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2. Le processus de la digestion anaérobie

2.4. Les spécificités de la digestion anaérobie par voie sèche

Les conditions décrites dans la partie précédente s’appliquent quel que soit le procédé de méthanisation utilisé. Cependant, d’autres paramètres, tels que le ratio C/N, le taux d’humidité, l’inoculation ou la taille des particules, influencent le déroulement du processus de digestion anaérobie. Chacune des voies solide ou liquide possède ses propres spécificités concernant ces derniers. Dans ce paragraphe, seules les influences sur la voie solide seront présentées.

2.4.1. Le ratio C/N

Le ratio C/N donne une indication sur l’équilibre nutritif des substrats à valoriser. Le carbone sera utilisé par les microorganismes comme source d’énergie et l’azote est un nutriment essentiel pour le développement de ces mêmes microorganismes. Si la quantité d’azote est trop faible, la croissance des microorganismes sera ralentie, la dégradation de la matière organique sera freinée et le rendement en méthane amoindri. Dans le cas contraire, une concentration en azote trop élevée peut conduire à une accumulation d’azote ammoniacal, toxique pour les microorganismes (cf. § 2.3.2).

Plusieurs auteurs s’accordent à donner un ratio optimal compris entre 20 et 30 (Jha et al., 2011; Kothari et al., 2014; Wang et al., 2014). Hills (1979) préconise un ratio de 25 pour la digestion de fumiers de vaches laitières. D’autres études mentionnent des ratios C/N optimaux inférieurs à 20, laissant penser que le ratio optimal dépend du substrat digéré. La co-digestion de boues de STEP et d’oignons, par exemple, est optimale pour un ratio C/N de 15 (Romano & Zhang, 2008). Celle d’ordures ménagères et de canne de maïs présente un ratio optimal entre 15 et 18 (Kothari et al., 2014). Dans tous les cas, l’équilibre des nutriments, et en particulier le ratio C/N, peut être ajusté par ajout de co-substrats (Callaghan et al., 1999; Zhang et al., 2008).

L’efficacité du ratio C/N est également dépendante du procédé mis en œuvre. Wang et al. (2014) ont montré que le ratio C/N optimal était corrélé à la température. Pour un même mélange de fumiers de bovins, de fientes de volailles et de paille de riz, les ratios C/N optimum étaient de 26 et 31 en conditions mésophiles (35°C) et thermophiles (55°C) respectivement. L’augmentation de la température accélère la dégradation et la solubilisation de l’azote organique, qui doit être contrebalancée par un ajout de carbone pour éviter l’inhibition de la digestion anaérobie.

2.4.2. Le taux d’humidité

Pour être assimilés par les microorganismes, les nutriments doivent être dissous dans une phase aqueuse, faisant de l’eau un élément essentiel au bon fonctionnement de la digestion anaérobie

(Lay et al., 1997). De ce fait, augmenter le taux d’humidité permet d’augmenter le taux de croissance des microorganismes (Pommier et al., 2007), et en particulier des méthanogènes (Lay et al., 1997). La biodégradation de la matière organique se trouve accélérée et les rendements de méthane améliorés (Pohland & Kang, 1975). Le taux d’humidité influence particulièrement les phases de croissance et de stabilisation de la digestion par voie sèche (Motte et al., 2013).

Du point de vue physique, un taux d’humidité trop faible peut causer des problèmes d’accessibilité de la matière (organique, métabolites et nutriments) et de transfert de masse (Abbassi-Guendouz et al., 2012; Pommier et al., 2007; Yang et al., 2015). Le modèle de Martin (2001) permet de bien comprendre ces phénomènes. Le massif solide est représenté sous forme de six couches empilées et linéaires où les échanges de matière se font par diffusion. La première couche est un noyau ensemencé autour duquel les conditions sont très acides et les dernières couches regroupent les méthanogènes, suffisamment éloignées du noyau acide pour être actives. Dans un tel modèle, le manque d’humidité ralenti fortement la diffusion des métabolites et par conséquent la dégradation de la matière organique. Bollon et al. (2013) appuient d’ailleurs ces hypothèses avec des données numériques : en augmentant le taux de MS d’un substrat de 8 à 25%, le coefficient de diffusion d’un traceur, l’iode, est 50 à 185 fois plus petit que dans l’eau pure.

