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Le soutien social pendant la grossesse : un mécanisme sous-jacent potentiel des

dépres-sion postpartum

1.3.1 Inégalités sociales en matière de santé mentale périnatale

Dans ses recommandations vis-à-vis de la prévention de la dépression périnatale, les US Preventive Services Task Force ont inscrit une faible position socioéconomique (notamment avoir de faibles revenus et être parent isolé) dans la liste des facteurs à surveiller en période périnatale [126]. La prévalence de la dépression postpartum chez des femmes ayant une faible position socioéconomique est estimée être plus de deux fois plus élevée que celle estimée pour

l’ensemble des femmes en postnatal [155, 5]. Plus particulièrement, les femmes ayant un faible niveau de diplôme (notamment inférieur au lycée), étant sans emploi ou avec un emploi à temps partiel et disposant de peu de revenus, sont plus à risque de dépression postpartum [156,157].

La France, comme d’autres pays, est dotée d’un système d’assurance maladie universel, qui en théorie permet un accès aux soins équitable. En pratique, les couples les plus défavorisés présentent des barrières d’accès aux soins et à la prévention en santé et en santé mentale plus importantes que les parents ou futurs parents plus favorisés. Dans le cadre de la grossesse, sept visites prénatale sont remboursées par l’assurance maladie [158], en plus de l’entretien préna-tal précoce suivi de sept séances de préparation à la naissance et à la parenpréna-talité [142]. Cela représente donc pour les parents un nombre d’occasions important d’être en contact avec des professionnels de santé au cours de la grossesse, avec qui aborder de manière formelle ou in-formelle la présence de difficultés afin d’être orientés vers un service adéquat. Malgré cela, les femmes ayant une position socioéconomique moindre ont moins de contacts avec les profession-nels de santé [159, 160] et rapportent de moins bonnes expériences vis-à-vis de ceux-ci [161]. Les barrières à l’accès aux soins et à la prévention en santé et en santé mentale des couples les plus défavorisés incluent la distance entre le lieu de résidence et les structures de soins et des difficultés liées aux transports pour s’y rendre et à faire garder ses autres enfants afin d’assister aux rendez-vous. Une moindre litéracie en santé rend également l’identification des structures adéquates, des services qui sont proposés et des professionnels de santé à qui s’adresser plus complexe.

1.3.2 Inégalités sociales vis-à-vis du soutien social pendant la grossesse

Le manque de soutien social tend à être positivement associé à une position socioécono-mique défavorable. Les femmes enceintes qui bénéficient le moins de soutien social pendant leur grossesse ont tendance à être celles qui ont une position socioéconomique défavorisée [162,163]. Dans une étude qui avait pour but d’estimer l’association entre les trajectoires de soutien social pendant la grossesse et la position socioéconomique, les auteurs identifiaient six groupes de trajectoires de soutien social. La majorité des mères (60%) appartenaient au groupe ayant un niveau de soutien social élevé et stable, et respectivement 2.7% et 2.3% des mères appartenaient aux groupes ayant respectivement un niveau faible et stable de soutien social et un niveau de soutien social augmentant avec le temps. Les auteurs trouvaient qu’un faible niveau de soutien social était associé à un faible niveau de revenus ainsi qu’à l’appartenance à une minorité

eth-Figure 1.5 – Le soutien social pendant la grossesse, un mécanisme potentiel des inégalités sociales vis-à-vis de la dépression postpartum

nique. Les femmes appartenant au groupe où le niveau de soutien social s’améliorait au cours de la grossesse avaient une probabilité plus élevée d’avoir un emploi pendant leur grossesse que celles dont le niveau de soutien social restait faible [164].

