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Chapitre 1 : Etude bibliographique

2. Les polyphénols du raisin et du vin

2.2. Les composés flavonoïdes

2.2.4. Evolution des composés flavonoïdes au cours du vieillissement du vin

Les flavonoïdes et plus particulièrement les anthocyanes, subissent diverses modifications chimiques (dégradation, complexation…) dues à leurs grandes instabilités chimiques, Par exemple, la teneur en anthocyanes d’un vin diminue fortement durant les premiers mois d’élevage pour arriver à zéro au bout de plusieurs années bien que le vin garde une certaine robe rouge alors que les tanins, par oxydation, vont former des pigments de couleurs jaunes comme la méthide-quinone, la déhydrodicatéchine A [230] ou des sels de xanthylium (Figure 42) [231]. Ces transformations structurales modifient la couleur et l’astringence des vins au cours de leur vieillissement [11-13] puisque les nouvelles molécules formées peuvent par exemple, contribuer au bout de dix ans à hauteur de plus de 85% à la couleur des vins [11].

2.2.4.1. Dégradation des anthocyanes

L’oxygène dissout dans le vin va être rendu actif sous forme de péroxyde ce qui est aidé par la présence de métaux de transition comme le fer ou le cuivre ce qui va lui permettre d’attaquer les anthocyanes [232]. En effet, depuis de nombreuses années, la formation de produits de dégradation de cette famille de molécules par des attaques nucléophiles a été observée. Ainsi, la malvidine-3,5-O-diglucoside peut conduire à la formation d’esters benzoyloxyphenylacétiques (malvones) [233] qui peuvent à leur tour évoluer en fonction du pH en acide syringique et en 2,4,6-trihydroxy-phenylacetique [234]. Plus récemment, la dégradation de la malvidine-O-glucoside en milieu acide en trihydroxybenzaldèhyde, acide syringique, malvidone A ou en différentes chalcones a été démontrée (Figure 38) [235].

Les anthocyanes sont également sensibles au pH, à la température ou à la lumière [236], d’où les techniques d’élevage (cave thermostatée) visant à les protéger. En effet, un pH acide entraîne un déplacement de l’équilibre des anthocyanes par hydrolyse de la liaison glucosidique vers la forme chalcone comme vu précédemment [12, 237] (Figure 38). Ensuite, cette chalcone peut former des benzaldéhydes ou des acides benzoïques par rupture puis réarrangement du squelette carboné. Plusieurs produits de dégradation en fonction de

l’anthocyane mère sont formés (2,4,6 trihydroxybenzaldéyde, acide syringique…) [178, 238, 239].

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Figure 38 : Exemple de mécanisme de dégradation des anthocyanes

2.2.4.2. La copigmentation

La formation de complexes d’empilement avec d’autres flavonoïdes appelée copigmentation, ainsi que la complexation métallique contribuent également à la stabilisation des anthocyanes, mais aussi à leur couleur. En effet, les acides phénols, des flavanols et des tanins vont agir comme copigments [240-243] ce qui entraîne un effet bathochrome (décalage la couleur vers le mauve) en déplaçant l’équilibre entre les différentes formes d’anthocyanes vers des formes A+ (rouge) et AO (bleu-mauve) ainsi qu’un effet hyperchrome (augmentation de l’intensité colorante) [178, 244-247]. Ce type de réaction sera l’apanage des vins jeunes puisqu’elle peut contribuer jusqu’à 50% de leur couleur [244]. La copigmentation peut être intermoléculaire. Dans ce cas, des interactions non covalentes de type de Van der Waals et

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hydrophobes permettent l’établissement d’un stacking π-π [247, 248]. Cette complexation protège l’anthocyane de l’hydratation. Lorsque l’anthocyane est coumaroylée, une copigmentation intramoléculaire peut avoir lieu entre la partie anthocyanidique et l’acide coumarique d’une même molécule [249, 250]. A forte concentration, les anthocyanes peuvent également s’auto associer [251] pour former des dimères par empilement hydrophobe mais aussi par des liaisons covalentes pour former des complexe de type A-A+ [252, 253]. Ces associations entraîneront une intensification de la couleur. Grâce à la conformation de son groupe hydroxyle, l’(-)-épicatéchine est le copigment qui forme le plus efficacement des complexes [254, 255].

