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Chapitre I : Contexte scientifique, Cadre théorique et conceptuel, Méthodologie et

3. Analyse conceptuelle

3.1. Le concept d’aérosol

Le terme aérosol a été utilisé pour la première fois à la fin de la Première Guerre mondiale pour décrire des nuages de particules microscopiques et submicroniques utilisées à des fins militaires (guerre chimique et bactériologique, écran de particules pour affecter la visibilité et masquer les troupes en opération). Il a été introduit par analogie avec celui d’hydrosol, qui correspond à des particules en suspension dans un liquide.

Aérosol est un terme générique désignant tout système de particules solides ou liquides en suspension dans un milieu gazeux ; ce dernier étant l’air lorsque l’on parle de l’aérosol atmosphérique (FRIEDLANDER, 1977 cité par FALLY1). Plusieurs définitions sont données à cette notion d’aérosol atmosphérique. TOMBETTE2 entend d’aérosol atmosphérique, toute particule en suspension dans l'air, c'est-à-dire la phase condensée sous forme liquide et solide, à l'exclusion de celle liée à l'eau. Il s’agit d’un système complexe polydispersé et inhomogène (c’est-à-dire contenant des particules de taille et de composition différentes), formé d’une mixture de particules originaires de sources diverses et ayant des comportements différents. L’aérosol atmosphérique est instable ; sa composition, sa distribution de taille et la phase dans laquelle se trouvent les particules (liquide, solide) sont fortement variables dans le temps et dans

1FALLY S. 2001, Composition, propriétés et comportement des aérosols atmosphériques, des brouillards, des rosées et des pluies en région bruxelloise, Thèse de doctorat, Sciences de la Terre et de l’Environnement, Faculté des Sciences, Université Libre de Bruxelles, 418p.

2TOMBETTE M., 2007, Modélisation des aérosols et de leurs propriétés optiques sur l'Europe et l'Ile de France : validation, sensibilité et assimilation de données. Thèse de doctorat, spécialité sciences et techniques de l'environnement, Ecole nationale des ponts et chaussées, 274p.

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l’espace (SPURNY, 1987). Sa composition est en effet continuellement modifiée par des processus physiques et chimiques de transformation et d’élimination.

Différents termes sont utilisés pour décrire des types de particules d’aérosols, et cela suivant la forme, le comportement, l’origine des particules, etc., mais cette terminologie n’est pas toujours respectée3. Les poussières (dust en anglais) sont des particules solides, le plus souvent supérieur à 1μm, mises en suspension par des procédés mécaniques tels que l’érosion éolienne (exemples : tempête de sable, cendres, poussière de route, pollens). Le terme « fumée » (en anglais smoke ou fume) s’applique à des particules en général plus fines provenant d’une combustion. En anglais « fume » est réservé à des particules plus fines provenant de la condensation d’une vapeur. Les brouillards (en anglais fog ou smog) sont formés par une suspension de particules liquide résultant de la condensation d’une vapeur, ou encore d’une pulvérisation. Dans l’atmosphère près du sol on utilise le terme brouillard lorsque la visibilité est réduite à moins de 1 kilomètre. Les particules ont une dimension supérieure à 5μm.

Les brumes (mist ou haze en anglais) sont constituées par des gouttelettes plus petites ou par des particules plus solides. Elles correspondent à un trouble de visibilité moins important que les brouillards, sauf cas exceptionnel de brume sèche dans les régions désertiques ou semi désertiques. Notons que la langue anglaise, plus riche dans ce domaine, divise les brumes en haze (que l’on peut encore traduire par voile atmosphérique) et mist, et les brouillards en fog et smog. Ce dernier est un mélange de fumées, de polluants et de particules d’eau, que l’on trouve dans les villes polluées.

Selon FONTAN4 d’autres terminologies sont utilisées dans le domaine des aérosols. Les PM (Particules de Matière) 10, PM 2,5 et PM 1) sont respectivement des particules dont la dimension est inférieure à 10 μm, 2,5 μm et 1 μm. Ce sont des mesurées par leur masse. Elles proviennent de sources diverses : l’érosion éolienne, l’érosion marine, l’activité industrielle qui rejettent directement des particules à la suite de combustion incomplètes, mais aussi de procédés divers de fabrication.

