• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : LA PRECOCITE INTELLECTUELLE

C. Profil neuropsychologique de l’EIP : le « style cognitif » de l’enfant précoce

L’enfant intellectuellement précoce a un système de pensée différent, c’est pour cela qu’il pense autrement.

1. Mode séquentiel/mode global

L’être humain, grâce à son cerveau, peut traiter une information essentiellement selon deux modes.

D’après SIAUD-FACCHIN(89)

, le mode séquentiel est utilisé lorsque les informations parviennent de façon linéaire, avec différentes étapes qui se succèdent de façon logique. Ainsi on a :

Figure 9 : Illustration du traitement séquentiel de l’information

45 Les recherches en neuropsychologie cognitive ont montré la préférence des enfants précoces pour un traitement global, simultané de l’information, ce qui explique la « fulgurance » de sa pensée et de ses réponses. De plus, chaque idée, chaque concept génère une ramification de nouvelles idées, d’analogies qui à leur tout produisent de nouvelles associations et ainsi de suite. Ce système se complexifie encore lorsque l’enfant précoce active simultanément plusieurs réseaux en parallèle. Face à une tâche, un problème, une question, l’enfant déploie sa pensée dans plusieurs directions simultanément : pour illustrer notre propos, nous pouvons reprendre l’exemple de l’enchaînement des idées d’un EIP lors d’une dictée, où apparait le simple mot « bateau » : « mais c’est un bateau à voile ou à moteur, parce que si c’est un bateau à voile, il faut qu’il y ait du vent, mais en même temps du vent il n’y en a pas tout le temps alors, il vaut mieux un bateau à moteur, les parents de Jérôme ils en ont un de bateau à moteur, mais les parents de Jérôme il parait qu’ils sont en train de divorcer, mais s’ils divorcent c’est peut-être qu’ils s’aiment plus, mais pourquoi on en vient un jour à s’aimer…. ».

A travers cette pensée toujours en marche, sans limites, créative et puissante, les EIP peuvent ainsi recentrer leur attention sur une phrase en particulier et partir dans un raisonnement sans fin, et ainsi perdre complètement le fil de la dictée, le sens des mots, etc.

L’utilisation privilégiée du mode de traitement simultané permet à l’enfant intellectuellement précoce de pouvoir faire plusieurs choses en même temps : il peut faire ses devoirs tout en regardant la télévision et en écoutant de la musique. Chez certains, ce sera même la condition sine qua non à sa concentration : certains ne pourront en effet s’empêcher de réaliser une activité psychomotrice pour réussir une activité intelectuelle, ce qui pourra poser problème à l’école. Le but d’une rééducation pourrait être de se servir de cette pensée pour arriver à passer sur le mode séquentiel et décortiquer l’information.

2. Les spécificités hémisphériques

Les spécificités hémisphériques des EIP se caractérisent, comme nous l’avons vu, par une prééminence de l’hémisphère droit dans le traitement de l’information. Il peut en ressortir des difficultés pour expliciter les différentes étapes d’un raisonnement, capacité prise en charge par l’hémisphère gauche. Cette particularité explique que les EIP sont classiquement plus performants pour réaliser un traitement holistique qu’analytique de l’information ainsi que pour réaliser des processus simultanés que séquentiels.

46

3. Mémoire hors norme

L’enfant intellectuellement précoce dispose de capacités mnésiques très supérieures à la moyenne des enfants de son âge aussi bien en mémoire à long terme qu’en mémoire à court terme. Les études de GROOT(63) et celles de GRUBAR(64) ont en effet mis en évidence que le nombre d’éléments et la durée de stockage étaient liée à l’efficience intellectuelle. Mais pour que la mémoire puisse pleinement fonctionner, il sera nécessaire que l’environnement social, familial et éducatif lui fournisse une quantité d’informations suffisante à stocker et à organiser.

a) Mémoire à long terme

Il s’agit du stock de nos connaissances. Les enfants intellectuellement précoces disposent d’une mémoire à long terme exceptionnelle (on leur confère souvent dans la littérature une « mémoire d’éléphant »), qui leur permet de mobiliser les connaissances de façon très rapide pour résoudre un problème nouveau et pour créer une situation nouvelle.

