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Chapitre 2 : LA PRECOCITE INTELLECTUELLE

A. Spécificités développementales du jeune EIP

Dès la naissance, il existe chez le nouveau-né une activité biologique et maturative continue. En effet, ses systèmes sensoriels et moteurs sont d’ores et déjà fonctionnels et se mettent progressivement en marche avant même que la maturation de son système nerveux soit achevée. Ainsi, dès le début de la vie, il existe une plasticité cérébrale fonctionnelle qui garantie les capacités d’adaptation et de régulation de l’enfant.

Ainsi Laurence VAIVRE-DOURET(95) s’est intéressée à la possibilité d’un développement maturatif propre aux enfants à « hautes potentialités », ne présentant à la naissance aucun souci de santé ni de pathologies avérées. Selon ses recherches, ces enfants présentent une maturation spécifique neuro-motrice et neurosensorielle qui permet des émergences précoces des acquisitions posturo-locomotrices et de la coordination visuo-manuelle ainsi que du langage et des processus cognitifs.

Les aptitudes élevées des EIP résideraient non seulement dans un dispositif naturel, dans leurs performances, mais aussi dans la pluralité de leurs potentiels, favorisée par leur environnement.

39 L’auteur relève une série de connaissances neurophysiologiques et cognitives à leur sujet, qui, d’après des données longitudinales, marquent un rythme spécifique des acquisitions développementales de ces enfants :

- Ils disposent tout d’abord d’une activité oculomotrice élevée : la réponse à la fixation du regard est rapide, et la poursuite oculaire est performante sur 90 degrés de chaque côté s’apparentant déjà à une poursuite continue entraînant à la fois les yeux et la tête (on les surnomme alors « œil de lynx »).

- Cette mobilité d’exploration très active leur confère un état d’alerte qui s’associe à une certaine sensibilité de toutes les perceptions sensorielles dans leur environnement (auditif, visuel, olfactif etc.).

- Ils disposent également d’une haute capacité d’éveil et de focalisation attentionnelle.

Sur le plan du développement neuro-posturo-locomoteur, on observe chez ces sujets une maturation précoce des voies de la motricité volontaire en cours de myélinisation, attestée par certains indicateurs néonataux comme la disparition précoce des réflexes archaïques, ou le port très précoce de la tête (autour du premier mois). Cette avance de maturation neuromotrice axiale céphalocaudale et proximodistale au cours des premières années de vie de l’enfant lui permettra rapidement d’acquérir des niveaux de coordination lui permettant une certaine autonomie de mouvements.

Cela se confirme sur une étude clinique développementale, effectuée sur des enfants avec un QI supérieur ou égal à 130 homogène, entre 4 et 7 ans, et qui met en avant plusieurs de ces spécificités. On observe des réponses spécifiques neurologiques en néonatal, comme une poursuite oculaire précoce, un relâchement déjà amorcé lors de la manœuvre du foulard, un redressement global complet. L’évaluation psychomotrice fait ressortir un état de veille supérieur et plus long, une grande exploration de l’environnement, des mécanismes de retournement vifs. Par ailleurs, dans le cerveau, la réticulée et la myélinisation corticale sont à maturité dès la naissance. Le développement psychomoteur passe ensuite inaperçu, mais on peut observer une avance d’un mois environ sur chaque item. Lors d’un bilan orthophonique, il sera donc important de demander dans l’anamnèse comment s’est déroulé le développement psychomoteur de l’enfant. Les réseaux neuronaux s’établissent donc plus rapidement par l’exercice de leurs compétences, les connexions d’agrégation de neurones sont multiples et plus rapides. La mobilisation tonique posturale et le mouvement actif chez l’enfant sont moteurs de la construction du référentiel corporel :

- Autonomie développementale

- Mise en jeu de la capacité à ressentir, analyser l’environnement et contrôler ses mouvements - Capacités cognitives, linguistiques, affectives

40 - Avance dans le repérage spatial et temporel (à 2 ans)

- Latéralité tonique fonctionnelle précoce (avant 3 ans)

- Fonctionnement cérébral spécifique favorisant la vitesse de programmation du signal, diminution de la dépense en énergie, meilleur encodage, plus grande plasticité cérébrale.

On peut donc dire que le fonctionnement cognitif des EIP est enclin à une réceptivité sensorielle « à fleur de peau », des mécanismes sensori-perceptifs rapides.

Quant aux aspects neurocognitifs, VAIVRE-DOURET(97), dans une revue de la littérature, relève plusieurs particularités des enfants « à hautes potentialités » :

- Un taux et une durée de sommeil paradoxal plus élevés et une fréquence importante d’activités oculomotrices pendant celui-ci, ce qui souligne une grande plasticité cérébrale et une facilitation de la mémoire.

- Des Potentiels Evoqués Auditifs plus rapides

- Des Potentiels Evoqués Cognitifs de latence plus courte traduisant un traitement plus rapide de l’information

- Une réponse aux tâches d’habituation plus rapide - Un temps de réaction plus rapide

- Une mémoire de travail spécialisée - Des meilleures capacités attentionnelles

- Un accès aux opérations formelles et opératoires plus rapide

- Des capacités d’apprentissage et de transfert d’informations importantes

- Des capacités métacognitives (encodage) au niveau de la mémoire à long terme qui permettraient une base de connaissances plus riche que celle des enfants moyens (ce qui leur vaut la qualification de « mémoire d’éléphant »).

En imagerie, les données analysées lors de tâches verbales sont en faveur : - Moins d’énergie dépensée

- Moins d’activation des circuits neuronaux

- Moins d’effort de réalisation des tâches cognitives

- Une équi-potentialité hémisphérique du traitement de l’information ou un traitement hémisphérique droit dominant.

Les enfants à « hautes potentialités » disposeraient donc d’un fonctionnement cérébral spécifique, souligné par l’apport des données développementales qui mettent en avant une maturation neuro-sensorimotrice à la fois sur le plan posturo-moteur et locomoteur, sur l’organisation oculomotrice et sur les capacités attentionnelles. Ceci amène donc les chercheurs à

41 se recentrer sur le rôle de la substance réticulée, qui serait opérante précocement, ainsi que sur la myélinisation, qui joue un rôle dans la vitesse de propagation du signal électrique.

Pour conclure, VAIVRE-DOURET affirme que si une « supériorité biologique » apparaît chez les enfants à « hautes potentialités », de bonnes conditions de milieux (socioculturels, éducatifs, affectifs…) et une bonne santé physique et mentale sont favorables pour faire « fructifier » les « hautes potentialités », avec un épanouissement de la personnalité.