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Chapitre 1 : Étude bibliographique

1.3. Focus sur les polluants émergents

1.3.4. Omniprésence et persistance de la Carbamazépine

1.3.4.1. Sources de la carbamazépine et de ses métabolites

Chaque année, environ 1014 tonnes de carbamazépine (CBZ) sont consommés dans le monde entier, une valeur estimée conforme avec les données sanitaires de « Intercontinental Marketing Services (IMS) » qui rapportent que 942 tonnes de CBZ ont été vendus en 2007 dans 76 grands pays qui sont considérés comme correspondant à 96 % du marché mondial de produits pharmaceutiques, et cela donne plus de 30 tonnes de CBZ qui doivent être éliminés des effluents. Au Canada, environ 28 tonnes de CBZ ont été vendus d’après les prescriptions médicales délivrées en 2001 [85].

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Les voies de transformation du médicament antiépileptique CBZ dans le corps humain ont été largement étudiées. Environ 72 % de la CBZ administrée par voie orale est absorbée, tandis que 25 % sont évacués inchangés dans la matière fécale et 2-3 % sont évacués dans l'urine. Des études indiquent que la concentration de CBZ dans le plasma sanguin atteint un pic environ 4 à 8 heures après l'ingestion, mais cela peut prendre jusqu'à 26 h pour que la CBZ prenne effet [91].

Une fois qu'elle est absorbée, la CBZ est fortement métabolisée par le foie, ce qui laisse seulement 1 % de la dose sous forme inchangée. La CBZ est métabolisée par le système du cytochrome P450 dans le foie produisant plusieurs métabolites [91]. Ces métabolites peuvent agir pour inhiber la forme pharmaceutique active de la CBZ ; ils subissent le cycle entéro-hépatique pour être finalement excrétés dans l'urine.

Figure 1.11 Les trois voies métaboliques d’oxydation de la carbamazépine (Breton et al. 2005 [90]) Trois voies métaboliques principales (Figure 1.11) ont été répertoriées [92], la voie principale étant la formation de la 10,11-époxycarbamazépine (EP-CBZ), un composé ayant toujours l’effet pharmaceutique avec des propriétés anti-convulsivantes. Ensuite, l’EP-CBZ est métabolisée en 10,11-dihydro-10,11-trans-dihydroxycarbamazépine (DiOH-CBZ). Plus tard, la DiOH-CBZ conduit à la formation du 9-hydroxyméthyl-10-carbamoylacridan.

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Une deuxième voie métabolique implique la production de composés hydroxylés, tels que la 2-hydroxycarbamazépine (2-OH-CBZ) et la 3-hydroxycarbamazépine (3-OH-CBZ). La troisième voie métabolique conduit à la formation de l’iminostilbène (IM). En outre, dans les leucocytes, la CBZ et l’IM sont métabolisés en produits d'oxydation, y compris l’acridine (AI) et l’acridone (AO), qui sont connus pour être génotoxiques [93]. D'autres médicaments peuvent également interagir avec la CBZ en affectant l’activité du cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) [91]. Parmi ces interactions, on cite par exemple, le mélange siméthicone-carbamazépine fortement toxique pour les patients [91].

Grâce à l'utilisation massive de la carbamazépine (CBZ) dans la vie quotidienne, le composé-parent et certains de ses métabolites seraient par la suite libérés dans les stations d'épuration (STEP). En raison du haut niveau de production et du comportement pharmacocinétique de la CBZ lors de l'utilisation thérapeutique normale (c'est-à-dire la demi-vie, les excrétions urinaire et fécale, et le métabolisme), la CBZ ainsi que ses métabolites ont été détectés dans les STEP, ces derniers ont été considérés

comme une source majeure de décharge de la CBZ dans l'environnement [85]. La carbamazépine (CBZ) a été, également, détectée dans les affluents et les effluents

ainsi que les boues d’épuration à la station d'épuration et est sortie à l'environnement

via les effluents des stations de traitement d'eaux usées [94]. À titre d’exemple, la concentration en CBZ dans la plupart des effluents de STEP canadiennes peut

atteindre 2,3 mg L⁻¹ [88,95]. D’après les recherches récentes, la CBZ est introduite en continu dans l'environnement et répandue à de faibles concentrations [94], qui affectent en fin de compte la qualité de l'eau et ont potentiellement un impact sur l’approvisionnement en eau potable, l'écosystème et la santé humaine [96].

