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Modélisation des résultats expérimentaux en milieu acide chlorhydrique

Chapitre 5: Etude de la cinétique de dissolution de l’oxyde de nickel

IV. Exploitation des résultats

IV.2 Modélisation des résultats expérimentaux en milieu acide chlorhydrique

Le but de ce travail n’est pas de décrire toutes les étapes qui ont été entreprises pour le développement d’un modèle de spéciation de surface et pour la modélisation des vitesses de dissolution obtenues en milieu acide chlorhydrique. Bellefleur (2012) fournit dans sa thèse toutes les étapes nécessaires à ce processus, ainsi qu’une comparaison entre les différents modèles présents dans la littérature. L’objectif ici est de présenter les modifications faites au modèle afin de pouvoir l’utiliser pour décrire les points expérimentaux obtenus dans notre étude. Pour rappel ce travail se fait en plusieurs étapes (Bellefleur, 2012) :

- Définition des outils numériques et des données d’entrée de la modélisation : il s’agit ici de définir quel logiciel et quel modèle de spéciation utiliser (capacitance constante ou couche diffuse) et de définir les conditions expérimentales en données d’entrée (masse de l’oxyde, surface spécifique, pH…).

- Détermination des constantes de protonation et de déprotonation adéquates. Ces constantes sont déterminées soit expérimentalement par la mesure de point de charge nulle (ex: zétamétrie), soit elles sont issues de la littérature. Généralement obtenues à 25°C, ces constantes doivent ensuite être extrapolées à plus haute température. Il faut également déterminer la valeur de la densité des sites de surface fixée de manière généralement très arbitraire.

- Calcul de la spéciation de surface et détermination de la concentration en sites protonés {≡ 𝑀𝑒 − (𝑂𝐻)2+} en fonction du pH et de la température.

- Modélisation des résultats expérimentaux par régression linéaire pour la détermination de l’énergie d’activation Ea et du paramètre pré-exponentiel A0.

Pour plus de clarté, nous rappellerons brièvement quels sont les outils de modélisation et les conditions numériques d’entrée du logiciel et quelles sont les constantes de protonation et de déprotonation choisies avant de représenter le résultat de la régression non linéaire effectuée sur nos données expérimentales.

Choix des constantes de protonation et de déprotonation

Le logiciel CHESS (Van Der Lee, 2001) a été utilisé pour calculer les concentrations des sites surfaciques en fonction de la température. Pour prendre en compte la variation de la constante diélectrique de l’eau en fonction de la température, l’algorithme utilisé par le code de calcul a été modifié. La base de données thermodynamique utilisée est la base Common Thermodynamic Database Project (CDTP, n.d.) Version 2.0.13. Un modèle 2pK monosite est utilisé par le logiciel. Les calculs de spéciation de surface ont été réalisés à partir du modèle de couche diffuse DLM afin de limiter les paramètres d’entrées et les variables à ajuster. Le tableau V-10 suivant présente les paramètres d’entrée du logiciel CHESS.

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Tableau V-10. Paramètres d’entrée du logiciel CHESS pour un modèle 2pK monosite un modèle de spéciation de surface DLM (Bellefleur, 2012)

Variables Notations

Milieu chimique Volume de la solution (L) Température (°C) T V

Composition de la solution pH(T), force ionique Oxyde Surface spécifique (m².gMasse (g) -1) m S

Masse molaire (g.mol-1) MM

Interface solide/liquide Densité des sites (nm

-2) Ns

Constante de protonation K+ K+(T) Constante de déprotonation K- K-(T)

Bellefleur (2012) a présenté une série de valeurs pour K+ et K- à 25°C à partir des points de charge nulle reportés dans la littérature (Ludwig et Casey, 1996; Sverjensky et Sahai, 1996; Mahmood et al., 2011) ou bien à partir de ses propres études. L’auteur a ensuite extrapolé ces valeurs jusqu’à 130°C en considérant plusieurs éléments :

- La variation de la capacité calorifique molaire ∆𝐶𝑝0 est considérée comme égale à zéro.

- A partir des travaux de Sverjensky et al. (1997), Kulik (2000) a émis l’hypothèse que l’entropie de réaction ∆𝑆25°𝐶0 des sites protonés et déprotonés est constante avec la

température et vaut 25 J.K-1.mol-1 pour la majorité des oxydes simples.

