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4.2 Conception d’une aube de soufflante

4.2.1 Les différentes sources d’excitation

Les aubages sont soumis à de nombreuses sollicitations statiques et dynamiques d’origine aérodynamique ou mécanique. Ces phénomènes sont multiples, complexes et difficiles à prédire d’où l’existence de nombreuses marges (pompage, flottement, etc.) que l’amélioration des modèles théoriques et des outils de calcul doit permettre d’affiner. Bien que les excitations dépendent fortement de la position dans le moteur de l’étage étudié, celles affectant une aube fan peuvent être classées en deux catégories principales : les phénomènes aéroélastiques et les phénomènes mécaniques.

(a) Phénomènes aéroélastiques

Baignées dans un flux d’air, les roues aubagées (stator et rotor) sont soumises à des sol-licitations vibratoires d’origine aérodynamique, dont il convient d’étudier les effets sur leur comportement mécanique. Ces excitations aérodynamiques ont deux effets principaux d’un point de vue dynamique : elles peuvent provoquer une instabilité de la roue aubagée (phéno-mène de flottement analogue à ceux rencontrés chez les avionneurs) ou une résonance de la

15La soufflante du moteur CF6-80C de 27 tonnes de poussée qui équipe les Boeing 767 représente 21% de la masse du moteur. Dans le GenX-1B, de 31 tonnes, qui doit équiper les futurs Boeing B787, leur masse est passée à 33%.

16La phase de conception et le départ de la mise au point d’un moteur durent un an. S’en suivent quatre années de test depuis le début des essais en vol jusqu’à la certification et la mise en service.

Conception aérodynamique analyse stationnaire analyse instationnaire

Conception acoustique analyse du bruit de raie analyse du bruit large bande

Conception mécanique analyses statique et dynamique

analyse aéro-élastique analyse de durée de vie

Analyse des procé-dés de fabrication

Fig. 4.4 – La conception d’une aube de soufflante.

structure sur un (ou plusieurs) de ses modes propres de vibration, ce qui génère des contraintes alternées susceptibles de provoquer de la fatigue vibratoire. Ces sources d’excitations aérody-namiques peuvent être synchrones ou asynchrones.

Les excitations synchrones sont caractérisées par une fréquence liée à une harmonique du régime moteur. Différents types d’excitation peuvent être trouvées :

• les excitations de bas ordre, induites par les dissymétries présentes dans la veine d’air ; • les distorsions de la manche d’entrée d’air générées par des conditions de vol en

inci-dence : montées, descentes ou vent de travers ;

• les excitations harmoniques générées par un balourd résiduel du à un équilibrage de la roue imparfait ;

• les excitations par sillage. Dans son mouvement de rotation, l’aube se retrouve en amont ou en aval de différents obstacles (aubes, bras de carter, etc.) qui provoquent une per-turbation dans l’écoulement dont la fréquence est égale à la fréquence de rotation mul-tipliée par le nombre d’obstacles. Si il y a coïncidence de la fréquence d’excitation avec la fréquence propre de l’aube, cette dernière entre alors en résonance. Ce phénomène de croisement d’une harmonique de l’excitation avec une fréquence propre de l’aube est prédit à l’aide d’un diagramme de Campbell.

La réponse des aubages à des excitations synchrones est correctement prédite par la théorie et ne pose pas de problème lors de la phase de conception, ce qui n’est pas le cas des excitations asynchrones.

Les excitations asynchrones sont caractérisées par une fréquence qui n’est pas un multiple du régime de rotation. Les phénomènes les plus importants sont :

• le décollement tournant ; • le flottement ;

• le SFV (Separated Flow Vibration).

