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Chapitre 2 : LA PRECOCITE INTELLECTUELLE

B. Profil neurophysiologique de l’EIP

Une des premières questions que l’on se pose face à la précocité est de savoir si la maturation cognitive est plus rapide. Nous venons de voir que les données développementales tendent à confirmer cette hypothèse.

Pour répondre à cela, les études font appel à l’enregistrement des potentiels évoqués cognitifs afin d’analyser les rôles des deux hémisphères cérébraux.

1. Les potentiels évoqués cognitifs (P300, N400)

Les PEC sont une technique non invasive et peu couteuse qui permet l’enregistrement de l’activité électrique cérébrale pendant la réalisation de processus cognitifs. Les ondes extraites du bruit de fond EEG se caractérisent par deux paramètres pertinents :

- La latence : intervalle de temps entre la stimulation et la réponse corticale, c'est-à-dire en fait la vitesse du processus cognitif.

- L’amplitude : taille de la réponse modulée par les ressources attentionnelles attribuées à la tâche

On considère que deux ondes reflètent efficacement certaines opérations mentales:

a) La P300 (endogènes positives)

Elle traduit un mécanisme précoce et quasiment automatique. Il s’agit en fait de la réaction d’orientation vers un stimulus. Elle est évoquée quand le sujet détecte un stimulus déviant survenant de manière imprévisible. Elle culmine environ à 300ms après le stimulus et présente son maximum dans la région centro-pariétale médiane.

42 Sa latence nous donne des indications sur la durée des opérations cognitives lors de la détection d’un stimulus. Elle nous indique la vitesse de traitement de l’information. GOODING, SQUIRES, HENDERSON et STARR ont montré que la latence de l’onde P300 varie avec l’âge en fonction de la maturité cérébrale. En effet, plus l’enfant grandit, plus elle diminue. La vitesse de traitement de l’information augmente donc avec l’âge.

Son amplitude varie en fonction de la probabilité de survenue de l’événement, de l’attention sélective, de la difficulté de la tâche, mais aussi de la charge émotionnelle des stimuli. L’amplitude nous donne donc les aspects énergétiques impliqués dans les opérations cognitives. Elle reflète les ressources attentionnelles allouées à la tâche et la mémoire de travail du sujet.

b) La N400 (endogènes négatives)

Elle traduit une attente sémantique déçue, en particulier lors d’une tâche d’amorçage. Elle culmine environ à 400ms et présente son maximum dans la région centro-pariétale droite.

Elle nous renseigne sur la mémoire sémantique de l’enfant, c'est-à-dire son niveau des connaissances acquises. La N400 témoignerait du « traitement complémentaire » d’une information sémantiquement anormale et reflèterait la mise en jeu d’un système sémantique activé aussi bien par des mots que par des images.

c) Les ondes P300 et N400 chez les enfants précoces

Le protocole mis en œuvre par le docteur MAGNIE-MAURO(72)

implique une tâche de détection d’intrus et une tâche d’association sémantique pour étudier respectivement l’onde P300 et l’onde N400 chez l’enfant intellectuellement précoce. Les résultats montrent ainsi:

- Une latence plus courte de la composante P300, interprétable comme une maturation accélérée des processus cognitifs en terme de développement de la myélinisation, de l’accroissement de l’arborisation dendritique, en particulier au niveau de la réticulée, des commissures cérébrales et des aires associatives,

- Une plus grande amplitude de la composante P300 ainsi que de la composante N400, qui témoigne de capacités attentionnelles et d’une mémoire de travail hors norme ainsi que de particularités de traitement sémantique chez les EIP par rapport aux contrôles, avec une corrélation au QI.

Au total, cela nous indique donc, chez les EIP :

43 - Une vitesse de traitement plus importante

- Un niveau très supérieur des connaissances acquises. - Une particularité du traitement sémantique.

2.

Rôle de l’hémisphère droit

Nos deux hémisphères cérébraux fonctionnent en étroite collaboration, mais certaines tâches font intervenir spécifiquement un hémisphère.

Ce tableau illustre ainsi globalement les tâches attribuées à chaque hémisphère :

Cerveau gauche Cerveau droit

Traitement séquentiel Traitement simultané Traitement verbal Traitement non-verbal Fonctionnement analytique Fonctionnement holistique Raisonnement Intuition

Rationalisation et pensée argumentative Créativité et pensée divergente

Figure 8 : Tableau des différences de tâches entre cerveau droit et cerveau gauche

Des études de MAGNIE et al. (73) ont ainsi montré un sur-engagement de l’hémisphère droit chez les enfants intellectuellement précoces, en particulier lors de tâches langagières. L’hémisphère droit qui traite l’information de façon holistique, globale, analogique, mais aussi émotionnelle, serait ainsi plus compétant chez eux que chez les autres enfants en corrélation avec leur style cognitif particulier.

En témoigne l’étude du Dr MAGNIE-MAURO(72)

qui révèle : « Les contrôles droitiers présentent une supériorité de l’hémisphère gauche dans la tâche verbale et de l’hémisphère droit dans la tâche visuo-spatiale. Les EIP, également droitiers, ont, quant à eux, un hémisphère droit particulièrement compétent pour la tâche verbale et les données révèlent des patrons différents chez ces enfants selon qu’ils présentent ou non une importante dysharmonie entre leurs performances verbales et pragmatiques. » En effet, elle note chez les EIP dysharmonieux un surengagement cognitif de l’hémisphère droit pour les tâches aussi bien verbales que visuo- spatiales, contre un égal investissement des deux hémisphères cérébraux quelque soit le type de tâches chez les EIP au profil homogène.

La maturation accélérée est donc en corrélation avec le profil cognitif qui peut être la source d’un échec scolaire, car, par surinvestissement hémisphérique droit, les enfants intellectuellement précoces auraient des difficultés à établir un traitement séquentiel de l’information, alors que c’est

44 celui-ci auquel il faut le plus souvent faire appel à l’école. Une pédagogie adaptée serait donc nécessaire pour eux. C’est ce que nous allons approfondir dans le paragraphe suivant.

3. Les particularités du sommeil des EIP

Pascale PLANCHE(28), dans son ouvrage « les enfants à haut potentiel : caractéristiques cognitives et développementales », cite les travaux de GRUBAR(17) qui ont montré que la précocité intellectuelle était associée à des caractéristiques du sommeil.

Tout d’abord, il semblerait que l’activité cérébrale intense de ces enfants leur provoque certaines difficultés à s’endormir.

D’autre part, c’est surtout la phase de sommeil paradoxal qui présente des spécificités. Il s’agit de la période du sommeil pendant laquelle, l’activité cérébrale s’accroit dans certaines régions afin d’intégrer en mémoire les informations de la journée.

C. Profil neuropsychologique de l’EIP : le « style cognitif » de l’enfant