Les aérosols sont donc par définition, les particules liquides ou solides en suspension dans l’air (exception faite des hydrométéores). Leurs diamètres typiques couvrent quatre à cinq ordres de grandeur (SEINFELD et PANDIS, 2006), de quelques nanomètres à quelques dizaines de micromètres. Ils présentent un large éventail de compositions chimiques et de formes, qui

3FONTAN J., 2004, Les Pollutions de l’air, les connaître pour les combattre, paris, vuibert nouvelle édition, 211p. 4 Op. cit.

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dépendent de leurs origines et de leur évolution dans l’atmosphère. Dans de nombreux domaines, les aérosols d’environ 0.05 à 10 μm de diamètre présentent le plus grand intérêt. Par exemple, c’est pour cette gamme de taille que les particules interagissent le plus efficacement avec le rayonnement électromagnétique solaire et tellurique.

3.2. Le concept de lithométéore

Les brumes sèches, brumes de poussières, chasse-sable (poussière) et tempêtes de poussières (sables) sont les principaux aérosols désertiques caractérisant l’extrême Nord-Sénégal. Ces types de temps sont plus connus sous une terminologie générale "Lithométéore".

Lithométéore découle du grec, lithos "Pierre" et meteôros "élevé dans les airs". Connu en

anglais sous le terme "lithometeor", un lithométéore est défini par l’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM) dans l’Atlas international des nuages (1973) comme « un météore consistant en un ensemble de particules dont la plupart sont solides et non aqueuses et qui se trouvent plus ou moins en suspension dans l’atmosphère ou soulevées par le vent ». Ces aérosols désertiques sont de véritables types de temps caractéristiques des régions arides et semi-arides. Certes, ces lithométéores observés à l’extrême Nord-Sénégal ont connu, comme d’ailleurs c’est le cas dans tout le Sahel, un accroissement très remarquable depuis les premières années de la grande sécheresse climatique, mais il est à noter que ces phénomènes étaient connus depuis des décennies sous le nom de vents de sable. Déjà, tout au début des années cinquante DUBIEF (1952, 1953) utilisait cette notion de vent de sable pour parler de ces lithométéores sans chercher à y déterminer une quelconque typologie. Ne pensait-il pas comme Coudé-Gaussen et Rognon lorsque ces derniers affirmaient qu’« il est illusoire de vouloir distinguer vents de sables et vents de poussières,… ». En fait, DUBIEF justifiait son souci par le fait que « les observateurs ne possédant pas de critères précis pour savoir quand il est justifié de noter "vent de sable", en sont réduits à leurs impressions personnelles. Celles-ci seront nécessairement différentes d’un individu à l’autre, variables pour l’un d’entre eux au cours de son séjour. Un nouveau venu aura tendance à noter trop de vents de sable, un ancien à ne signaler que des tempêtes. […]. En bref, ces observations sont entachées d’un coefficient personnel important ». Ceci est d’autant plus vrai que la plupart des études relatives aux lithométéores est basée sur le critère de visibilité pour mesurer ces phénomènes. On comprend alors toute la complexité typologique des lithométéores. Cependant, malgré les difficultés énormes de caractérisation des types lithométéoriques, une différence manifeste existe entre les brumes sèches, les brumes de poussières, les chasse-sable et les tempêtes de poussières.

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Il importe de noter à priori que les lithométéores différent les uns des autres selon qu’ils résultent d’une suspension dans l’atmosphère ou qu’ils soient directement mobilisés par le vent. Les

brumes sèches et les brumes de poussières constituent les poussières en suspension alors que

les chasses-sables et les tempêtes de poussières caractérisent la catégorie directement mobilisée par le vent. Alors que les premières (les brumes sèches et les brumes de poussières) correspondent à une situation postérieure à un soulèvement de particules fines, la deuxième catégorie (les chasse-sable et les tempêtes de poussières) caractérise un phénomène qui associe pleinement la dynamique éolienne et le transport des particules.

