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Chapitre 1 : Etude bibliographique

1. Le bois de chêne en œnologie

1.5. Sources de variabilité des tanins hydrolysables

Comme cité plus haut, les tonneliers utilisent plusieurs critères de sélection des bois tels que l’espèce, l’origine géographique et le grain. Ces critères sont basés sur une observation centenaire de l’apport du bois au vin. Néanmoins, pour un unique vin élevé dans un même lot de barrique, une grande hétérogénéité organoleptique due à la futaille est observée. Aujourd’hui, plusieurs études ont montré que ces différences étaient dues à la faible pertinence des critères empiriques due à la forte variabilité de la composition chimique du bois.

En effet, Quercus robur et petraea restent deux espèces avec un patrimoine génétique différent. D’un point de vu morphologique, ils sont très difficiles à distinguer voir plus compliqués encore en cas de présence d’hybrides. Les critères les plus sûrs sont le nombre de lignes de gros vaisseaux du bois de printemps (chêne pédonculé > 3 > chêne sessile)

(Figure 18), la proportion du bois de printemps dans la cerne (chêne pédonculé > 25% > chêne sessile) et la forme plus circulaire et non déformée des

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Figure 18 : Concentration en ellagitanins totaux de Quercus robur et petraea (Prida et al., 2006)

Au niveau moléculaire, le chêne pédonculé est fréquemment considéré comme plus riche en tanins avec une moyenne de concentration de 48,36 ± 20,95 mg/g de chêne français sec que son cousin le chêne rouvre (34,41 ± 15,62 mg/g de chêne français sec) [132]. De plus, de nouvelles études montrent que les différences de concentrations en ellagitanins à l’intérieur d’une même espèce sont plus grandes que les différences entre les deux espèces (Figure 18) [132]. Il en résulte une large bande où les concentrations des 2 espèces se chevauchent. Malgré tout, la courbe de Gauss caractérisant les concentrations d’ellagitanins du bois montrent un décalage vers des valeurs plus élevées pour le chêne pédonculé. Il peut être déduit que cette différence est due à la variabilité du patrimoine génétique des deux espèces [132]. Mais la forte variabilité interespèce est due à d’autres facteurs exogènes. Donc, la conclusion que ce critère est peu pertinent pour sélectionner les bois en fonction de leur contenu polyphénolique peut être tirée. D’ailleurs aujourd’hui, la plupart des tonneliers ne font pas la différence entre les deux espèces lors de leur sélection des bois.

Le critère espèce étant peu fiable pour déterminer la composition chimique du bois, les tonneliers ont cherché à en utiliser de nouveaux comme la provenance géographique et le grain. Ainsi, les bois provenant du centre de la France sont dits à grain fin avec des teneurs en composés aromatiques élevées et en composés phénoliques faibles. Les bois provenant des Vosges sont considérés comme des bois à grain fin avec des teneurs en composés aromatiques similaires à ceux du centre, mais avec des teneurs en composés phénoliques également riches.

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Les forêts du Limousin contiennent elles des bois à grain grossier avec des teneurs en composés phénolique comparable à celui des Vosges mais avec des teneurs en composés aromatiques faibles [90]. En résumé, les forêts du Limousin semblent se distinguer plus des autres car il s’agit d’un peuplement uniquement composé de chêne pédonculé, sélectionnés par les tonneliers de la région pour les alcools et eaux de vie [79]. Mais de récentes études tendent à démontrer que les peuplements au sein d’une même forêt peuvent se révéler fortement disparate et donc rendre le critère « origine géographique » moins pertinent (Figure 19). En effet, différents groupes d’arbres dans une même forêt peuvent avoir de fortes disparités dans leur contenu en polyphénols alors qu’ils seront plus proches de groupes prélevés dans d’autres forêts.

Figure 19 : Variabilité de la teneur en polyphénols des chênes en fonction de leur origine géographique

Le critère grain utilisé plus récemment, donne une meilleure corrélation avec la teneur en polyphénols des bois (Figure 20). En effet, plus le grain du bois est élevé, plus celui-ci sera riche en polyphénols. Or, ce critère dépend de la vitesse de croissance de l’arbre. Les facteurs exogènes tels que le sol, le climat, le relief, l’orientation des arbres et les pratiques sylvicoles vont donc influer sur la composition chimique des arbres. Il a été montré par exemple que le pH du sol, sa richesse en calcaire et en carbonate actif ainsi que sa structure générale (profondeur…) avaient une influence sur la croissance des arbres. Le climat, par une augmentation de la pluviométrie et/ou une diminution du nombre de jours ou la température est inférieure à 10°C, peut augmenter la vitesse de croissance de l’arbre et donc son grain et son contenu en polyphénols [90]. Les pratiques sylvicoles, par le contrôle de la densité des arbres dans une forêt, influencera fortement leur croissance. Plus la densité sera faible, plus les arbres croitront rapidement. Le grain permet donc d’homogénéiser le contenu polyphénolique des bois, mais une variabilité rémanente reste encore présente pour pouvoir sélectionner des bois ayant une composition en polyphénols proche [1, 132, 155].

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Figure 20 : Concentration en polyphénols du chêne en fonction de son grain

De plus, de nouvelles études montrent que la teneur en ellagitanins au sein d’un même arbre varie fortement en fonction de l’âge du bois (Figure 21). En effet, le bois de cœur peut être jusqu’à 10 fois plus pauvre en ellagitanins que le bois jeune, de périphérie [1]. C’est pour cette raison que les nouvelles méthodes de classification des bois doivent être effectuées sur chaque pièce de bois rentrant dans la composition de la barrique.

Figure 21 : Concentration en ellagitanins en fonction de l’âge du bois dans un tronc de bois de chêne (Masson, G., 1996 [1])

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