Ces enfants ont également généralement des souvenirs très précis de leur petite enfance.

b) Mémoire de travail

La mémoire à court terme permet une rétention ponctuelle des informations. La mémoire de travail permet d’effectuer un traitement sur ces informations. Elles sont explorées par l’empan endroit pour la mémoire à court terme, et l’empan envers pour la mémoire de travail, lesquels varient en fonction de l’âge de l’enfant.

Chez les enfants précoces, la mémoire de travail est plus importante que la moyenne : le nombre d’éléments stockés est plus important avec un temps de fixation est plus long.

On confère également souvent à l’enfant intellectuellement précoce, une mémoire photographique exceptionnelle.

c) Les difficultés en lien avec ce type de mémoire

Mais cette aisance de mémorisation ne nécessite pas de travail d’élaboration et d’appropriation des connaissances : l’apprentissage se fait de manière naturelle, spontanée, automatique. Tout se passera bien en primaire, mais l’entrée au collège sera souvent source de difficultés.

47 En effet, à ce stade-là, il n’est plus demandé aux élèves de restituer simplement des connaissances, mais il est nécessaire d’activer une pensée propre et d’utiliser des stratégies apprises depuis le cours préparatoire, ce que l’enfant précoce sera incapable de faire puisque ses stratégies n’ont pas été utiles et donc acquises. L’EIP devra alors « apprendre à apprendre ».

4. Les capacités attentionnelles et les capacités de concentration de

l’enfant intellectuellement précoce

Selon Pascale PLANCHE(28,81), l’attention permet de « s’approprier l’environnement, d’y réagir et de construire des connaissances ».

L’enfant intellectuellement précoce présente des capacités attentionnelles très élevées aussi bien dans la résolution de tâches que dans la vie quotidienne. Ces capacités se développent ainsi en même temps que les mécanismes d’inhibition qui traitent l’utile en évitant de s’égarer dans ce qui n’est pas intéressant dans la tâche.

VAIVRE-DOURET(96) a ainsi montré que dès la naissance, le futur précoce présentait des capacités de focalisation attentionnelle plus importantes.

Pour être attentif, on admet classiquement que la plupart des enfants intellectuellement précoces préfère faire plusieurs choses à la fois. Leurs capacités ne sont alors actives que lorsqu’elles sont orientées sur plusieurs sources.

Les enfants intellectuellement précoces sont également capables de présenter des capacités de concentration intenses sur les sujets qui les passionnent.

5.

Curiosité insatiable et centres d’intérêts

Einstein disait « je ne suis pas intelligent, je suis passionnément curieux ».

L’enfant précoce manifeste assez tôt des signes évidents de curiosité. En effet comme l’a montré VAIVRE-DOURET(94), déjà nourrisson, grâce à une mobilité d’exploration très active par le regard, l’enfant intellectuellement précoce disposait d’importantes capacités d’éveil et de focalisation attentionnelle, qui lui conférait un « état d’alerte ».

En lien avec son irrépressible besoin de tout contrôler, il va essayer d’assouvir sa soif de connaissance en posant rapidement de nombreuses questions sur le pourquoi du comment, allant parfois jusqu’à épuiser son entourage. Il s’interroge sur des sujets existentiels, auxquels les autres

48 enfants ne s’intéresseront que plus tard, voire jamais (questions sur la naissance, la mort, l’origine de la vie, la maladie…).

L’enfant intellectuellement précoce se distingue également par son côté « touche-à-tout ». La routine ne l’intéresse absolument pas, c’est pourquoi il aime partir en quête de défis intellectuels. Son intérêt se porte surtout sur les jeux compliqués (les échecs, le mastermind, les jeux de stratégie…) : l’EIP aime « se prendre la tête ». Il va ainsi fréquemment se montrer très sélectif dans ses activités, délaissant ainsi certains domaines qu’il ne juge pas assez attrayants (comme l’orthographe par exemple).