Les effluents des STEP contiennent une variété de produits pharmaceutiques, y compris la CBZ, qui ne sont pas complètement enlevés par les processus de traitement et sont rejetés dans le milieu aquatique récepteur [97]. La Figure 1.12 présente le bilan de masse de la CBZ observé dans les eaux usées et les boues d’épuration des stations d'épuration. En outre, au lieu d'être évacués, les effluents sont de plus en plus réutilisés dans de nombreuses parties du monde, notamment dans les pays arides et semi-arides.

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L'irrigation et la reconstitution des aquifères des régions côtières soumis à la surexploitation sont les principales voies de réutilisations. Répandre les eaux usées sur le sol pendant la réutilisation peut entraîner le transfert de certains résidus de substances pharmaceutiques (RSP), y compris la CBZ et ses métabolites. Des études récentes ont révélé que la CBZ était présente dans le sol irrigué aux eaux usées avec des concentrations allant de 0,02 à 15 ng g⁻¹ de matière sèche [98,99].

Figure 1.12 Le bilan-masse de

la CBZ observé dans les eaux usées et les boues d’épuration des STEP

Références : [98,99]

En outre, il s’avère difficile d'éliminer tous les résidus de substances pharmaceutiques (RSP) via le procédé biologique conventionnel. Ceci est dû au fait que les RSP ont des caractéristiques chimiques et physiques assez différentes les uns des autres. Par conséquent, il est nécessaire de développer une méthode de traitement capable d’assurer l’élimination de ces composés avant leur rejet dans le milieu naturel.

Récemment, la dihydroxycarbamazépine, un métabolite hydroxylé de la carbamazépine (CBZ), a été détectée dans les eaux usées à des concentrations plus élevées que son composé parent [80,100]. D'autres métabolites de la CBZ, telles que l’époxycarbamazépine et la 2-hydroxycarbamazépine ont été aussi détectées dans les effluents d'eaux usées [101]. Ces études montrent que les métabolites issus du métabolisme humain ou des activités microbiennes doivent être étudiés afin de mieux cerner le comportement des produits pharmaceutiques, y compris CBZ dans les eaux usées et le traitement des boues d’épuration. La CBZ sortante dans l’effluent vers le milieu récepteur est réduite au minimum par la mise en place dans les stations d'épuration de procédés augmentés en fonction des conditions de traitement spécifiques [102].

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Le composé est réintroduit dans l'environnement par les décharges de boues d’épuration, le lessivage, l’application agricole et le processus d'incinération. Le composé sous sa forme native ou transformée peut donc entrer dans la chaîne alimentaire quand les boues d’épuration traitées ou déshydratées sont utilisées comme engrais ou conditionneur de sol.

En outre, le coefficient de partage octanol-eau de la carbamazépine (log Ko/e) et le coefficient de distribution (Kd) entre l'eau et la boue secondaire sont 2,45 et 1,2 L kg SS⁻¹, respectivement, loin de la valeur de 500 L kg SS⁻¹ requise pour une sorption significative sur les boues [85]. Par conséquent, la plupart de la carbamazépine reste associée à la phase aqueuse. En plus, les chercheurs ont supposé que l'incinération des boues d’épuration peut minéraliser la petite fraction de la carbamazépine présente qui pourra être absente des résidus de cendres. Toutefois, si l'incinération a été interrompu pour utilisation finale bénéfique des boues, telles que l'application de la terre (agriculture) et l'épandage, la présence de la carbamazépine pourrait soulever la question de la réutilisation des boues comme une autre possibilité de contamination des nappes souterraines [94].