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Chapitre III : Aérosols désertiques : cycle, zones sources et saisonnalité des émissions

2. Cas spécifique des aérosols désertiques

Les aérosols désertiques ou poussières minérales encore appelés lithométéores sont des

particules mises en suspension par l’action du vent sur les surfaces continentales désertiques ou semi-arides. Ainsi, ces aérosols sont issus pour l'essentiel des régions arides et semi-arides du globe, d’où l’appellation d’aérosols désertiques. Ils sont qualifiés de primaires au même titre que les embruns marins, car ils sont émis directement sous forme de particules sous l’action du vent. Les processus d’émission de ces aérosols résultent d’interactions complexes entre la vitesse du vent et la rugosité du sol (MARTICORENA et BERGAMETTI, 1996 ; MARTICORENA et al., 1997). Parlant de la vitesse seuil d’érosion qui régule les émissions, MARTICORENA et al. (1997) notent qu’elle dépend de la rugosité de la surface, de la taille des grains et de l’humidité des sols. Sous l’action du vent, les particules du sol dont le diamètre médian est relativement élevé (~75μm) se déplacent en saltation à la surface du sol. Puis, par bombardement par vents violents des agrégats présents en surface (sandblasting) les grains en saltation émettent des particules plus fines sous forme de nuage sec que NOBILEAU23 appelle "tempêtes de sable" qui peut s’élever jusqu’à 6 km d’altitude. Ces particules sont capables de rester en suspension dans l’atmosphère et d’être transportées verticalement et s’étendre sur des milliers de kilomètres (figure 40) constituant ainsi l’aérosol désertique.

23 NOBILEAU D., 2005. Caractérisation, détection et quantification des aérosols désertiques à partir des observations satellitaires de la couleur de l'océan, Thèse de Doctorat, Université Pierre et Marie Curie-Paris VI (spécialité Méthodes Physiques en Télédétection), Laboratoire d'Océanographie de Villefranche sur Mer (LOV), 286p.

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Figure 40 : Image SeaWiFS du 26/02/2000 montrant un panache d'aérosol saharien. NASA/GSFC, image SeaWiFS d'un panache d'aérosols désertiques au-dessus de la mer du Japon

(À gauche) image SeaWiFS , (à droite) reprises par NOBILEAU (2005)

Ces "nuages" d’aérosols désertiques se dissipent quand les particules quittent l’atmosphère par des processus de dépôts secs et humides. La sédimentation par gravité des grandes particules (>10 µm) se produit près de la source lors du premier jour de transport. Le dépôt humide se produit irrégulièrement durant les 5 à 10 jours de la vie des particules de plus petite taille. Les aérosols désertiques représentent la première source mondiale en masse d’aérosol dans l’atmosphère, entre 1000 et 3000 Tg par an, et représentent environ 40% des émissions globales en aérosols troposphériques (IPCC, 2001). Cependant comme l’illustre la grande dispersion des estimations résumées au tableau 16, il existe encore des incertitudes sur ces estimations à l’échelle globale. L’estimation du flux annuel global d’aérosols désertiques par les modèles reste aujourd‘hui quelque chose de relativement complexe. Ainsi dans le but d’évaluer et d’améliorer les performances des modèles, de nombreuses études sont réalisées en s’appuyant sur des données récoltées lors des campagnes de mesure (BOUET et al., 2007 ; GRINI et al., 2005 ; KINNE et al., 2003 ; TODD et al., 2008 ; ZENDER et al., 2003)

141 Tableau 16 : Récapitulatif des émissions globales annuelles d’aérosols désertiques (en Tg/an) estimées à

partir de différents modèles globaux.