- Les enthalpies ∆𝐻25°𝐶0 des réactions de protonation et de déprotonation sont alors

calculées à partir de l’entropie et de la valeur des constantes respectives K+ et K- à 25°C. L’enthalpie est considérée constante avec la température dans le cas où ∆𝐶𝑝0 est égal à

zéro.

L’équation suivante a ensuite été utilisée pour l’extrapolation : log 𝐾𝑇= ∆𝑆25°𝐶

0

2,303𝑅+

−∆𝐻25°𝐶0

2,303𝑅𝑇 Equation V˗18 Il faut noter toutefois que l’hypothèse d’une entropie de réaction indépendante de la température se base sur une corrélation empirique observée pour certains oxydes (Kulik, 2000). De plus, pour plus de simplification, la variation de la capacité calorifique est supposée égale à zéro. Or ce cas s’applique généralement pour des réactions peu sensibles aux variations de pression et de température (Tremaine et al., 2004; Wesolowski et al., 2004), c’est-à-dire dans le cas des réactions isocoulombiques. Si la réaction de protonation est bien isocoulombique, ce n’est plus le cas de la réaction de déprotonation. Il est donc très probable que la considération d’une entropie et d’une enthalpie de réaction constantes avec la température introduise des erreurs non négligeables aux températures les plus élevées. Enfin, l’hypothèse que la valeur de l’entropie est identique pour la réaction de protonation et de déprotonation n’est pas vraiment justifiée et mériterait d’être prouvée par des mesures expérimentales additionnelles. Néanmoins, hormis Mahmood et al. (2011) qui a déterminé ces constantes jusqu’à 50°C, il n’existe pas de données expérimentales de titration surfacique de NiO à plus haute température. Nous avons donc décidé d’utiliser les extrapolations faites par Bellefleur (2012) afin de déterminer les valeurs des constantes K+ et K- jusqu’à 100°C, en gardant toutefois un regard critique sur les résultats obtenus.

144 Modélisation de la vitesse de dissolution

Bellefleur a utilisé les constantes de protonation et de déprotonation obtenues par Mahmood (2011) pour la modélisation des vitesses de dissolution lors de son étude. De plus, nous avons vu précédemment que les vitesses de dissolution obtenues dans ce travail sont très proches de celles obtenues par Ludwig et Casey (1996) et démontrent une faible dépendance au pH à 25°C. Nous avons donc décidé de modéliser nos propres résultats expérimentaux à partir de ces deux jeux de constantes. Les paramètres de modélisation sont regroupés dans le Tableau V-11. La valeur de la densité des sites Ns est fixée arbitrairement et peut varier d’une étude à l’autre. De manière générale, cette valeur évolue entre 1 et 20 sites.nm-2 pour l’oxyde de nickel. Bellefleur

(2012) a ajusté cette valeur à 18,5 sites.nm-2. Nous utiliserons donc cette valeur dans notre

modèle.

Tableau V-11. Paramètres d’entrée dans le logiciel CHESS pour un modèle 2pK monosite DLM

Valeurs des constantes de protonation et de déprotonation extrapolées à plus haute température à partir des valeurs à 25°C de Ludwig et Casey (1996)

T (°C) ΔS(J.K+-1 et ΔS.mol-1-) (kJ.molΔH+-1) (kJ.molΔH--1) Log K+ Log K- Densité de sites (sites.nm-2)

25 25 -38,8 61,1 8,1 -9,4 18,5 50 7,57 -8,57 70 7,21 -7,99 100 6,73 -7,24

Valeurs des constantes de protonation et de déprotonation extrapolées à plus haute température à partir des valeurs à 25°C de Mahmood et al., (2011)

T (°C) ΔS(J.K+-1 et ΔS.mol-1-) (kJ.molΔH+-1) (kJ.molΔH--1) Log K+ Log K- Densité de sites (sites.nm-2)

25 25 -29,1 66,2 6,4 -10,3 18,5 50 6,01 -9,60 70 5,73 -8,77 100 5,38 -4,49

145 A partir de ces données, la spéciation surfacique de NiO a pu être déterminée. La Figure V- 20 suivante représente par exemple, le diagramme de spéciation obtenu avec les constantes de Ludwig et Casey (1996) à 25°C et 100°C.