Pour permettre une dégradation optimale, l’humidité pour la méthanisation par voie sèche correspond à la capacité au champ du substrat, c’est-à-dire à sa capacité maximale de rétention d’eau (Benbelkacem et al., 2010), ce qui permet la dilution de composés inhibiteurs dans le solide (Sanphoti et al., 2006).

2.4.3. L’inoculation

L’inoculation d’un réacteur de méthanisation permet d’introduire l’ensemble des microorganismes responsables de la digestion anaérobie dans le substrat, et en particulier les microorganismes méthanogènes actifs. La présence de ces dernières permet d’éviter une inhibition due à une acidogenèse trop importante et une accumulation d’AGV (Chugh et al., 1998). Elle se fait le plus souvent par l’ajout d’un digestat (liquide ou solide) au substrat brut à dégrader (Ward et al., 2008; Xu

et al., 2013). L’utilisation de la biomasse contenue dans le rumen bovin est aussi souvent utilisée comme inoculum pour faciliter la dégradation de substrats lignocellulosiques et de fumiers (Budiyono et al., 2009; Hu & Yu, 2006; Kivaisi et al., 1992). L’efficacité de l’utilisation d’un inoculum liquide par rapport à un inoculum solide n’a été que très rarement étudiée. Seules deux études ont été recensées avec des résultats différents selon le substrat valorisé. Han et al. (2014) ont montré que dans le cas de paille de maïs, l’utilisation d’un inoculum liquide permettait d’augmenter de 26% le volume de méthane cumulé par rapport à un inoculum solide, pour des ratios équivalents en termes de matière volatile. Dans l’étude de Xu et al. (2016) les réacteurs chargé avec des déchets verts ont montré des performances équivalentes quel que soit le type d’inoculum employé. Dans les travaux cités ci-après, le choix d’un inoculum solide ou liquide n’est pas justifié mais l’importance du ratio substrat / inoculum (S/X) a été discutés.

Le ratio S/X agit principalement sur la phase de démarrage d’un digesteur, aussi appelée phase d’adaptation (Motte et al., 2013; Ward et al., 2008). Un ratio S/X élevé (peu d’inoculum), allonge la durée de la phase d’adaptation (Fernández et al., 2001; Motte et al., 2013). Dans le cas de réacteurs « batch », le manque d’inoculum liquide induit une accumulation d’AGV et un faible rendement de méthane pour des substrats lignocellulosiques, type résidus de culture (Motte et al., 2013).

Cependant, les quantités d’inoculum ajoutées dépendent du substrat valorisé. Alors que les fumiers de bovins ne nécessitent que 10% en volume d’inoculum solide (El-Mashad et al., 2006), la valorisation des cultures énergétiques demande plus de 70% en volume d’inoculum (Weiland, 2010). Par ailleurs, El-Mashad et al. (2006) préconisent un ajout régulier d’inoculum solide, associé à un mélange homogène S/X pour favoriser la dégradation des fumiers de bovins dans des réacteurs continu ou semi-continus.

2.4.4. La taille des particules

Le broyage des substrats est un prétraitement souvent utilisé sur les unités de méthanisation à grande échelle (Barakat et al., 2013). Il permet d’améliorer le rendement de biogaz et d’accélérer la dégradation de la matière organique en facilitant la solubilisation des intermédiaires réactionnels, en

augmentant la surface d’échange avec les microorganismes et en facilitant l’homogénéisation du substrat (Sharma et al., 1988; Silva & Rouau, 2011; Yang et al., 2015).

Plusieurs études montrent cependant des résultats contradictoires. Palmowski and Müller (2000) ont montré que l’effet du broyage était avéré surtout sur les substrats difficilement biodégradables tels que les feuilles d’érables. D’autres substrats comme des pommes, des carottes ou des pommes de terre n’ont montré aucune augmentation de leur production de méthane après broyage. Pour les déchets de cuisine, Izumi et al. (2010) mentionnent une taille de particules optimale de 0.6 mm, un broyage plus fin engendrant une accumulation d’AGV et une inhibition des réacteurs. D’autres substrats ne montrent aucune amélioration, comme le carton et le papier pour des tailles comprises entre 10 et 1 mm (Pommier et al., 2010).