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Chapitre 2: Synthèse bibliographique

I. Approche théorique et expérimentale de la solubilité de NiO

I.3 Spéciation du nickel

La spéciation consiste à déterminer à l’équilibre thermodynamique les complexes sous lesquels le métal existe majoritairement dans un milieu aqueux donné (T, pH) (Baes et Mesmer, 1976). En combinant les différentes données de solubilité, un diagramme de prédominance, traçant le pourcentage molaire de chaque espèce du métal en fonction du pH, peut être ainsi réalisé à température fixe, ce qui permettra la connaissance de la spéciation des éléments aqueux issus de la dissolution métal. Par exemple, la connaissance de la forme sous laquelle les ions nickel existent dans les conditions d’un réacteur à eau pressurisée (T=300°C, pH entre 6,9 et 7,4) permettra de connaître la concentration de nickel au contact de l’oxyde de nickel et donc de déduire son comportement vis-à-vis de la dissolution ou de la précipitation.

En milieu aqueux, les ions Ni2+ réagissent avec les molécules d’eau pour former des espèces

hydrolysées 𝑁𝑖(𝑂𝐻)𝑥2−𝑥, où de précédentes études (Baes et Mesmer, 1976; Gamsjäger et

Mompean, 2005) indiquent que x varie de 0 à 4. Les équilibres impliqués dans la dissolution de l’oxyde de nickel sont les suivants :

𝑁𝑖𝑂 + 2𝐻+ ↔ 𝑁𝑖2++ 𝐻2𝑂 Equation II-13

𝑁𝑖𝑂 + 𝐻+ ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)+ Equation II-14

𝑁𝑖𝑂 + 𝐻2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)20 Equation II-15

𝑁𝑖𝑂 + 2𝐻2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)3−+ 𝐻+ Equation II-16

𝑁𝑖𝑂 + 3𝐻2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)42−+ 2𝐻+ Equation II-17

Les constantes de solubilité des réactions II-13 à II-17 (prenant en compte des valeurs appropriées pour les coefficients d’activité et pour l’activité de l’eau) mènent aux équations suivantes: 𝐾𝑠0=[𝑁𝑖 2+]𝛾 𝑁𝑖2+×𝑎𝑤 [𝐻+]2𝛾 𝐻+2 Equation II-18 𝐾𝑠1= [𝑁𝑖(𝑂𝐻)+]𝛾𝑁𝑖(𝑂𝐻)+ [𝐻+] 𝛾 𝐻+ Equation II-19 𝐾𝑠2=[𝑁𝑖(𝑂𝐻)2 0]𝛾 𝑁𝑖(𝑂𝐻)20 𝑎𝑤 Equation II-20 𝐾𝑠3=[𝑁𝑖(𝑂𝐻)3 −]𝛾 𝑁𝑖(𝑂𝐻)3−×[𝐻+] 𝛾𝐻+ 𝑎𝑤² Equation II-21 𝐾𝑠4=[𝑁𝑖(𝑂𝐻)4 2−]𝛾 𝑁𝑖(𝑂𝐻)42−×[𝐻 +]2𝛾 𝐻+2 𝑎𝑤3 Equation II-22

avec: 𝐾𝑠𝑛 les constantes de solubilité à dilution infinie, 𝛾𝑛les coefficients d’activité des

différentes espèces, et aw l’activité de l’eau. A partir de ces équations, la concentration totale en

nickel est définie par:

32 [𝑁𝑖𝑇] = 𝐾𝑠0× [𝐻+]2𝛾𝐻+2+ 𝐾𝑠1× [𝐻+]𝛾𝐻++ 𝐾𝑠2+ 𝐾𝑠3 [𝐻+]𝛾 𝐻+ + 𝐾𝑠4 𝛾𝐻+2[𝐻+]2 Equation II-24 Cette équation permet d’illustrer l’influence du pH sur la solubilité de l’oxyde de nickel. Le tracé de la courbe de log [𝑁𝑖]= (𝑝𝐻) pour une température donnée, permet en effet de distinguer les zones caractéristiques de chaque espèce 𝑁𝑖(𝑂𝐻)𝑥2−𝑥. Afin de mieux comprendre la spéciation

du nickel, il est courant d’exprimer les réactions d’hydrolyse du nickel de la manière suivante :

𝑁𝑖2++ 𝐻2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)+ + 𝐻+ Equation II-25

𝑁𝑖2++ 2𝐻2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)20+ 2𝐻+ Equation II-26

𝑁𝑖2++ 3𝐻

2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)3−+ 3𝐻+ Equation II-27

𝑁𝑖2++ 4𝐻2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)42−+ 4𝐻+ Equation II-28

avec les constants d’équilibre 𝐾0𝑛associées:

𝐾01= 𝐾𝑆1⁄𝐾𝑆0 Equation II-29

𝐾02= 𝐾𝑆2⁄𝐾𝑆0 Equation II-30

𝐾03= 𝐾𝑆3⁄𝐾𝑆0 Equation II-31

𝐾04= 𝐾𝑆4⁄𝐾𝑆0 Equation II-32

De nombreuses études ont été conduites sur la solubilité de NiO à hautes températures (≤ 300°C) (Mcdonald, 1972; Tremaine and Leblanc, 1980; Ziemniak and Goyette, 2004; Palmer et al., 2011). Dans l’ensemble de ces études, l’espèce 𝑁𝑖(𝑂𝐻)42− n’a jamais été détectée et ne sera donc

pas prise en compte dans cette étude. La Figure II-2 représente le diagramme de solubilité de NiO en fonction du pH à 300°C obtenu pour les études citées auparavant. Les résultats de Macdonald (1972) étant extrêmement divergents, ils ne seront pas considérés pour l’interprétation du graphique.

33 Plusieurs parties différentes sont à distinguer sur ce diagramme :

- Une première partie à pH faible (3 < pH < 6) où l’ensemble des études concordent, et où une variation linéaire avec une pente égale à -2 indique la prédominance des ions Ni2+en

accord avec l’équation II-13.

- Pour des pH supérieurs, des divergences de résultats sont visibles. Les mesures de Tremaine et Leblanc (1980) montrent que la dissolution de l’oxyde de nickel atteint un palier minimum entre pH 7 et 8 avant d’augmenter à nouveau. Si on considère ce palier comme l’indépendance de la concentration du nickel en fonction du pH, le nickel serait sous la forme de 𝑁𝑖(𝑂𝐻)20 dont la formation ne met pas en jeu de protons H+. Cela

correspondrait à la troisième constante de solubilité de NiO (équation II-15).

- L’espèce 𝑁𝑖(𝑂𝐻)3− est ensuite postulée par Tremaine et Leblanc pour expliquer

l’augmentation du pH puisque la réaction libère des protons (quatrième constante de solubilité, Eq. II-16). Mais ces résultats sont en désaccord avec les études de Palmer et al. (2011) qui montrent que la dissolution de NiO devient complètement indépendante du pH à partir de 6 et que l’espèce majoritaire reste 𝑁𝑖(𝑂𝐻)20. Cependant, le surcroît de

concentration observé dans le cadre des essais de Tremaine et Leblanc, aussi bien que pour ceux de Ziemniak et Goyette (Ziemniak et al., 2008) pour les pH les plus élevés, pourrait être lié respectivement selon les auteurs (EPRI, 2002), à un biais expérimental correspondant à la formation des particules colloïdales, liée à l’utilisation des résines lors de l’élution (Cook et Olive, 2012), ou bien par l’utilisation d’un tampon pH à base de phosphates, ce qui donne lieu à une surestimation notable de la solubilité du fait de la complexation du nickel avec ces tampons.

- La zone de prédominance de l’ion Ni(OH)+, si elle existe, est limitée et non visible par

les moyens expérimentaux utilisés.

De par la récence des données et de l’utilisation de plusieurs dispositifs expérimentaux fiables présentés en Annexe 1, les constantes de solubilité et d’hydrolyse calculées par Palmer et al. (2011) ont été incorporées dans la base de données utilisée pour nos calculs de spéciation ou de modélisation des résultats expérimentaux. Ces études ont permis l’obtention des constantes de solubilité suivantes :

𝐿𝑜𝑔𝐾𝑠0= −6,093 +5513.46

𝑇 Equation II-33

𝐿𝑜𝑔𝐾𝑠2= −1769,2

𝑇 − 0,0094755 × 𝑇 Equation II-34

Comme représenté sur la figure II-3, la première constante de solubilité est en très bon accord avec le reste de la littérature :

34

Figure II-3. Dépendance de la première constante de solubilité de NiO en fonction de l’inverse de la température. (EPRI, 2002)

Le calcul des constantes de solubilité a également permis la déduction de la deuxième constante d’hydrolyse du nickel (puisque l’espèce Ni(OH)+ n’a pas été observée expérimentalement):

𝑁𝑖2++ 2𝐻2𝑂 ↔ 𝑁𝑖(𝑂𝐻)20+ 2𝐻+ Equation II-35

𝐿𝑜𝑔𝐾02= 6,09 −7282,7

𝑇 − 0,009476 × 𝑇 Equation II-36

Le diagramme de spéciation du nickel obtenu dans l’étude de palmer et al. (2011) est représenté en Figure II-4. Une variation claire de l’hydrolyse est visible en fonction de la température montrant que le pH de la transition Ni2+/𝑁𝑖(𝑂𝐻)

2

0. est d’autant plus bas que la température est

plus élevée. Dans les conditions du circuit primaire d’un REP (300°C ; 6,9 < pH < 7,4), l’espèce prédominante serait alors 𝑁𝑖(𝑂𝐻)20.

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Figure II-4. Diagramme de spéciation du nickel en fonction du pH à 25, 200 et 350°C. Les lignes verticales représentent la neutralité du pH en fonction de la température (EPRI, 2002;

Palmer et al., 2011)