Figure V-20. Diagramme de spéciation de surface de NiO calculé par CHESS avec un modèle DLM et les constantes de protonation et de déprotonation de Ludwig et Casey (1996) à 25°C en

haut et 100°C en bas.

Le diagramme de spéciation obtenu à 25°C montre que la concentration en sites protonés {≡ 𝑀𝑒 − (𝑂𝐻)2+} est relativement constante entre pH 2 et 5. Cela met en évidence une faible

dépendance des vitesses de dissolution en fonction du pH. Ce constat est en accord avec les résultats expérimentaux obtenus à 25°C dont la variation dans cette gamme de pH est très faible (à pH 3, logR= -10,22 mol.m-2.s-1 ; à pH 5, logR= -10,48 mol.m-2.s-1). De plus, sur le diagramme

de spéciation obtenu à 100°C, la concentration des sites surfaciques {≡ 𝑀𝑒 − 𝑂−} devient non

négligeable à pH 6 et devraient favoriser la dissolution de NiO, mais les incertitudes liées à l’extrapolation en température des constantes de protonation et de déprotonation, ainsi que les mesures expérimentales ne permettent pas de confirmer ce dernier point.

146 A partir des concentrations des sites surfaciques et de l’équation suivante, une régression non linéaire a été appliquée pour déterminer A0 et Ea :

𝑟 = 𝐴0exp (−𝐸𝑎1

𝑅𝑇 ) {≡ 𝑀𝑒 − (𝑂𝐻)2

+}2 Equation V-19

Le résultat de la régression linéaire a montré une meilleure concordance entre les points expérimentaux et le modèle avec les constantes de protonation et de déprotonation de Ludwig et Casey (1996) qu’avec celles de Mahmood et al. (2011). C’est donc ce résultat qui a été retenu et qui est présenté en Figure V-21. Cette figure décrit l’évolution des cinétiques de dissolution obtenues par modélisation en comparaison avec les données expérimentales. Ce modèle possède cependant des limites et met en lumière les constatations faites précédemment sur le diagramme de spéciation: l’extrapolation en température des constantes de protonation et de déprotonation ne semble pas être tout à fait adaptée pour la modélisation de nos points expérimentaux, spécialement à pH 4,5 et 5. De plus, les constantes déterminées par Ludwig et Casey (1996) font acte d’une très faible dépendance des vitesses de dissolution par rapport au pH. Si c’est le cas dans notre étude à 25°C, l’ordre de la réaction de dissolution par rapport aux protons calculé à 100°C montre une plus grande dépendance des vitesses de dissolution par rapport au pH.

Figure V-21 Evolution des cinétiques de dissolution de NiO modélisées en fonction de la température (modèle 2pK monosite DLM, N=18,5 sites.m-2) comparé aux résultats

expérimentaux.

Les résultats de cette régression ont permis de calculer une énergie d’activation réelle 𝐸𝑎1

égale à 62,7 ± 4,1 kJ.mol-1 pour un facteur pré-exponentiel log A0 égal 12,21 m2.mol-1.s-1. La

valeur de l’énergie d’activation est en accord avec la littérature qui propose un intervalle de 50 à 90 kJ.mol-1 (Pichugina et al., 2002) et aussi avec la valeur de Bellefleur (2012) de 56,5 kJ.mol˗1.

Ce modèle est néanmoins légèrement différent de celui de Bellefleur (2012). En effet, les constantes de protonation et de déprotonation utilisées ne sont pas les mêmes, il y a donc des différences au niveau des concentrations des sites de surfaces utilisées. De plus, la plupart des résultats issus de l’étude de Bellefleur (2012) provient des essais réalisées en réacteur à circulation ouverte (de 50°C à 130°C). Comme nous l’avons démontré précédemment, il y a de fortes chances que les résultats de son étude aient été affectés du même biais expérimental lié à l’utilisation de la cage. Sur ce graphique V-21, quelques résultats de l’auteur ont été ajoutés à pH 3 après correction des valeurs des vitesses de dissolution par le facteur de remise en suspension des particules. Les résultats semblent correspondre, mais nous avons décidé de ne

147 pas utiliser ces données par la suite afin de ne pas introduire trop d’incertitudes sur les mesures. De plus, pour la modélisation des résultats en milieu acide borique, il est important d’avoir une bonne régression des points expérimentaux obtenus à pH 6, nous utiliserons donc les valeurs issues de notre régression pour la suite de ce travail.