1.3.3 Le rôle médiateur du soutien social pendant la grossesse dans les in-égalités sociales vis-à-vis de la dépression postpartum

Nous avons précédemment vu que le soutien social pendant la grossesse était associé à la position socioéconomique des parents et à la dépression postpartum, et que la position so-cioéconomique était également associée à la dépression postpartum. Le soutien social apparait alors comme un mécanisme sous-jacent potentiel des inégalités sociales vis-à-vis de la dépression postpartum parentale. En effet, une partie des inégalités sociales vis-à-vis de la dépression post-partum pourrait provenir d’un manque de soutien social pendant la grossesse. Le manque de soutien social pendant la grossesse serait donc un médiateur des inégalités sociales en matière de dépression postpartum. (Figure 1.5)

Peu d’études ont examiné le rôle médiateur du soutien social pendant la grossesse au regard de la dépression postpartum [163, 165]. Dans une première étude, les auteurs montraient que l’emploi et le soutien social perçu étaient indépendamment associés à un risque amoindri de dépression postpartum maternelle [163]. Dans la deuxième étude, un faible niveau de soutien social médiait l’association entre le niveau de diplôme de la mère et la dépression postpartum maternelle [165]. Cependant, ces études présentaient à la fois des limites méthodologiques et statistiques.

comme mécanisme potentiel des inégalités sociales vis-à-vis de la dépression postpartum chez les pères et au regard des couples.

1.3.4 Un effet modérateur du statut migratoire ?

La prévalence de la dépression postpartum chez les femmes immigrées dans les pays occi-dentaux, notamment en France, est plus élevée (estimée entre 24-42%) que dans la population générale [166]. Nous avons vu précédemment qu’une position socioéconomique défavorable était un facteur de risque important de la dépression postpartum. Ceci est particulièrement le cas pour les femmes immigrées. En effet, lorsqu’elles quittent leur pays d’origine, les femmes immigrées ont tendance à avoir une meilleure santé que les femmes issues de la population majoritaire du pays d’accueil, afin de pouvoir effectuer leur voyage. On parle de "healthy migrant effect" [167]. Cependant, des évènements de vie négatifs peuvent impacter la santé des femmes, soit pendant leur voyage, soit quand elles arrivent dans le pays de destination. De plus, une fois arrivées dans le pays d’accueil, les femmes immigrées font face à des difficultés liées à l’emploi (retrouver un emploi et correspondant à la qualification initiale), à la précarité administrative et aux difficul-tés liées au logement, qui sont des facteurs de risque associés à une santé mentale détériorée [168,169]. Chez les femmes immigrées, une position socioéconomique défavorisée est aussi asso-ciée à des barrières à l’accès au système de soin dues au langage, à une moindre compréhension et une moindre connaissance du système de soins, mais aussi parfois à des déceptions liées à l’inhabilité des professionnels de santé à comprendre leurs besoins [170,171].

Une particularité concernant les femmes immigrées, peut être leur accès réduit aux structures de soutien social traditionnel, augmentant leurs difficultés à prévenir et faire face à la dépression postpartum. En effet, le manque de soutien social, qui peut être accru par la diminution ou la perte du soutien social de la part de la famille, des amis ou des membres de la communauté et les difficultés à bénéficier de soutien social dans le pays d’accueil ainsi que les discrimination ; une position socioéconomique désavantagée et les évènements de vie défavorables ont été identifiés comme des mécanismes clés de la dépression postpartum [172]. Le statut migratoire pourrait ainsi avoir un effet modérateur du rôle du soutien social pendant la grossesse dans les inégalités sociales vis-à-vis de la dépression postpartum. A notre connaissance, aucune étude s’est intéressée au soutien social comme potentiel médiateur des inégalités sociales au regard de la dépression postpartum en distinguant le statut migratoire des femmes.

différentes des femmes immigrées, en ce qui concerne leur contexte social ainsi que leur accès au système de soins et leur réseau de soutien social, du fait d’une intégration potentiellement meilleure, d’une meilleure connaissance du système de soins et d’une meilleure maîtrise de la langue du pays d’accueil. En particulier dans une étude menée sur une large cohorte de naissance [173], les femmes immigrées avaient une probabilité plus élevée de dépression postpartum, ce qui n’était pas le cas des descendantes d’immigrés.