• Aucun résultat trouvé

Le manque de soutien social pendant la grossesse apparaît comme un facteur de risque majeur de la dépression postpartum maternelle et paternelle [137,83,84,5]. Dans cette partie, nous discutons d’abord de la mesure du soutien social et de son association avec la dépression postpartum maternelle, paternelle et conjointe.

1.2.1 Définition du soutien social pendant la grossesse

Le soutien social est défini par différents concepts [138]. D’une part, le soutien social peut être perçu ou effectivement reçu. Le soutien social reçu est défini comme étant la somme des soutiens (émotionnels, financiers, etc.) qu’une personne reçoit effectivement [138]. Au contraire, le soutien social perçu est défini comme le fait d’être satisfait du soutien social disponible et de son adéquation. (Figure 1.4) Le soutien social perçu est donc subjectif [138] et peut être influencé par des facteurs psychologiques [138] mais aussi par la culture d’origine des mères et des pères. Par exemple, Stuchbery et collègues [139] notaient à partir d’une étude qualitative incluant des mères de trois origines différentes, que les mères d’origine anglo-celtique se sentant déprimées avaient davantage besoin de soutien émotionnel de la part de leur conjoint et de leur propre mère, alors que les femmes d’origine vietnamienne ressentaient plutôt un besoin d’aide pratique de la part de leur conjoint. Enfin, les femmes d’origine arabe percevaient davantage un besoin de soutien émotionnel de la part de leur conjoint [139, 140]. Contrairement au soutien social reçu, le soutien social perçu est associé de manière consistance avec des outcomes de santé positifs [140].

Le soutien social peut également être informel (provenant du conjoint, de la famille et des autres personnes de son réseau social) ou formel (émanant d’une sage-femme, d’un médecin généraliste et/ou d’un autre professionnel de santé). (Figure1.4) Le soutien social formel provient d’une institution et, est en général davantage structuré que le soutien social informel [138,140]. Pendant la grossesse, le soutien social de la part des professionnels de santé, et en particulier des sages-femmes, peut inclure des informations sur l’accouchement et sur la parentalité. Celles-ci peuvent également orienter les mères vers un service de santé mentale si besoin. En France, tous les futurs parents sont censés être invités à participer à l’entretien prénatal précoce (EPP), dès le début de la grossesse. Cet entretien, ayant lieu avec une sage-femme formée, permet notamment de repérer les couples qui ont des difficultés psychologiques et/ou socioéconomiques ainsi que les parents victimes de violences domestiques. L’entretien prénatal précoce a lieu individuellement (un seul couple ou un seul parent) et dure davantage de temps qu’une séance de préparation à la naissance et à la parentalité (PNP) [141, 142]. Au contraire, les séances de préparation à la naissance et à la parentalité, sont plus souvent organisées en groupe, ce qui permet aux parents qui y participent de recevoir du soutien à la fois de la sage-femme organisatrice, mais aussi des autres mères et des autres pères présents [142].

Figure 1.4 – Définition du soutien social pendant la grossesse

1.2.2 Soutien social pendant la grossesse et dépression postpartum mater-nelle

Le manque de soutien social pendant la grossesse est apparu très tôt dans la littérature comme un facteur de risque important de la dépression postpartum maternelle [24, 143]. En particulier, O’Hara et collègues ont conduit deux études à la fin des années 1970, grâce aux-quelles l’importance du soutien du conjoint vis-à-vis de la dépression postpartum maternelle a pu être soulignée. Dans une première étude cas-témoins incluant 11 femmes déprimées et 19 non déprimées, les femmes déprimées avaient bénéficié de moins de soutien social instrumental (aide pratique ou tangible) et émotionnel (écoute, échanges sur les ressentis) que les femmes non déprimées. En revanche, il n’y avait pas de différence en termes de confidents. Les auteurs notaient l’importance du soutien de la part du conjoint [24]. Dans une deuxième étude où 99 femmes étaient suivies prospectivement, 9% avaient été déprimées pendant la grossesse et 12% à 9 semaines postpartum. Le manque de soutien social pendant la grossesse (respectivement en postpartum) de la part du conjoint était associé à une probabilité plus élevée de dépres-sion anténatale (respectivement postpartum), mais l’association entre le soutien social pendant la grossesse et la dépression postpartum n’avait pas été étudiée [143]. Dans une autre étude,

le soutien social pendant la grossesse avait été recueilli chaque trimestre via le Social Support