Le décollement tournant est un phénomène qui prend naissance lorsqu’il y a décrochage des filets d’air sur les aubes du à un angle d’incidence trop élevé. Si ce décrochage, ou décollement, n’affecte qu’une seule aube du disque et se déplace dans le sens (ou le sens inverse) de la rotation, il est dit tournant. Si la vitesse de déplacement de ces zones fluides "décollées" est

4.2. CONCEPTION D’UNE AUBE DE SOUFFLANTE

différente de la vitesse de rotation du disque, il en résulte des différences de pression entre les différentes aubes ce qui génère des niveaux vibratoires importants, voire des surcharges en deçà de la limite de pompage.

Le flottement peut être caractérisé de classique ou de décrochage suivant la nature de l’instabilité qui amène l’aube à vibrer en grande amplitude (cycle limite) ou à sa destruction (flottement pur) :

• le flottement, dit "classique", est celui des avionneurs et concerne les structures ayant un profil d’aile, comme les aubes, où les mouvements de torsion et de flexion sont cou-plés. Pour une vitesse du flux d’air donnée, les forces aérodynamiques vont modifier les fréquences propres et si les fréquences de torsion et de flexion se rejoignent, l’amplitude de l’aube croit sans limite jusqu’à sa ruine. Dans ce type de problème, plus l’écart entre les fréquences propres est grand, plus la vitesse limite à partir de laquelle se déclenche l’instabilité est élevée ;

• le flottement de décrochage est une instabilité où les efforts engendrés par le flux d’air déforment la structure, ce qui modifie en retour l’écoulement de celui-ci, et ainsi de suite. Au dessus d’une vitesse critique, et si les propriétés aérodynamiques de la structure le permettent, l’énergie apportée par le fluide devient supérieure à celle dissipée dans la structure et l’amplitude vibratoire augmente progressivement et se stabilise à un certain niveau. Ce type d’instabilité, dit par amortissement ajouté, conduit à des oscillations de cycle limite.

Le décollement tournant et le flottement, qui augmentent le niveau vibratoire des aubes, ne prennent naissance que parce que les aubes vibrent préalablement. Pour cette raison, ces phénomènes sont dits auto-entretenus. Ils sont encore mal connus et difficile à prendre en compte dès la phase de conception. Leur découverte apparaît le plus souvent pendant les essais moteurs, ce qui implique de nouvelles boucles de conception.

Enfin, si le flottement est une instabilité aéroélastique due à un couplage entre l’écoulement du fluide et le mouvement de la structure, c’est à dire une vibration induite par le mouvement du fluide, le dernier type d’excitation, le SFV, est quant à lui une vibration induite par la turbulence. Du fait que la vitesse du flux d’air n’est pas constante et qu’elle évolue aussi bien dans le temps que dans l’espace, il s’ensuit des efforts aérodynamiques non constants qui peuvent faire vibrer les aubes de manière irrégulière.

(b) Phénomènes mécaniques

Les aubages sont également soumis à des sollicitations statiques et dynamiques d’origine mécanique. Les principales sollicitations statiques sont les efforts centrifuges. La charge induite par un taux de rotation élevé sur une aube fan peut atteindre plusieurs dizaines de tonnes. Quant aux sollicitations dynamiques, les trois principales sont :

• les chocs ; • le balourd ;

• le contact rotor-stator.

Les chocs sont des phénomènes transitoires violents qui peuvent être rencontrés lors d’in-gestion de corps étrangers (oiseaux, glace) par le moteur, principalement pendant les phases de décollage et d’atterrissage. Si le choc est si violent qu’il s’en suit une perte d’aube, un balourd très important est créé jusqu’à l’arrêt du moteur. Les carters jouent alors un rôle crucial puisqu’ils doivent être capables de contenir les pièces perdues lors de l’impact et de maintenir la cohésion du moteur soumis au balourd.

Afin de limiter les fuites vers l’amont du compresseur, une solution consiste à réduire au minimum les jeux17 entre les extrémités des aubes et le carter. Ces contacts sont à l’origine d’interactions modales entre la roue aubagée et le carter ainsi que d’instabilités associées à des niveaux vibratoires élevés. Ces phénomènes restent toutefois difficiles à prédire quantita-tivement [75].