, celle de l’ytterbium, sur la même distance, baisse en moyenne de 10%. Ceci traduit que les HREE présentent en moyenne une remobilisation 3 fois plus élevée que celle des LREE dans ce cas d’étude. 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

TO1 TO2 TO3 TO4

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

TO1 TO2 TO3 TO4

25 22 23 22 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

TO1 TO2 TO3 TO4

49 47 44 39 Amont Aval Amont Aval 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

TO1 TO2 TO3 TO4

Portion lessivée

Phase non résiduelle

Phase non résiduelle

La

Yb

Portion lessivée

Figure 70 : Evolution des proportions labiles (en % du total) de Yb et La de l’amont vers l’aval du

Touch %

%

%

VI. Conclusion

L’extraction séquentielle s’est révélée être une technique fondamentale pour évaluer les différents sites d’adsorption des PHE dans les sédiments des cours d’eau gascons. Elle nous a permis de mettre en évidence les résultats suivants :

- deux groupes de PHE sont à distinguer: ceux possédant une proportion de phase résiduelle supérieure à environ 50% (Cr, Zn, Ni et Cu) et ceux dont la phase non résiduelle est dominante à plus de 60% (As, Cd, Co et Pb).

- l’oxyde de fer est la phase non résiduelle prépondérante dans le contrôle des PHE, à l’exception de Cd qui est contrôlé à environ 50% par les phases carbonatées.

- les deux premières phases de l’extraction séquentielle (soluble à l’eau et échangeable) sont toujours insignifiantes dans le contrôle des PHE des sédiments de la Gascogne - l’arsenic malgré sa très forte proportion en phase non résiduelle (environ 90%) est

relativement moins mobile que des éléments tels que Cd, Co et Pb aux proportions non résiduelles moins importantes. Ceci s’explique par le fait que l’arsenic, contrairement à Cd, Pb et Co, n’est quasiment pas associé aux phases carbonatées (plus lessivables) et surtout par sa très forte liaison avec les oxydes de fer (en particulier avec le fer cristallin), avec lesquels il forme généralement des complexes de sphères internes.

- les apports anthropiques de PHE dans la région (pratiques agricoles et retombées atmosphériques notamment issues des émissions industrielles) sont préférentiellement adsorbés sur les phases carbonatées, confirmant ainsi le caractère mobile et potentiellement toxique des PHE d’origine anthropique. En en revanche les PHE d’origine lithogénique (associés aux réseaux cristallins des minéraux) ne sont pas disponibles pour les milieux et ne présentent donc aucun risque de contamination. Toutefois, il faut relativiser ces observations, car la relation positive entre la proportion de PHE considérée comme anthropique et celle de phase carbonatée, peut aussi traduire un enrichissement naturel des PHE suite aux phénomènes de précipitation secondaire des carbonates (au niveau des sols et/ou des sédiments) qui peuvent piéger de façon plus ou moins significative certains éléments traces (Dubois et al., 2002 ; Perrin et al., 2008).

- on retiendra globalement que les éléments les plus stables, par rapport aux conditions régnantes dans les systèmes aquatiques de la Gascogne, sont Cr, Zn et As, et les plus mobiles sont Cd, Co et Pb. La mobilité de ces derniers est particulièrement sensible

aux conditions physico-chimiques du milieu. Leur présence en solution augmente avec les concentrations en chlorures et en matière organique dissoute, alors qu’elle diminue avec l’augmentation du pH et de l’alcalinité (en particulier pour Cd et Pb du fait de leur relative abondance dans les phases carbonatées).

- la spéciation des terres rares a permis de montrer que les LREE sont en plus grande proportion dans la phase résiduelle que les MREE et HREE. Les phases prépondérantes, dans la fraction non résiduelle pour le contrôle des REE, sont les carbonates, les oxydes de fer et les fractions oxydables. Parmi ces phases, les terres rares les plus lourdes ont une attirance préférentielle pour les oxydes de fer, alors que les moyennes sont plutôt abondantes dans les phases carbonatées et à un degré moindre dans les phases oxydables.

- on observe, entre les différentes phases extractibles et résiduelles des terres rares, un fractionnement caractérisé, dans la phase résiduelle des sédiments des cours d’eau de la Gascogne, par un enrichissement des LREE par rapport aux HREE, et dans les phases non résiduelle, par un appauvrissement des HREE par rapport aux LREE. Ces dernières sont donc logiquement plus stables et présentent ainsi un lessivage de l’amont vers l’aval des cours d’eau (cas du Touch) environ 3 fois moins importante que celui des terres rares lourdes. Ceci confirme l’hypothèse émise au chapitre III (lessivage relativement important des HREE par rapport aux LREE au cours de la pédogenèse) pour expliquer en partie l’appauvrissement des HREE par rapport aux LREE (l’autre partie étant d’origine lithogénique).

- l’anomalie positive en europium observée dans les échantillons totaux (chapitre III) est associée à la fois à une phase non résiduelle (phase carbonatée) et résiduelle. - les fractions non résiduelles des échantillons présentent une anomalie positive en

cérium et en gadolinium (contrairement à la moyenne des échantillons totaux). Ces anomalies proviennent de l’accumulation du cérium dans les oxydes de fer et du gadolinium dans les matières organiques. Le fait que chacune de ces deux fractions ne représente que moins de 25% de la teneur totale, explique la non perception de ces anomalies dans l’échantillon total qui est dominé à plus de 60% par les phases résiduelles et les phases carbonatées qui présentent une anomalie positive en europium.