Emission globale annuelle Référence D’aérosols désertiques (T g/an) Schütz (1980) 5000 D’Almeida (1986) 1800-2000 Tegen et Fung (1994) 3000 Duce (1995) 1000-2000 Andreae (1996) 1500 Mahowald et al. (1999) 3000 Penner et al. (2001) 2150 Ginoux et al. (2001) 1814 Chin et al. (2002) 1650 Werner et al. (2002) 1060 ± 194 Tegen et al. (2002) 1100 Zender et al (2003) 1490 ± 160 Luo et al. (2003) 1654 Mahowald et Luo (2003) 1654 Ginoux et al. (2004) 2073 Miller et al. (2004) 1018 Tegen et al. (2004) 1921 Jickells et al. (2005) 1790

La compilation est faite à partir des études de MAHOWALD et al. (2005) ; ZENDER et al. (2004) et ENGELSTAEDTER et al. (2006). BEGUE (2012)

Ces aérosols désertiques contribuent beaucoup à la charge en aérosols dans l'atmosphère, spécialement dans les régions subtropicales et tropicales. Les régions sources de poussières sont principalement les déserts, les lits de lacs asséchés (PROSPERO et al., 2002), des régions plus sèches où la végétation a été réduite soit naturellement, soit sous l’effet de l’activité humaine (TEGEN et FUNG, 1995). SEINFELD et al. (1998) ; GOUDIE (2009) parlent de "régions arides et semi-arides du globe dont la surface est la moins protégée de l’érosion éolienne par une couverture végétale presque inexistante et par une humidité du sol très réduite".

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Figure 41 : Localisation des zones désertiques et des principaux déserts

NICKLING (1994) et SHAO (2000)

D’une manière générale, les zones semi-arides et arides sont définies en fonction de la quantité de précipitation qu’elles reçoivent. Les régions arides sont caractérisées par un taux annuel de précipitation inférieur à 200 mm (BEGUE, 2012).

Au-delà de l’existence de conditions météorologiques et climatiques propices à l’érosion éolienne, la nature des sols joue un rôle important dans le processus d’émission d’aérosols désertiques. La disponibilité de matériel fin à la surface des sols est un facteur déterminant pour les émissions d’aérosols désertiques (WEBB et al., 2006). Des facteurs géologiques, topologiques, biologiques et climatiques contribuent à la formation de particules fines à la surface des sols faisant intervenir divers processus tels que l’érosion hydrique (ECKARDT et KURING, 2005), l’abrasion éolienne (DIETRICH, 1977), la désagrégation des roches (WELLMAN et WILSON, 1965). La désagrégation des roches est un processus qui se produit particulièrement dans des régions arides et très chaudes où des cristaux de sel se développent dans les interstices de la roche exerçant ainsi des pressions capables de la fissurer. L’impact de particules soulevées par le vent sur une surface est une source potentielle de fines particules, qui redéposées conduisent à la formation de sols fins plus facilement érodables : c’est le processus de l’abrasion éolienne.

Selon l’étude que PROSPERO et al. ont menée en 2002, ces derniers répartissent géographiquement les principales zones sources d’aérosols désertiques à l’échelle du globe suivant 9 régions qui sont : l’Afrique du Nord, l’Afrique du Sud, la péninsule Arabique, l’Asie Centrale, la Chine de l’Est, la Chine de l’Ouest, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et

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l’Australie (figure 41). Plus de 85% de la quantité d’aérosols désertiques présents dans l’atmosphère sont émis depuis l’hémisphère Nord, du fait que la majorité des sources sont localisées au sein de cet hémisphère. Parmi ces régions sources, la région nord-africaine représente la première source mondiale d’aérosols désertiques avec en moyenne une production annuelle égale à la moitié de la quantité globale émise annuellement (~1000 Tg) (ZENDER et al., 2003 ; GINOUX etal., 2004 ; ENGELSTAEDTER et al., 2006 ; CAKMUR et al., 2006). Au sein de ces régions sources à l’échelle du globe, les émissions les plus importantes se font à partir de zones très localisées et particulièrement actives appelées « hot spot » (HERMAN et al., 1997). Ces « hot spot » possèdent des caractéristiques (dynamiques, topographiques…) bien spécifiques qui favorisent une émission plus importante.

