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1.1 Définition de la douleur et de la souffrance

1.1.1 Chez l’homme

1.1.2.3 Souffrance chez l’animal

Tout comme dans la littérature scientifique et philosophique concernant la douleur et la souffrance chez l’homme, le terme de souffrance chez les animaux est couramment employé comme synonyme du terme de douleur par de nombreux auteurs (102).

30 1.1.2.3.1 Souffrance, émotions et conscience

De façon plus rigoureuse, la souffrance animale peut être définie, selon l’éthologue Marian Dawkins, comme « un état émotionnel consécutif d’expériences négatives comme la peur, la douleur, la frustration ou l’ennui » (46). Ainsi, il serait également question chez les animaux d’états émotionnels propres à chaque individu. Ces « expériences négatives » à l’origine de la souffrance font partie, comme nous l‘avons vu précédemment, des émotions ou des expériences ayant en partie une composante émotionnelle (c’est le cas de la douleur). Un animal faisant l’expérience de la souffrance est un animal en détresse émotionnelle. Concernant les émotions, on retrouve dans la définition de Dawkins des émotions universelles (la peur) et des émotions d’arrière plan, qui s’inscrivent dans la durée et ne sont pas forcément directement reliées à un stimulus sur l’instant (l’ennui et la frustration). Par cette nature d’état émotionnel subjectif, la souffrance est une expérience individuelle rattachée à la conscience de l’animal. Il serait donc réducteur de considérer la souffrance animale comme un concept unimodal. En plus de la composante émotionnelle exposée par la définition de Dawkins, elle serait, tout comme la douleur, rattachée à une composante cognitive liée à la conscience de l’animal. Il convient cependant d’être prudent car, comme nous l’avons vu précédemment, certaines émotions ne nécessitent pas forcément de conscience réflexive (34), notamment certaines émotions universelles à l’origine de la souffrance comme la peur.

La souffrance et, par ailleurs, les émotions au sens large, sont d’autant plus difficiles à percevoir et qualifier chez les animaux à cause de l’absence de langage. Cette difficulté à démontrer la présence ou l’absence de la souffrance chez les animaux introduit, dans la littérature scientifique, des définitions différentes de celle exposée précédemment, qui tendent à donner un caractère moins complexe à la souffrance animale.

1.1.2.3.2 Quelles sont les espèces concernées ?

La souffrance apparaît donc chez les animaux qui possèdent une certaine conscience de leur environnement. La souffrance selon la définition écrite pour l’homme est reconnue chez les primates. De nombreuses expériences basées sur des observations éthologiques ont mis en évidence des comportements témoignant d’une souffrance chez ces espèces. Par exemple, les singes capucins semblent réagir à la perception d’injustices. Au cours d’une expérience publiée dans le journal Nature en 2003, deux singes dans deux cages côte à côte

31 reçoivent chacun une récompense. Si un des deux singes a vu son congénère recevoir une récompense plus appétissante il refuse d’interagir avec les expérimentateurs. Ce comportement est encore plus marqué quand, à récompense égale, un singe doit fournir un effort pour obtenir la récompense alors que l’autre n’en a aucun à fournir (26, 33). Des résultats similaires ont été obtenus chez des chimpanzés et des chiens. Ce type de protocole n’a pas encore été expérimenté chez des animaux d’élevage. Mais la souffrance, selon la définition de Dawkins, « un état émotionnel consécutif d’expériences négatives comme la peur, la douleur, la frustration ou l’ennui », est admise chez un certain nombre de mammifères non-humains et, notamment, les animaux d’élevage.

La recherche actuelle apporte sans cesse des arguments en faveur de l’existence de la sensibilité des animaux, surtout chez les mammifères non-humains. Cela implique qu’ils peuvent ressentir des émotions aussi bien positives que négatives. L’existence d’une conscience implique que l’intégrité de leur sphère psychique peut être impactée, notamment par les émotions négatives. Il est avéré que les mammifères non-humains possèdent les mêmes structures nerveuses impliquées dans les émotions chez l’homme (notamment le système limbique et plus particulièrement le cortex cingulaire antérieur) (34, 103). On retrouve également chez un certain nombre d’espèces animales (primates, mammifères supérieurs divers, certains oiseaux et rongeurs) le processus d’empathie qui permet de se représenter l’état émotionnel et/ou cognitif d’un autre sujet (30). Cependant, des capacités cognitives élaborées n’ont pas été mises en évidence chez toutes les espèces du règne animal. Ce constat amène la conscience collective à une hiérarchisation des espèces animales basée sur leurs capacités cognitives, avec l’homme au sommet de cette hiérarchie (4, 128). Cependant, jusqu’à preuve du contraire, il est injustifié de les exclure d’emblée chez les autres espèces animales, notamment celles ayant les mêmes structures nerveuses impliquées dans les émotions que chez l’homme. Ne pas avoir observé ou prouvé un phénomène n’infirme pas pour autant son existence.

1.1.2.3.3 Causes et effets des « expériences négatives » à l’origine de la souffrance chez l’animal

Les « expériences négatives » à l’origine de la souffrance chez l’animal seraient rattachées à l’incapacité de l’animal de pouvoir exprimer un « projet comportemental primordial », afin de s’adapter à une situation à laquelle il est confronté (1). Cette difficulté d’adaptation corrélée à la souffrance chez l’animal, notamment chez les animaux d’élevage,

32 se traduit par des modifications du comportement que l’on retrouve en cas de renforcements négatifs et qui sont similaires à celles que l’on retrouve lorsqu’un animal fait l’expérience de la douleur. On peut, par exemple, citer le retrait, la prostration et la diminution de la prise de boisson ou d’aliment (12, 46). On retrouve également, en plus des modifications comportementales, des modifications des paramètres physiologiques similaires à ceux rencontrés chez l’homme et également des paramètres zootechniques tout comme dans l’expérience de la douleur. Ces modifications se retrouvent également dans l’expérience de la douleur comme nous l’avons vu précédemment et se rencontrent de façon plus générale dans des contextes susceptibles d’entraîner du stress chez l’animal, c'est-à-dire une réponse similaire à une réponse inflammatoire « déclenchée soit par un stimulus psychologique, soit par un stimulus nociceptif agressif » (46). Ainsi, les situations pouvant être à l’origine de souffrance chez l’animal sont, tout comme chez l’homme, plus variées que celles pouvant entraîner de la douleur. Cependant, comme nous l’avons vu avec la douleur chez l’animal, la capacité d’adapter au contexte l’intensité des comportements corrélés à la souffrance n’est pas connue à l’heure actuelle (136).