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Problématique des résidus des substances pharmaceutiques dans l’eau

Chapitre 1 : Étude bibliographique

1.3. Focus sur les polluants émergents

1.3.3. Problématique des résidus des substances pharmaceutiques dans l’eau

De grandes quantités de produits pharmaceutiques sont utilisées pour la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies chez les animaux et l'Homme. Les composés à activités pharmaceutiques (en anglais « Pharmaceutically Active Compound (PhAC) ») sont devenus un sujet de grand intérêt pour les chercheurs de l'environnement à travers le monde [47].

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La moyenne mondiale de la consommation des produits pharmaceutiques par habitant et par an est estimée à environ 15 g ; dans les pays industrialisés, cette valeur pourrait atteindre entre 50 et 150 g [48]. En raison de leur utilisation intensive, de leur présence dans l'environnement aquatique et de leurs impacts potentiels sur la faune et les humains, les résidus de substances pharmaceutiques (RSP) posent un problème important pour l'environnement [25]. Récemment, un intérêt croissant s’est développé pour l’étude de l'identification, le destin et la distribution des RSP dans les stations d’épuration (STEP) des eaux usées municipales, où ils sont généralement trouvés à des concentrations très faibles (≤ quelques ng L-1) [49,50].

De nombreux facteurs chimiques, physiques et biologiques, tels que l'adsorption sur les bio-solides, le pH, la force ionique de l'effluent, et les propriétés physico-chimiques du RSP, peuvent affecter le destin de ce RSP dans les stations d'épuration utilisant principalement un traitement biologique à base de boues activées (voir la section §1.4.1 pour plus de détails). Parmi les propriétés physico-chimiques d’un RSP qui coopèrent à décider de son destin lors de son passage à travers la station d'épuration, le caractère hydrophile/hydrophobe est en particulier important ; ainsi, les composés hydrophiles peuvent rester sous forme dissoute dans la phase aqueuse de l'effluent de la station d'épuration, alors que les substances hydrophobes peuvent se lier par sorption aux bio-solides. Ainsi, ces deux types de composés peuvent atteindre l'environnement respectivement en solution dans les effluents des STEP qui seront rejetés dans un milieu aquatique récepteur ou en liaison avec les bio-solides qui seront déchargés dans des terres agricoles.

Le pouvoir toxique de certains RSP qui inhibe le métabolisme microbien totalement ou partiellement dans le cas des antibiotiques ou des antiseptiques, peut également perturber le processus de traitement biologique en endommageant les microorganismes des boues activées. La structure moléculaire complexe de certaines RSP d’origine synthétique telle que la carbamazépine et la naproxène peut être très différente des structures des molécules naturelles de sorte que seules de rares enzymes sont capables d'attaquer leurs liaisons chimiques.

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Lorsque le traitement biologique conventionnel échoue, les méthodes physico-chimiques semblent être une solution alternative. Des méthodes simples dans cette catégorie comme la coagulation-floculation, la sédimentation, l’adsorption sur charbon actif et la filtration sont souvent utilisés dans les procédés d’épuration de l'eau potable [51,52]. Ces moyens ne font que transférer simplement les molécules problématiques d'une phase à une autre et des moyens plus poussés tels que les procédés d'oxydation avancée (POA) doivent souvent être utilisés pour éliminer complètement ces composés. Les tendances actuelles dans ce domaine ont été bien examinées par Klavarioti et al. [52]. Principalement, les oxydations chimiques purs utilisent les oxydants réactifs tels que l'ozone (O3) [53], le peroxyde d'hydrogène (H2O2) [54], le réactif de Fenton (H2O2/Fe2+) [55] et les différents composés de chlore (Cl2, ClO2, ClO, …) [56–58].

La photolyse par irradiation par la lumière UV-visible solaire ou artificielle, est également une technique couramment utilisé. H2O2 est souvent ajouté dans ce processus afin d'accélérer la formation de radicaux oxygénés réactifs capables d'attaquer des liaisons organiques [54]. Tandis que l'ajout des ions ferreux ou ferriques (dans des conditions de pH faible) conduit à une réaction de photo-Fenton [59–62], la présence de dioxyde de titane (TiO2) ou d'autres catalyseurs semi-conducteurs sous une forme solide particulaire améliore considérablement ce processus qui est alors appelé une photo-catalyse hétérogène [63–66]. L’irradiation par des ultrasons crée un point chaud dans la solution provoquant une série de réactions qui ressemblent à la pyrolyse ; ce procédé baptisé « sonolyse » produit aussi des intermédiaires radicalaires réactifs. Une amélioration peut être réalisée alors soit par l'ajout de TiO2 menant à un processus hétérogène [67,68], soit par l’ajout de Fe2+ menant à une réaction de sono-Fenton [69]. Une autre option est une oxydation électrochimique, qui peut être soit une réaction anodique directe des polluants si celui-ci est électro-chimiquement actif [70], soit une génération par électrolyse d'espèces oxydantes. Une microélectrolyse assistée par microbulles [71] ou en utilisant des électrodes spéciaux tels que du diamant dopé au bore ou une anode de TiO2 [72] peut conduire à de meilleures performances.

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L’ajout des ions ferreux ou ferrique [73] ou leur génération par des électrodes de fer sacrificielles [55] sont aussi des options possibles pour parvenir à une réaction électro-Fenton couplée ou non avec une coagulation par médiation de Fe3+. D’autres POA utilisant de hautes températures et pressions ou la technologie de plasma resteront en phase expérimentale et prendront quelque temps avant de passer à l’échelle réelle. Ces différentes méthodes peuvent représenter une bonne solution pour éliminer certains polluants, mais un nouveau type de problèmes peut apparaitre durant leur implémentation. En fait, même lorsque les POA conduisent à des rendements d'élimination notables, la question sur les sous-produits générés est encore controversée lorsque la minéralisation complète n'a pas eu lieu. Il a été constaté que certains de ces résidus peuvent être aussi toxiques et voire plus toxiques et récalcitrants que les molécules mères correspondantes : par exemple, l’acridone, le sous-produit d’oxydation de la carbamazépine par ozonation, est génotoxique (sa concentration la plus faible ayant un effet observable ou Lowest Observed Effect Concentration (LOEC) est de 5 nmol L−1), alors qu'aucune toxicité aiguë ou chronique n’est prouvé pour la carbamazépine même [74,75]. L’utilisation des enzymes puissantes purifiées est toujours possible [76] mais cette purification implique des coûts élevés.