La figure 42 montre la distribution géographique de 131 « hot spot » identifiés à partir de l’analyse de six années de données issues des observations de TOMS (HERMAN et al., 1997). Cette distribution géographique des « hot spot » montre qu’ils sont majoritairement situés sur le continent africain et asiatique. L’analyse des observations spatiales et des mesures de terrain révèlent l’existence de dépressions topographiques fermées qui peuvent être des sources d’aérosols désertiques particulièrement actives (GINOUX et al., 2001 ; PROSPERO et al., 2002). Ainsi, à titre d’exemple, il peut être cité la dépression de Bodélé (décrit au chapitre VI) qui est située au nord du Tchad, mais également la dépression de Makgadikgadi, qui lui est située au nord-est du Botswana.

Ce sont les caractéristiques de ces « hot spot » qui sont à l’origine des différences du taux d’émission d’aérosols désertiques entre les différentes régions sources à l’échelle du globe.

Figure 42 : Localisation de 131 'hot spots' issus des observations spatiales de TOMS

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Outre la grande diversité des régions sources, l’aérosol désertique est caractérisé par son mode d’apparition. Il est principalement injecté dans l’atmosphère lors d’événements épisodiques mais de forte intensité. Après une élévation rapide dans l’atmosphère, les vents d’altitude le transportent au-dessus de la couche limite sur de grandes distances, loin de sa source d’émission : principalement du désert du Sahara au-dessus de l’océan Atlantique vers les Amériques sous l’effet des alizés, dessus de la Méditerranée vers l'Europe, et aussi des déserts chinois au-dessus de l’océan Pacifique Nord (NOBILEAU,24).

De récentes études conduites à partir d’observations satellitaires (KAUFMAN et al., 2005), ont estimé que 230 Tg de poussières désertiques étaient transportées annuellement depuis l’Afrique entre 20°S et 30°N. D’après le modèle de GONG et al. (2003), 252 Tg de poussières seraient émises à partir des déserts asiatiques entre les mois de mars et mai. Les modèles globaux produisent des résultats très différents dans une gamme de 1000-2150 Tg par an pour les simulations des émissions d’aérosols désertiques et dans une gamme de 8-36 Tg pour les estimations de charge en aérosols dans l’atmosphère (émission par jour et temps de résidence) (ZENDER et al., 2004) (quelques exemples sont présentés au tableau 17)

Tableau 17 : Les émissions annuelles, le temps de résidence moyen et la charge moyenne en aérosols désertiques dans l’atmosphère

Référence Émission Tg par an Temps (Jours) Masses (Tg) (Andreae, 1996) (Ginoux et al., 2001) (Tegen et al., 2003) (Zender et al., 2003) (Luo et al., 2003) 1500 1814 1100 1490 1654 4 7.1 7.4 4.3 5.1 8.4 35.9 22.2 17.4 23

D’après ZENDER et al. (2004)

L’incohérence de ces estimations de l’émission et du temps de résidence moyen des aérosols désertiques vient du fait de l’utilisation, pour les calculer, de différentes méthodes n’ayant pas les mêmes contraintes (transport, processus de dépôt, base de données incorporée, etc.).

De nombreuses études portant sur les aérosols désertiques sont liées à leur contribution au bilan radiatif terrestre et donc à leur influence sur le climat. Les propriétés microphysiques et optiques des poussières minérales sont complexes et variables, y compris dans leur forme et leur composition minéralogique. Le domaine de taille des aérosols désertiques est suffisamment large pour permettre à la fois la rétrodiffusion et l’absorption du rayonnement solaire dans le visible, et l’absorption du rayonnement tellurique dans l’infrarouge (LI et al., 1996 ; SOKOLIK et

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TOON, 1996 ; HAYWOOD et BOUCHER, 2000). Ces aérosols sont par conséquent des acteurs importants du bilan radiatif terrestre.

En raison de changements spatio-temporels rapides dans leur concentration, les aérosols désertiques ne sont pas, à l’heure actuelle, suffisamment bien décrits dans la littérature, en particulier en ce qui concerne la détermination de leur forçage radiatif (SOKOLIK et al., 2001). Celui-ci est défini comme la modification du bilan radiatif terrestre qui résulte de la présence d’aérosols introduits par des activités humaines actuelles, par rapport à la situation de référence de l’année 1750 (NOBILEAU25). Les moyennes globales des estimations du forçage radiatif des aérosols désertiques sont actuellement fortement incertaines, et ce dans l’intensité et même le signe du forçage, entre - 0,6 et + 0,4 Wm-2 (IPCC, 2001). L’incertitude sur le signe du forçage provient en grande partie de l’incertitude sur la valeur de l’albédo de simple diffusion des aérosols qui contrôle leur capacité à absorber le rayonnement solaire.