Si NOUACEUR (2004) soutenait que « l’appréciation du phénomène lithométéorique est assez subjective, les définitions de l’atlas météorologique sont incomplètes, dans la mesure où la description du type de temps reste insuffisante puisqu’elle ne fait pas état du phénomène déclencheur, force du vent et turbulence dynamique ou thermique », ce souci semble résolu, la force du vent est à présent reconnu comme critère fondamental de caractérisation de ces aérosols désertiques même si la capacité de déflation d’un vent d’une force quelconque dépendra aussi de la nature du sol, de l’état de sa surface et de son degré de sécheresse. Les chasse-sable et les tempêtes de poussières ne se déclenchent que lorsque les vents atteignent des vitesses assez fortes permettant une déflation, un soulèvement de particules et leur transport. NOUACEUR5 notait d’ailleurs dans ce sens qu’il ne peut avoir de tempêtes de sable (de poussière) que lorsqu’on a des vents de vitesses généralement supérieures à 6 m/s. Par contre, pour les brumes sèches et les brumes de poussières, puisqu’il s’agit de phénomène de poussières suspension, leur manifestation ne se note qu’en « temps relativement calme pour permettre la suspension durable des particules fines ».

La description typologique des lithométéores nous paraissant la plus claire est celle faite par l’OMM dans l’Atlas international des nuages (1973) :

3.3. Les notions de brume sèche, brume de poussières, chasse-sable, tempête de poussière

Brume sèche, de symbole "∞", brume sèche est définie comme une "suspension dans

l’atmosphère de particules sèches, extrêmement petites, invisibles à l’œil nu et suffisamment nombreuses pour donner à l’air un aspect d’opalescence". Malgré qu’elles ne puissent être distinguées à l’œil nu, elles réduisent néanmoins la visibilité et donnent à l’air une apparence

5NOUACEUR Z., Juin 2002, « Les litho météores : des types de temps caractéristiques des régions arides et semi-arides », Université de Rouen, Laboratoires d'études du développement des régions semi-arides, Science et changements planétaires/Sécheresse. Volume 13, Numéro 2, Notes méthodologiques, pp 87-93,

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caractéristique de fumée (brumeuse et opalescente). La brume sèche (haze en anglais) produit une voile uniforme au-dessus du paysage et en attenue les couleurs. Le voile à une teinte bleutée lorsqu’il est contre un fond foncé ou contre des objets sombres mais une teinte jaunâtre ou orangée lorsqu’il est contre un fond blanc (nuage à l’horizon, Soleil…), OZER6 parle d’une teinte jaunâtre ou rougeâtre communiquée aux objets lointains et brillants ou aux lumières devant lesquels la brume sèche est interposée. L’OMM préconise l’utilisation du terme brume sèche seulement lorsque ce lithométéore réduit la visibilité à moins de cinq kilomètres. Notons cependant que des chercheurs ont toutefois utilisé une variété importante de visibilités limites pour décrire ce type de lithométéore comme il est d’ailleurs le cas pour les autres types. Les brumes sèches correspondent au nombre « 05 » dans le code du temps présent (ww) que l’on retrouve dans les carnets d’observations.

Brume de poussières, de symbole "S" est définie par l’OMM (dans le guide de

l’observateur météorologistes, 1975) comme : "poussières en suspension dans l’air d’une manière généralisée, non soulevées par le vent au point d’observation ou à ses alentours au moment de l’observation". Les brumes de poussières possèdent les mêmes caractéristiques que les brumes sèches à la seule différence que les brumes de poussières sont marquées par une présence d’un dépôt de poussières au sol en leur présence contrairement aux brumes sèches qui sont caractérisées par une absence de dépôt de particules de poussières. À noter que les brumes de poussières (en anglais dust haze) correspondent au nombre « 06 » dans le code du temps présent (ww) que l’on retrouve dans les carnets d’observations.

Chasse-sable et Tempêtes de poussières sont les lithométéores constitués d’ensembles

de particules soulevées par le vent. Les chasse-sable ou chasse-poussières (en anglais "drifting ou blowing dust ou sand" sont définies comme "ensemble de particules de sable ou de poussières soulevées du sol, au lieu de l’observation ou dans son voisinage, à des hauteurs faibles ou modérées, par un vent suffisamment fort et turbulent". Cependant malgré que le déclenchement de ce type de lithométéore nécessite un vent fort et turbulent, NOUACEUR7 souligne qu’il n’y a pas lieu d’observer de tourbillon et de tempêtes de poussière ou de sable lorsque ce type de temps se manifeste.

6OZER P., 2001. Les Lithométéores en région sahélienne, un indicateur climatique de la désertification, GEO-ECO-TROP, Revue internationale d’Ecologie et de Géographie tropicales, vol. 24, 327p.