Questionnaire [144] auprès de 80 femmes. Elles avaient complété l’EPDS 4 à 5 semaines après l’accouchement. Parmi elles, 16% de femmes étaient caractérisées comme ayant une dépression postpartum. Dans cette étude, le manque de soutien social était également associé à une proba-bilité plus élevée de dépression postpartum [145].

En 2009, une autre étude s’est intéressée aux associations entre le soutien social pendant la grossesse et en postpartum et la dépression postpartum maternelle, au sein d’un échantillon de 534 mères résidant en Chine, dont 20% présentaient des symptômes dépressifs [146]. Dans cette étude, les auteurs concluaient que l’association entre le soutien social en postnatal et la dépression postpartum était plus forte que celle entre le soutien social pendant la grossesse et la dépression postpartum [146].

Dans une étude menée au Japon et suivant 877 femmes enceintes depuis le début de leur grossesse, les auteurs trouvaient que seulement le nombre de soutien pendant la grossesse était associé à la dépression postpartum et non la satisfaction quant au soutien social reçu. Par ailleurs, la quantité et la satisfaction vis-à-vis du soutien social étaient modestement corrélés dans cette étude [147].

Milgrom et collègues identifient également les relations dans lesquelles les compétences sont reconnues et les relations sur lesquelles les femmes peuvent compter comme deux composantes du soutien social pendant la grossesse, qui semblent être fortement associées à la dépression postpartum [132].

1.2.3 Soutien social pendant la grossesse et dépression postpartum paternelle

Les sources du soutien social des pères semblent différer de celles des mères. En effet, celles-ci proviennent davantage de la famille pour les pères que pour les mères [148].

Alors que le manque de soutien social est reconnu comme un facteur de risque de la dépression postpartum paternelle, celui-ci est davantage étudié du point de vue des femmes enceintes/mères. A notre connaissance, une seule intervention a été conduite avec pour objectif de prévenir la dépression postpartum paternelle via un programme éducationnel et visant à renforcer le soutien social pendant la grossesse. Cette intervention se montrait positive vis-à-vis de la dépression postpartum paternelle [149].

Par ailleurs, si les pères sont censés pouvoir participer aux séances de préparation à la naissance et à la parentalité, ils sont peu nombreux à le faire [150], du fait de l’inadéquation

de ces séances par rapport à leurs besoins [151], ainsi que du manque d’arrangements pratiques leur étant alloués pour pouvoir assister aux séances.

1.2.4 Soutien social pendant la grossesse et dépression postpartum parentale conjointe

Lorsque les deux parents souffrent de dépression postpartum, les conséquences négatives de la dépression postpartum vis-à-vis du développement de l’enfant sont accrues [111,113]. Quand un des deux parents est déprimé, l’autre peut compenser les difficultés du parent pour limiter les conséquences de la dépression sur le fonctionnement de la famille et le bien-être de l’enfant. Ceci n’est pas possible si les deux parents sont déprimés [152]. Il est donc important de prévenir la dépression postpartum parentale conjointe.

A notre connaissance, une seule étude [76] a quantifié l’association entre le soutien social pen-dant la grossesse et la dépression postpartum conjointe. Les auteurs trouvaient qu’une position socioéconomique défavorisée (évaluée par de faibles revenus) et la dépression postpartum mater-nelle étaient les facteurs de risque principaux de la dépression postpartum parentale conjointe. Au contraire, un niveau de soutien social suffisant apparaissait comme un facteur protecteur. Deux études rapportaient une association entre une mauvaise relation au sein du couple et à la fois la dépression postpartum maternelle et paternelle. Cependant, l’association entre les rela-tions au sein du couple et la dépression postpartum parentale conjointe n’avait pas été estimée [153,154].

1.3 Le soutien social pendant la grossesse : un mécanisme