La rétrodiffusion du rayonnement solaire vers l’espace par les aérosols induit en moyenne une diminution de la valeur du bilan énergétique au sommet de l’atmosphère et donc un forçage radiatif négatif. Localement, le forçage radiatif direct des aérosols désertiques peut représenter jusqu'µa -60 Wm-2 à la surface (MILLER et TEGEN, 1998). La présence au-dessus de l’océan d’un aérosol absorbant le rayonnement solaire renforce le forçage négatif à la surface et la diminution de l’évaporation. Mais l’absorption du rayonnement par l’aérosol provoque aussi un réchauffement des couches atmosphériques qui le transportent. Le bilan entre ces deux effets est encore incertain.

Les gradients thermiques associés à la distribution verticale des aérosols absorbants sont susceptibles de modifier la stabilité verticale de l’atmosphère et d’affecter la convection (BROOKS et LEGRAND, 2000).

Tandis que la plupart des aérosols atmosphériques interagissent seulement avec le rayonnement visible, les aérosols désertiques présentent également des propriétés absorbantes pour le rayonnement tellurique, provoquant ainsi un réchauffement de l’atmosphère dû à leur absorption dans les grandes longueurs d’onde (SOKOLIK et al., 1998).

Les aérosols désertiques sont initialement hydrophobes ce n’est au cours de leur transport sur de longues distances et suite à diverses actions qu’ils deviennent hydrophiles. Dans ce sens

NOBILEAU nous souligne que d’après des études en Méditerranée, LEVIN et GANOR (1996)

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ont montré que les aérosols désertiques, initialement hydrophobes, peuvent se transformer en noyaux de condensation. Cette transformation fait suite au "vieillissement" de l’aérosol lors de son séjour dans l’atmosphère. Pendant leur transport sur de longues distances, ils se modifient à la suite d’interactions avec la pollution (FAN et al., 2004), ou par le dépôt sur leur surface de matériel soluble tel que le sulfate ou le nitrate. De telles modifications les rendent hydrophiles et les transforment en noyaux de condensation pour la vapeur d’eau, entraînant la formation de gouttes de grande taille et donc de précipitations.

Cependant, ROSENFELD et al. (2001) ont observé que l’apport d’aérosol désertique pourrait également supprimer des précipitations.

S’il est admis que les aérosols désertiques exercent des effets certains sur climat, il est aussi à préciser que les changements climatiques sont susceptibles d’influencer fortement les émissions des aérosols désertiques en terme de localisation et d’intensité, ainsi que les conditions de leur transport. En effet, les paramètres météorologies (vent, pluviométrie) contrôlent les émissions d’aérosols désertiques.

Enfin d’après BIAN et ZENDER, 2003 ; MARTIN et al., 2003, les aérosols désertiques affectent également la variabilité des taux de photolyse et les réactions hétérogènes de l’ozone dans la troposphère par changement de l’intensité des rayonnements UV.

Si aujourd’hui l’on s’intéresse aux aérosols et particulièrement aux aérosols désertiques pour deux raisons principales ; leurs effets radiatifs aux échelles globale et régionale et à leurs impacts sanitaires à l’échelle locale, on doit tout d’abord comprendre que chacun de ces effets est la résultante des propriétés à la fois optiques et physico-chimiques de ces aérosols désertiques.

2.1. Propriétés physico-chimiques et optiques 2.1.1. Distribution en taille des aérosols désertiques

La distribution granulométrique est un paramètre déterminant car elle va influencer les

propriétés optiques de la population d’aérosols, et également leur efficacité à interagir avec le rayonnement solaire et tellurique.

