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1.2.1. Contexte réglementaire et enjeux environnementaux

En France, depuis 2004, la mise en place du plan climat5 a permis d’identifier la méthanisation comme une source d’énergie durable. Plusieurs mesures ont donc suivi afin de développer cette filière prometteuse. En 2006, 2011 et 2015, les tarifs de rachat du biogaz ont été augmentés et finalement garantis stables pour les 15 prochaines années. En 2010, la méthanisation est reconnue comme une activité agricole à part entière. Plus récemment, en 2013, le gouvernement a montré sa volonté de développer un modèle français de méthanisation agricole par la mise en place du plan EMAA, visant à atteindre le nombre de 1 000 méthaniseurs d’ici 2020. Deux ans plus tard (2015), la loi sur la transition énergétique6 porte ce nombre à 1 500 à l’horizon 2030.

Le plan EMMA porte l’accent sur la possibilité de gestion de l’azote par les agriculteurs, souvent rendus responsables des phénomènes d’eutrophisation et de marées vertes, grâce à la méthanisation. En effet, la méthanisation permet de minéraliser l’azote contenu dans les substrats valorisés et donne au digestat un rôle de fertilisant. Ceux-ci peuvent donc être partiellement substitués aux engrais synthétiques, voire exportés (après un post traitement tel que le compostage) vers des zones déficitaires, réduisant ainsi l’impact local de l’agriculture sur l’environnement. Cet impact positif sur l’environnement doit néanmoins être relativisé au regard de ceux possibles sur l’ensemble du cycle de vie de la filière. Parmi eux, il faut citer les émissions liées au transport de digestat ou de co-substrats depuis ou vers les unités de méthanisation (GES et émissions de polluants atmosphériques) ou encore les impacts générés par l’étape de post-traitement du digestat, nécessaire

5 Le plan climat, édité pour la première fois en 2004, par le Ministère de l’écologie et du développement durable, suite au protocole de Tokyo, a pour objectif de stabiliser les émissions de GES sur la période 2008-2012 par rapport aux niveaux de 1990.

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Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui fixe plusieurs objectifs tels que la division par quatre des GES émis d’ici 2050 (par rapport à 2012) et l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français (32% en 2030).

pour son exportation. Ainsi, une évaluation environnementale multicritère à l’échelle territoriale apparaît comme une nécessité.

1.2.2. Les gisements de substrats disponibles

Selon l’ADEME (2013b), d’ici 2030, 132 millions de tonnes de déchets seraient mobilisables en France pour la filière méthanisation, représentant un potentiel de 55 900 GWh d’énergie primaire et permettant de couvrir 3% de notre consommation électrique7. Ces déchets se divisent en cinq grandes catégories : les déjections d’élevage, les résidus de culture, les CIVE, les matières issues de l’IAA et des commerces et enfin, les déchets des ménages et des collectivités. Parmi ces ressources, les effluents d’élevage représenteraient 72% de la part mobilisable. Dans sa globalité, le secteur agricole produirait même jusqu’à 92% des déchets (Figure 1).

Figure 1 : Projection des ressources mobilisables pour la méthanisation en 2030 (ADEME, 2013b)

Les fumiers de bovins, en particulier, représentent une grande part des déjections animales disponibles. L’Annexe 1 (page 253) présente une étude détaillée de ce gisement co-écrite avec l’Institut de l’élevage (IDELE). Il en ressort que la totalité des déjections bovines s’élève à 87 Mt/an, dont 69 Mt/an sous forme de fumiers, et 18 Mt/an sous forme de lisier. La particularité des fumiers de bovins réside dans leur forte teneur en matière sèche (MS), supérieure à 18% de la matière brute (MB)

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Pour ce calcul, on fait l’hypothèse est faite que la totalité du biogaz produit est valorisé par cogénération avec un rendement moyen de 30% en énergie électrique. D’autre part, la consommation électrique de la France en 2030 s’élèverait à 575 TWh selon l’Ifremer (2008).

disponible. De façon plus générale, mis à part les lisiers, les déchets produits par le secteur agricole ont une teneur en matière sèche comprise entre 16 et 88% (Tableau 1). La majorité du gisement mobilisable pour la méthanisation se présente donc sous forme solide.

Tableau 1 : Caractéristiques des ressources mobilisables en 2030 d’après l’ADEME (2013b) MS (%MB) BMP (m3 CH4/tMB) Déjections d'élevage Fumiers 17 - 60 29 - 144 Lisiers 5 -15 12 - 36 Résidus de cultures

Autres résidus de cultures 16 - 88 220 Pailles de céréales 88 103 - 223 CIVE 22 11 IAA et commerces IAA 8 - 84 63 – 280 Marchés 30 - Distribution 30 - Restauration 80 - Ménages et collectivités

Biodéchets des ménages 30 - 58 50 - 95 Déchets verts 40 100 - 150 Assainissement 3 - 20 40 - 230

1.2.3. Evolution et répartition des unités de méthanisation

Depuis le 31 mai 2011, les porteurs de projets d’unité de méthanisation doivent remettre un dossier d’identification à l’ADEME avant la demande de raccordement au réseau public d’électricité. Cette initiative permet de suivre et de faciliter le recensement des projets et de leur installation. Au 1er juillet 2013, ce sont donc 242 projets construits ou en cours de construction qui sont recensés, pour une puissance électrique totale de 1 026 GW, tous secteurs confondus (ADEME, 2013a). La méthanisation agricole représente à elle seule 58% des installations recensées (Figure 2).

Figure 2 : Répartition par secteur des unités de méthanisation installées ou en projet au 1er juillet 2013 (ADEME, 2013a)

Les règlementations successives, fixant le tarif d’achat de l’électricité produite par les unités de méthanisation, ont permis un développement soutenu de la filière durant la dernière décennie. Ainsi, entre 2010 et 2014, le nombre d’unités de méthanisation « à la ferme » a quintuplé, passant de 31 à 166 installations sur le territoire français (Figure 3).

Figure 3 : Evolution du nombre d'unités de méthanisation en service au 31 décembre 2014 (d’après la base de données Sinoé® couplée à des données internes Irstea)

Ce nombre progresse toutefois à deux vitesses selon le type de procédé mis en œuvre : par voie liquide/humide ou par voie solide/sèche. Le choix de la mise en œuvre de l’un ou de l’autre procédé est régi par le taux de MS des substrats à valoriser. Les substrats avec un taux de MS supérieur à 15% (kg/kg) seront valorisés en voie sèche, et inversement (De Baere, 2000; Mata-Alvarez et al., 2000; Weiland, 2010). La Figure 3 montre que la méthanisation par voie liquide est très développée, avec 149 projets enregistrés fin 2014. Au contraire, seulement 17 installations par voie solide sont répertoriées à la même date. Pourtant, comme montré au paragraphe 1.2.2, le gisement de déchets valorisables en France présente de fortes teneurs en MS. La valorisation de ce gisement nécessitera donc l’utilisation de procédés dédiés à ces substrats particuliers : les procédés de méthanisation par voie sèche ou solide.