2.2.4.3. Polymérisation interflavonoïdes directe

Au cours de l’élevage, les flavan-3-ols et les tanins sont le siège de plusieurs réactions [196] qui participent à la diminution de l’astringence des vins [256]. Un premier type de réaction est la polymérisation dite ordonnée entre unités procyanidiques qui n’implique pas le cycle B (Figure 39). Pour cela, une dépolymérisation s’effectue par rupture d’une liaison interflavanes C4-C8 ou C4-C6 des tanins condensés. Cette réaction conduira à la formation d’une unité flavanol et d’un carbocation en C4+

. Puis ce dernier subira une addition nucléophile avec les sommets C6 ou C8 des flavanols monomères ou polymères [190], c’est ainsi que le degré de polymérisation dans le vin augmente [257, 258]. Le même type de réactions se déroule avec les thiols [259] ou d’autres nucléophiles [196, 260]. Ainsi, les flavanols carbocations de types C4+ peuvent se lier aux sommets 6 ou 8 d’une anthocyane par son carbone 4 (hétérocycle C) ce qui mène à la formation d’un complexe T-A+

, un dérivé de couleur rouge-orangé [261-263] (Figure 40). Les unités flavan-3-ols peuvent également être responsables d’attaques nucléophiles par leurs sommets 6 ou 8 sur le carbone 4 des anthocyanes pour former un complexe A+-T..

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Figure 39 : Polymérisation ordonnée des flavanols (Vidal et al., 2002)

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La polymérisation « désordonnée », qui elle fait intervenir uniquement le cycle B, utilise l’oxygène dissous du vin et aboutir à la formation de semi-quinones et de quinones, espèces chimiques extrêmement réactives [264] (Figure 41). Ces différentes réactions de polymérisations diminuent la sensibilité des procyanidines à l’oxydation [178, 265].

Figure 41 : Polymérisation désordonnée des flavanols

2.2.4.4. Polymérisation interflavonoïdes indirecte

De nombreuses études ont montré la polymérisation indirecte des flavanols grâce à plusieurs intermédiaires. Le premier découvert fut l’acétaldéhyde [10, 12, 266] dont la contribution est maintenant bien comprise [267-269] (Figure 42). Ce dernier, absent du raisin, provient de l’oxydation de l’éthanol [270] ou est produit biochimiquement par les levures au cours de la fermentation alcoolique [271]. Ce type d’association peut être étudié par phloroglucinolyse qui entraîne la formation d’un composé du type phloroglucinol-éthyl-phloroglucinol [272] utilisable comme marqueur d’évolution oxydative des tanins [273]. Le produit de condensation formé par deux unités catéchine peut ensuite conduire à la formation d’un sel de xanthylium de couleur jaune par oxydation (Figure 42) [71, 178, 274].

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Aujourd’hui, la mise en évidence d’une polymérisation par l’intermédiaire de l’acide glyoxylique, issue de l’oxydation de l’acide tartrique par Fe3+

ou Cu2+ en acide dihydroxytartrique [275-279], laisse apparaitre de nouveaux composés évoluant rapidement vers des pigments jaunes au pH du vin (Figure 43). L’élevage en barrique, par l’intermédiaire du furfural et de ces dérivés produit par la chauffe des douelles, contribue également à la formation de complexes flavonoïdes [71, 178, 280-282].

Figure 43 : Produit de condensation de catéchine par l’intermédiaire de l’acide glyoxylique

Ces différents intermédiaires contribuent de plus à la formation de complexes flavano-anthocyaniques. En effet, le carbocation benzylique subit l’attaque nucléophile des sommets 8 et 6 d’une anthocyane pour aboutir à la formation de nombreux composés rouge-violets (effet bathochrome sur l’anthocyane native) [231, 283-288] indispensables à la stabilisation de la couleur des vins rouges. La réaction s’arrêterait lorsque les deux extrémités du produit de condensation sont occupées par des anthocyanes.

Pour finir, des réactions inter-anthocyaniques par l’intermédiaire d’éthanal ont récemment été découvertes [289] et étudiées. Par exemple, la forme majoritaire du dimère d’unité malvidine-3-O-glucoside, au pH du vin, contient une unité malvidine-3-O-glucoside sous la forme flavylium colorée A+ et l’autre sous la forme hydratée incolore AOH [71, 178].

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