Les aérosols désertiques présentent une distribution massique dont le diamètre médian équivalent (correspondant au maximum de concentration) se situe entre 1 et 10 µm. Cette distribution massique atteint son maximum près des sources.

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La distribution granulométrique proposée par ALFARO et GOMES (2001) dans ses travaux en soufflerie est très largement utilisée dans de nombreux schéma d’émission et est aujourd’hui implémentée dans de nombreux modèles associant un modèle de saltation et un modèle de

sandblasting (CRUMEYROLLE)26. Cette distribution permet de déterminer un spectre

granulométrique de l’aérosol désertique tri-modal centrés sur 1.5 μm, 6.7 μm, et 14.2 μm (rayons médians de 0.75, 3.35 et 7.1 𝜇m) (MALAVELLE27; CRUMEYROLLE, 2008 ; BEGUE, 2012). Les études numériques s’appuyant sur cette distribution montrent que cette distribution représente assez bien le flux massique des émissions d’aérosols désertiques (BOU KARAM et al., 2009 ; CRUMEYROLLE et al., 2010 ; SOW et al., 2011).

La distribution dimensionnelle des particules va dépendre des conditions météorologiques (vitesse du vent) responsables du soulèvement des poussières, du type de sols sources, de la rugosité de la surface et des processus de vieillissement. Ce qui fait qu’il n’est pas évident de définir une distribution universelle (OSBORNE et al., 2008 ; WEINZIERL et al., 2009).

Les mesures de terrain ont montré que la distribution granulométrique des aérosols désertiques nord africains peut présenter un ou plusieurs modes. Il a ainsi été répertorié dans le tableau 18 quelques exemples de rayons médians caractérisant les distributions granulométriques (en nombre) des aérosols désertiques obtenues par des observations issues de différentes stations nord africaines.

Tableau 18 : Exemple de rayons médians caractérisant les distributions granulométriques (en nombre) des aérosols désertiques obtenues par ajustement lognormale des observations issues de différentes stations

nord africaines

Référence Localisation Instruments/Méthodes Rayon Médian (µm)

D’Almeida (1987) Sénégal/Mali/Niger Inversion photométrique 0.08/ 1.6/5 Tanré et al., 2001a Niger Inversion photométrique 0.3/ 1.5/2 Masmoudi et al., 2003 Tunisie Inversion photométrique 1.3/ 3.8 Crumeyrolle et al., 2008

Mali/Niger

SMPS (Scanning Mobility Particule Sizer)/ OPC (Optical

Particles Counter)

0.03/ 0.1/ 0.3 El-Metwally et al., (2008) Egypte Inversion AERONET 1.5/ 4

Kandler et al., (2009) Maroc

DMPS (Differential Mobility Particle Sizer)/ APS (Aerodynamic Particle Sizer)

0.04/ 0.7/ 15

Source : BEGUE (2012)

26 Op.cit.

27MALAVELLE F., 2011. Effets direct et semi-direct des aérosols en Afrique de l'ouest pendant la saison sèche. Thèse de Doctorat, Université Toulouse III Paul Sabatier (UT3 Paul Sabatier), Discipline ou Spécialité : Physique de l'Atmosphère, E.D. Sciences de l'Univers, de l'Environnement et de l'Espace (SDU2E), Unité de Recherche : Laboratoire d'Aérologie UMR 5560, 205p.

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La distribution granulométrique massique des aérosols désertiques s’étend sur une gamme de rayon allant de 0.5 μm à 5 μm. Lors d’évènements particuliers, tels que des soulèvements important de poussière, le diamètre médian des particules d’aérosol du mode grossier atteint même des valeurs proches de 20 μm et seulement 10 % de la masse des poussières se trouve dans la fraction submicronique (TEGEN et al., 2002 ; LUO et al., 2003).