7NOUACEUR Z. 2004, « Brume sèche, brume de poussière, chasse-sable et tempête de sable », Norois, mis en ligne le 09 septembre 2008, consulté le 31 mars 2014. URL : http://norois.revues.org/1188 ; DOI : 10.4000/norois.1188

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Du fait que les chasse-sable peuvent se manifester aussi bien à des hauteurs faibles qu’à des hauteurs modérées, OZER8 a bien raison de parler de chasse-sable ou chasse-poussière bas et chasse-poussière ou chasse-sable élevées.

Pour les premières, l’OMM les définit comme "poussières ou sable, soulevés par le vent à faible hauteur au-dessus du sol. La visibilité n’est pas sensiblement réduite au niveau de l’œil de l’observateur (1m80)". Ne serait-il pas intéressant, toujours dans le souci de clarté des caractéristiques des chasse-sable (ou poussière) que l’OMM notait déjà en 1956 dans l’Atlas International des Nuages que pour celles à faible hauteur "les obstacles peu élevés sont voilés ou masqués par la poussière ou le sable en mouvement. La trajectoire des particules de poussière ou de sable est sensiblement parallèle à la surface du sol".

Pour les chasse-poussière (ou sable) à hauteur modérée ou assez élevée, l’OMM les définit dans Vocabulaire Météorologique International (1966) comme "poussière ou sable, soulevés par le vent jusqu’à des hauteurs assez importantes au-dessus du sol. La visibilité au niveau de l’œil de l’observateur est réduite de façon sensible". Elle (l’OMM) y ajoute que "la concentration des particules de poussière ou de sable est parfois suffisante pour voiler le ciel et même le soleil". En outre, à faible hauteur ou à hauteur élevée, les chasses-sable ou chasse-poussière (de symbole "$") correspondent au nombre "07" dans le code du temps présent (ww) que l’on retrouve dans les carnets d’observations.

S’agissant des tempêtes de poussière ou de sable l’OMM les définit comme un "ensemble de particules de poussières ou de sable puissamment soulevées du sol par un vent fort et turbulent, jusqu’à de grandes hauteurs" NOUACEUR9 ajoute à cette définition qu’il s’agit bien de "tempête de poussière ou de sable observée au moment de l’observation en vue du point d’observation, ou à ce point pendant l’heure précédente". OZER10 a tout à fait raison de souligner le caractère rarissime de ce type lithométéorique dans certaines stations. Dans les stations de Matam, Podor et Saint-Louis, cette affirmation est vérifiable. De 1965 à 2014 (notons que nous avons juste retenu cette période pour vérifier cette affirmation du fait qu’elle constitue notre période d’étude dans le cadre de cette thèse), seule l’année 1986 a enregistré jusqu’à 15 jours de tempêtes aux stations de Matam et de Podor et jamais une année n’a enregistré plus de 6 jours de tempêtes de poussières à la station de Saint-Louis. La moyenne interannuelle n’est que de 03 jours aux

8 Op.cit. 9 Op.cit. 10 Op.cit.

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stations centre et est de l’extrême Nord-Sénégal et de seulement 02 jours à la station ouest de la zone.

Les tempêtes de poussières ou de sable (de symbole –S→) correspondent aux nombres "09 et 30 à 36" suivant leur violence et leur état de maturité dans le code du temps présent (ww) que l’on retrouve dans les carnets d’observations (OZER11).

En conclusion cette analyse conceptuelle des types de lithométéores (Brume sèche, Brume de poussières, Chasse-sable, Tempête de poussières) caractéristiques des stations de l’extrême Nord-Sénégal, il est à noter que malgré l’existence d’une typologie variée et des caractéristiques assez différentes entre brumes sèches, brumes de poussières, chasse-sable et tempêtes de poussières, toutes ont une genèse soumise à une dualité climatique et édaphique. Pour le facteur climatique, il s’agit d’abord du vent (agent d’érosion), qui conditionne l’arrachage, le soulèvement et transport des particules. Le second facteur climatique est la turbulence de l’atmosphère qui conditionne la suspension des particules et la durabilité de cette suspension. Pour le facteur édaphique, il s’agit de l’érodabilité du sol qui détermine à priori l’arrachage des particules quel que soit la force du vent.

L’importance de la dualité climatique et édaphique dans la genèse des lithométéores n’est pas seulement du fait qu’elle constitue le dénominateur commun de ces différents types de temps, mais aussi qu’elle "aboutit à une localisation géographique si l’on considère le facteur pédologique et une caractérisation saisonnière et zonale si l’on prend en compte le paramètre climatique" (LEGRAND, 1990).