La distribution massique des aérosols désertiques est donc largement dominée par les particules du mode grossier. Cependant, CRUMEYROLLE et al. (2010) ont dernièrement mis en évidence, grâce à l’instrumentation aéroportée utilisée durant la campagne AMMA (Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine), la présence d’un mode fin centrée sur 80 nm dominant la distribution en nombre. La présence de ce mode fin peut également être observée dans les résultats des inversions des stations du réseau AERONET (AEronet RObotic NETwork) présentes notamment en Afrique depuis une dizaine d’année et fournissant la distribution en taille des particules. Lors encore d’autres campagnes de mesure [SHADE (SaHAran Dust Experiment) ; DODO (Dust Outflow and Deposition to Ocean), AMMA (Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine) ; SAMUM (SAharan Mineral dUst ExperiMent)] réalisées en Afrique du Nord, il a pu être observé la présence de ce mode fin dominant la distribution granulométrique en nombre des aérosols désertiques (tableau 6). Bien que la masse résultante soit inférieure à la masse des modes plus gros, ce nouveau mode fin de poussières désertiques est à considérer à la fois pour la distribution en nombre et la distribution en masse. Notons que la distribution granulométrique d’un aérosol désertique différent suivant sa proximité et son éloignement de sa source. Par exemple au-dessus des zones sources, D’ALMEIDA (1987) trouve une distribution granulométrique composée de trois modes centrés sur 0.16 μm 3.19 μm et 10 μm, tandis que HAYWOOD et al (2001) étudient la distribution des aérosols sahariens au-dessus de l’océan atlantique et montrent la présence de trois modes centrés sur 0.12 μm, 2 μm et 5 μm.

Les différences entre ces deux jeux de données montrent que les diamètres du mode grossier et du mode d’accumulation diminuent de façon relativement importante (facteur 2) lors du transport. Les différences dimensionnelles après transport des poussières désertiques sont dues à la durée de vie assez limitée des poussières désertiques dans l’atmosphère, environ quatre à cinq jours (CRUMEYROLLE28). Le transport de ces particules donne lieu à plusieurs mécanismes, comme la coagulation avec d’autres types d’aérosols, la sédimentation, etc. De ce fait, le spectre

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granulométrique des particules évolue vite au cours du transport. Les particules les plus grosses, donc les plus lourdes, sédimentent rapidement (SCHÜTZ, 1980 ; SCHÜTZ et al., 1981), tandis que le diamètre des plus fines peut évoluer par coagulation (SEINFELD et PANDIS, 1998). Les incertitudes des modèles sont relativement importantes, c’est pourquoi il est nécessaire de disposer d’observations fiables pour valider et contraindre les différents modèles.

En somme, la distribution granulométrique est cruciale car elle va piloter le transport des aérosols désertiques et également leurs propriétés optiques. La présence du mode grossier est particulièrement importante en terme de forçage radiatif car c’est le mode le plus absorbant dans le spectre visible (REID et al., 2003 ; McCONNELL et al., 2008). Cependant, l’évaluation in-situ des paramètres qui définissent ce mode reste compliquée. Les estimations pouvant varier selon les méthodes utilisées (REID et al., 2003 ; McCONNELL et al., 2008). Ainsi le mode grossier constitue aujourd’hui encore une source d’incertitude importante dans l’estimation des effets radiatifs des aérosols désertiques.

2.1.2 Composition chimique et hygroscopicité des aérosols désertiques

La composition minérale est le paramètre qui gouverne l’indice de réfraction complexe et qui est donc responsable en partie de la variabilité des propriétés optiques des aérosols minéraux. Les poussières désertiques sont composées d’un mélange de minéraux tel que le quartz, le feldspath, l’argile (illite, kaolinite, polygorskite…) quelques fois associées à de la calcite. Parmi les minéraux argileux, l’illite est l’élément dominant, présent dans des proportions allant souvent jusqu’à 60% de la masse, parfois plus (GLACCUM et PROSPERO, 1980). Son importante quantité dans les sols désertiques, et donc sa présence dans les aérosols qui en sont issus, s’explique par le fait que l’illite est un produit de l’altération commun à de nombreux silicates (MILLOT, 1964). Cette espèce argileuse se trouve donc être ubiquiste (omniprésent) dans les aérosols minéraux : elle est majoritaire dans plusieurs aérosols sahariens, au sein des zones sources (PAQUET et al., 1984), au niveau de l’Atlantique Nord (COUDE-GAUSSEN et